Livres - BD / Illustrations

Miss Charity (BD) de Marie-Aude Murail, Loïc Clément et Anne Montel

Titre : Miss Charity

Auteurs : Loïc Clément, Anne Montel (dessins et textes) et Marie-Aude Murail (histoire d’origine)

Éditeur : Rue de Sèvres

Année de parution : Depuis 2020

Nombre de tomes  : 2 (en cours)

Histoire : En 1880, Charity est une petite fille de la bonne société anglaise. Endeuillée par la mort de ses petites soeurs, sa famille lui accorde peu d’attention ; aussi se réfugie-t-elle auprès de sa bonne, Tabitha. Elle élève également des souris dans la nursery, dresse un lapin, étudie des champignons au microscope et apprend Shakespeare par coeur, espérant qu’un jour quelque chose rompra sa solitude.

Mon avis :

Tome 1 : L’enfance de l’art

C’est la couverture colorée et poétique de cette BD qui a accroché mon oeil sur les étals de ma librairie. Je ne savais pas du tout au début que c’était l’adaptation d’un roman d’une autrice que je lisais enfant, Marie-Aude Murail, et ce fut donc un argument supplémentaire à mon achat compulsif, de même que le fait que ce soit édité chez Rue de Sèvres, chez qui il y a toujours de très beaux livres.

Ici, nous sommes donc en présence du premier tome adaptant le roman éponyme de Marie-Aude Murail. Son éditeur nous le propose sous une très jolie forme : avec sa reliure dont le dos est en tissu bleu et ses pages de gardes qui rappellent celles des livres anciens. L’objet est de toute beauté !

Quand on ouvre le ravissement continue à nous saisir grâce au travail d’adaptation de Loïc Clément et Anne Montel, qui semblent avoir l’habitude de travailler ensemble, puisqu’ils ont publié Le temps des mitaines et Les jours sucrés chez Dargaud, Chroniques de l’île perdue chez Soleil Métamorphse, Les contes des coeurs perdus : Chaussette chez Delcourt, Professeur Goupil et A la recherche du père noël chez Little Urban ou encore Mille milliards de trucs (et de moutons) chez Belin. C’est un duo professionnel capable de réalisations de toute beauté et c’est encore le cas ici.

J’ai été enchantée par l’adaptation en bande dessinée du roman Miss Charity. L’univers graphique est magique. J’ai beaucoup aimé la mise en page sans les lignes fermées des cases. J’ai beaucoup aimé la colorisation et son effet aquarelle qui retranscrit très bien la douceur de ce récit sur l’enfance. Et j’ai beaucoup aimé le petit grain de folie du coup de crayon qui correspond bien à la personnalité de l’héroïne. L’ensemble donne une ambiance magique et naturelle à la fois dans laquelle on retrouve à merveille l’univers du XIXe siècle vu par une fillette anglaise de la gentry.

L’histoire, qui peut rappeler celles de la Comtesse de Ségur chez nous, est assez classique. Elle met en scène une fillette d’une famille aisée qui grandit un peu toute seule et surtout se prend de passion pour la nature qui l’entoure et les créatures qui la peuple. Cette petite Miss Charity est un vrai rayon de soleil, à l’imagination débordante, qui porte un regard neuf et original sur le monde qui l’entoure, monde que je connais assez bien grâce à mes lectures sur l’époque victorienne.

Je suis de suite tombée sous le charme de ce petit tourbillon. Charity court partout, attrape toute sorte de bêtes, les étudie, se passionne pour elles, s’attache à elles. Elle ne ressemble en rien à la fillette bon chic bon genre que sa mère voudrait qu’elle soit. Elle détonne dans sa maison familiale mais également dans sa famille au sens large, sauf que c’est cette singularité qui fera sa richesse. A travers elle, c’est le portrait de la Gentry anglaise que les auteurs nous font. Une société où l’enfant n’est qu’une décoration et non un individu. Une société où les apparences sont très importantes, où il faut se montrer pieux, où les filles sont cantonnées au rôle de bel ornement et de future bru, etc. Une société étouffante dont l’héroïne va se moquer pour laisser libre court à sa passion, comme seuls les enfants savent le faire.

