Livres - BD / Illustrations

Blanc autour de Wilfrid Lupano et Stéphane Fert

Titre : Blanc autour

Auteurs : Wilfrid Lupano et Stéphane Fert

Editeur : Dargaud

Date de parution : 15 janvier 2021

Nombre de pages : 144

Histoire : 1832, Canterbury. Dans cette petite ville du Connecticut, l’institutrice Prudence Crandall s’occupe d’une école pour filles. Un jour, elle accueille dans sa classe une jeune noire, Sarah. La population blanche locale voit immédiatement cette « exception » comme une menace. Même si l’esclavage n’est plus pratiqué dans la plupart des États du Nord, l’Amérique blanche reste hantée par le spectre de Nat Turner : un an plus tôt, en Virginie, cet esclave noir qui savait lire et écrire a pris la tête d’une révolte sanglante. Pour les habitants de Canterbury, instruction rime désormais avec insurrection. Ils menacent de retirer leurs filles de l’école si la jeune Sarah reste admise. Prudence Crandall les prend au mot et l’école devient la première école pour jeunes filles noires des États-Unis, trente ans avant l’abolition de l’esclavage.

Mon avis :

Je tiens d’abord à remercier Dargaud et NetGalley pour cette lecture coup de poing !

Avant même de savoir de quoi parlait cette bande-dessinée, j’ai été frappée par sa couverture avec ces femmes marchant en avant d’un bon pas comme pour conquérir le monde, et cela m’a donné diablement envie de lire cette histoire.

Blanc Autour est une super bande-dessinée, que certains appelleront volontiers roman graphique je pense, qui s’appuie sur l’histoire vraie de Prudence Crandall, une jeune américaine célibataire, qui avait décidé d’élargir et d’ouvrir son école pour jeune fille à des noires. Ce livre est l’histoire de son combat, de leur combat pour qu’on accepte de considérer ses jeunes femmes à égalité avec les autres peu importe leur couleur de peau, et je ne vais pas vous faire plus longtemps mariner, ce fut un énorme coup de coeur !

J’ai d’abord été séduite par le travail graphique autour de cette oeuvre. Sous des dehors parfois un peu naïf, les dessins ont une force rare. Le dessinateur joue énormément sur le silence comme renfort narratif et c’est particulièrement efficace pour nous frapper à des moments clés de l’histoire. Il a également attaché une grande importance à la lumière et à la symbolique des couleurs qui accompagnent les moments du récit. Les décors et costumes, ainsi que les expressions et postures des personnages sont extrêmement bien réussis, retranscrivant à merveille cette période de l’Histoire américaine comme si on y était. C’est superbe !

L’histoire n’est pas en reste. Brodant autour de ce que l’on connait de la vie de Prudence Crandall, de ses combats, de son école et de celles qui y sont allées, l’auteur met en scène un récit poignant et percutant qui révolte autant qu’il donne envie de se lever pour protester. C’est superbe !

On aurait pu craindre une narration classique affaiblissant le propos comme c’est le cas parfois, mais ce n’est pas du tout le cas. L’accent est mis sur la sororité des femmes qui vont aller à cette école et de celles en avance sur leur temps qui vivent autour et ce rendent compte de l’injustice que vivent les noirs, ce qui rend le récit vraiment lumineux.

Pourtant le contexte n’est pas simple. En préambule, les auteurs resituent d’ailleurs à bon escient l’histoire, en racontant qu’elle débute peu après une terrible révolte populaire noire qui a mis à mal les quelques avancées qui avaient eu lieu dans cet état alors. Les blancs ont alors peur des noirs et cette peur leur fait faire n’importe quoi. L’album parle ainsi avec justice du racisme ambiant en Amérique à cette époque, de certaines de ses racines et manifestations, mais surtout de ces hommes et surtout femmes qui ne s’en laissent pas compter et apprennent à penser par eux-même réalisant que c’est parfaitement injuste. J’ai adoré ! C’est lent, progressif mais terriblement fort, comme ces femmes qui portent l’histoire et qui ont une résistance et un courage à toute épreuve malgré les épreuves.

Et épreuves il y aura dans ce récit ponctué de drames. Ceux-ci rythment notre lecture autour qu’ils font monter notre colère. On est révoltés face à la façon dont certains noirs ont peur de leur propre révolte. On est révolté face à ces blancs qui se croient supérieur à tous et qui pensent avoir moralement raison en plus. C’est à vomir. L’effet « petite ville » est parfaitement rendu, comme c’était le cas dans Anne with an E. Ils commettent horreurs sur horreurs sous couverts de leur « bon droit » mais surtout de leur peur de l’autre et disons-le clairement de leur envie de rester la seule élite dominante. Il ne faudrait surtout pas que les noirs s’instruisent et développent une conscience des injustices qu’on leur fait subir ou qu’ils veuillent avoir les mêmes droits que les blancs. C’est révoltant !

Heureusement les femmes au centre de cette histoire sont superbes et savent se serrer les coudes. Elles forment une superbe sororité dont les membres peu à peu s’ouvrent l’esprit mutuellement sur des questions telles que la place de la femme ou la religion. C’est magique à l’image de cette « sorcière » qu’elles croisent dans la forêt.

Je ressors de cette lecture avec un profond sentiment de dégoût envers les hommes et les femmes qui méprisent ainsi leurs prochains mais aussi plein de belles images dans la tête grâce aux liens créés par ces femmes, qui auraient tout à fait leur place dans le recueil des Culottées de Pénélope Bagieu.

25 commentaires sur “Blanc autour de Wilfrid Lupano et Stéphane Fert

  1. j’ai adoré ce titre moi aussi. Comme toi j’ai tout de suite été séduite par la couverture et j’ai eu envie de le lire sans savoir de quoi sa parlait. Les illustrations sont superbes, et l’histoire est intéressante, instructive et touchante. Je l’ai tellement aimé que je l’ai fait de suite lire à ma grande fille qui a accroché aussi. Un très beau titre

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  2. Il est dans ma wish list depuis l’annonce de sa sortie, et les excellents avis qui se multiplient me donnent encore plus envie de le lire. Mais je ne suis pas étonnée, Lupano semblant avoir un talent certain pour aborder avec pertinence et force des sujets importants. En tout cas, on ressent à quel point tu as vécu intensément cette lecture !

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    1. Je ne suis pas surprise que tu l’aies repéré toi aussi de ton côté. Je pense que c’est vraiment le genre de lecture qui marque. J’espère qu’il aura le même succès en librairie qu’il l’a eu en avant-première sur la blogosphère ^^

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    1. Pareil que toi, y a quelques années, je le lisais pas de BD autres que les mangas pensant ne pas aimer et je découvre des styles divers qui me plaisent beaucoup à présent 😀
      Alors j’espère que tu aimeras si tu as l’occasion de la lire !

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  3. Je l’ai lue aussi et l’ai trouvée super ! Pas de coup de coeur pour moi, mais j’ai apprécié de suivre le parcours de ces femmes, leur combat face à la haine des Hommes blancs…

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