Ainsi, c’est passionnant de la voir interagir avec la nature, faire tourner en bourrique sa bonne puis sa gouvernante, détonner au milieu de ses cousins et cousines. Charity est l’électron libre qui va animer toute l’histoire, une histoire qui a tout de la tranche de vie, plus que d’une aventure. La narration est tranquille, un peu contemplative. J’y ai retrouvé des similitudes avec Raison et sentiments de Jane Austen, notamment dans le ton et l’ambiance. Pour autant, je ne me suis pas ennuyée un instant, j’ai été emportée par la magie qu’insuffle l’héroïne, une magie enfantine, celle d’une enfance peut-être fantasmée qui transforme tout grâce au regard plein d’imagination de Charity, comme le jeune Marcel dans La Gloire de mon père et Le Château de ma mère de Pagnol, même si ici les interactions avec les parents sont cruellement absentes.

Comme je l’ai pressenti en tombant sur cette superbe couverture, j’ai été enchantée par ma lecture de Miss Charity et surtout par ma découverte de son héroïne et de son univers naturaliste sublimé par les dessins de Loïc Clément et Anne Montel. Avis à tous les fans de nature et d’enfance, ce titre est fait pour vous !

Tome 2 : Le petit théâtre de la vie

Après la lecture lumineuse et touchante que fut le premier tome consacré à l’enfance de la future autrice Beatrix Potter, impossible de ne pas y retourner. Ce fut cependant un choc qui m’attendait car le ton est résolument différent, plus sombre, plus âpre mais non moins intéressant.

Chariry a grandi. Elle a perdu ceux qui l’enthousiasmaient et lui permettaient de laisser libre cours à sa créativité. Elle est désormais adolescente dans ce XIXe siècle où on attend des femmes et jeunes filles qu’une seule chose : qu’elles fassent de bonnes épouses et se marient. C’est donc sur un ton un peu morne que nous allons découvrir la suite de son histoire.

Finis les expéditions dans la nature, finis les élucubrations graphiques, place à une petite fille qui grandit dans ce milieu étriqué dans une certaine peine et solitude, et qui de ce fait, se cherche. Bien que très différent et moins solaire, j’ai beaucoup aimé ce deuxième volet où on nous montre bien la cassure entre l’enfance et l’adolescence. C’est écrit avec une jolie justesse et toujours autant de poésie même si celle-ci est plus rude. Charity est toujours aussi attachante et j’ai aimé la voir grandir en se cherchant, en s’interrogeant sur elle-même mais aussi sur ses relations, cela ouvre de sacrées perspectives par rapport au tome 1 finalement.

Les auteurs n’hésitent pas à la mettre en scène avec sa famille et ses amis, la montrant un peu blasée et spectatrice, mais également actrice parfois quand il s’agit d’aider son ancienne préceptrice qui est en danger ou son cousin qui est au plus mal. Charity est vraiment une jeune fille touchante qui grandit bien et se pose les bonnes questions, nous interrogeant à notre tour à cette occasion. Si la nature m’a manqué, j’ai aimé cependant le côté mondain de ce tome et la façon des auteurs de se moquer gentiment de toute cette foire au mariage et des diktats des parents.

On assiste ainsi avec douceur à la rébellion silencieuse de cette jeune anti-conformiste qui l’air de rien, en faisant semblant de plier, continue de résister et finit par trouver sa voie au fil des rencontres qui émanent sa route. C’est très joliment fait et encore plus sous le trait doux et charmant d’Anne Montel que j’aime décidément énormément et qui se prête extrêmement bien à l’histoire. On dirait du Maupassant illustré avec elle, avec en prime un petit zeste de folie représenté par la ménagerie et l’imagination de notre jeune fille. C’est plein de charme.

Surprise, j’ai été par cette suite. Surprise car ce n’était pas la fin de l’aventure et j’en suis ravie. Surprise car le ton est beaucoup plus sombre et j’en suis ravie car cela permet de visiter une autre dimension de l’histoire qui interroge un peu plus encore sur l’anti-conformisme et le courage de certaines filles et femmes à l’époque. C’est vraiment un très belle et tendre fresque féministe pleine de coeur.

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© 2020 Editions Rue de Sèvres

16 commentaires sur “Miss Charity (BD) de Marie-Aude Murail, Loïc Clément et Anne Montel

    1. Oui, j’étais le public rêvé.
      Par contre, je n’ai pas particulièrement envie de lire le roman, j’ai peur qu’il soit vraiment trop jeunesse. Je ne lis plus l’autrice depuis mes 10-11 ans. En plus, la version BD me satisfait pleinement alors y a pas de raison ^^!

      Aimé par 1 personne

  1. J’ai lu le roman et j’ai vraiment apprécié ma lecture où nous retrouvons également quelques illustrations dedans. Je suis vraiment intéressée par la version BD, et très curieuse de savoir comment l’univers est rendu, même si ta description semble loyale à l’univers du roman.

    Aimé par 1 personne

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