Livres - Mangas / Manhwa / Manhua

My Broken Mariko de Waka Hirako

Titre : My Broken Mariko

Auteur : Waka Hirako

Editeur vf : Ki-Oon (seinen)

Année de parution vf : 2021

Nombre de pages : 194

Histoire : Quand Tomoyo apprend aux informations la mort de son amie Mariko, elle n’en croit pas ses oreilles. Elles s’étaient pourtant vues la semaine précédente, sans que rien ne laisse présager un tel drame. Mariko, à la jeunesse brisée, qui lui vouait une admiration sans bornes et qui s’est vraisemblablement suicidée…
Tomoyo ne contient pas sa rage : elle doit trouver un moyen de rendre un dernier hommage digne de ce nom à sa seule confidente. Pas question de laisser le père violent de la jeune fille prendre les choses en main ! Bouleversée et confuse, elle se précipite chez lui, vole l’urne funéraire et, malgré les coups, hurle les mots de colère que Mariko a gardés en elle pendant toutes ces années ! Les précieuses cendres sous le bras, Tomoyo se lance dans une course effrénée, en quête du lieu de dispersion idéal… mais aussi du salut, pour son amie comme pour elle-même.

Mon avis :

Je remercie Ki-Oon pour leur confiance avec cet envoi.

En sortant ce oneshot, Ki-Oon a parfaitement su trouver sa phrase de lancement car effectivement My Broken Mariko est un peu très beau road-trip rédempteur qui m’a vraiment émue.

La jeune autrice, Waka Hirako dont c’est ici la première oeuvre a très bien fait de s’inspirer de ses expériences personnelles pour nous livrer ce récit très intime car cela lui a conféré une puissance rare qui ne peut que prendre aux tripes. Et avec ses thématiques autour de la violence faite aux enfants mais également aux femmes, il est pile poil dans la tendance #MeToo du moment qui a pourtant tant de mal à décoller au Japon où une chape de plomb a été posée de tout temps, ce qui est fort triste. On a donc besoin d’autrice comme ça pour oser parler !

Le volume se partage en deux histoires distinctes, sur lesquelles je vais revenir à tour de rôle, mais qui ont toutes deux une sensibilité une peu commune dans l’urgence que l’on sent dans le trait et la narration de l’autrice ainsi que dans l’abandon d’une certaine jeunesse à la dérive qui cherche une ancre pour ne pas couler. Les deux récits quoique très différents sont vraiment émouvants.

Cependant celui qu’on va retenir, c’est bien sûr le récit éponyme du volume : My Broken Mariko, qui raconte la terrible perte d’une amie qui a depuis toujours été victime d’abus. L’histoire nous est contée du point de vue de sa meilleure amie qui doit apprendre à faire son deuil mais pas que.

Plus qu’une histoire de deuil, moi j’y ai vu l’histoire d’un regret, celui d’une femme qui n’en pas su venir en aide à sa meilleure amie alors qu’elle a toujours su de quoi elle était victime. C’est cela qui en fait un récit poignant, bouleversant et révoltant, parce qu’on ressent dans toutes les fibres de notre corps son impuissance qui la ronge et qu’elle regrette tant alors qu’il est trop tard. Ce récit est donc pour moi un signal d’alarme qui nous dit que même si on trouve ça dur, il faut qu’on trouve le moyen d’aider les victimes pour qu’elles sortent de cette spirale infernale.

Malgré une tendance de l’autrice à faire surjouer les émotions de son héroïne, j’ai trouvé le récit très juste. Peut-être parce qu’il est inspiré de sa propre expérience, sa mère ayant été victime de violence comme l’une de ses amie, cela donne une teinte très particulière au récit et surtout à la victime. Celle-ci m’a vraiment frappée et du coup toute l’exubérance et la folle course en avant de l’héroïne m’a semblé être le contre-poids de son silence et sa résilience, comme si Tomoyo devenait le réceptacle de toute cette rage et cette colère qu’elle ne pouvait exprimer, elle. C’est magnifique !

Pour cela, la mangaka nous livre un récit très vif, incisif, rapide et un peu fouillis, où ça crie, où ça court partout, où ça pleure à gros sanglots et où ça a des gestes désespérés et inattendus. Cela m’a beaucoup rappelé ce que Kyôko Okazaki avait pu faire sur des titres comme River’s Edge, Helter Skelter ou Tôkyô Girls Bravo pour ce que j’en ai lu. J’y retrouve ce même trait dépouillé, cette même jeunesse désespérée qui le fait entendre à grands coups d’éclats et cette même sensibilité envers les faits de société qu’on tait un peu trop. Alors même si l’autrice n’est pas dans les influences qu’elle cite, j’y retrouve sa patte. En revanche, quand elle dit aimer Xavier Dolan, je dis oui oui oui, je le retrouve vraiment ici avec ce portrait d’une jeunesse à la dérive.

Quant au deuxième récit, il s’agit d’un autre road-trip aux inspirations western où le tueur à gages Tyler se fait aider en chemin par le jeune Danton pour qu’il le guide dans la pampa américaine. Le dessin fait encore plus âtre et ciselé à l’image des personnages. Si au début c’est surtout l’ambiance old school western qui me plaisait, le final autour de l’histoire de Tyler m’a bien accrochée. Cependant c’est une histoire que j’aurai tendance à oublier je le sais car elle est très courte et n’a rien de vraiment mémorable en comparaison de My Broken Mariko.

Ainsi avec ce oneshot, Ki-Oon a fait un très beau choix éditorial, celui de parler des violences faites aux femmes et aux enfants avec un récit âpre d’une autrice encore jeune qui a beaucoup de choses à dire sur les faits sociétaux et que j’espère bien revoir chez nous. Elle offre un récit vraiment poignant et maîtrisé de bout en bout malgré sa fin un peu abrupte mais qui correspond bien à l’urgence et la folie qui s’est emparée de l’héroïne avant de retomber. C’est un très beau moment de vie même si particulièrement douloureux et un cri, un appel à l’aide pour toutes les victimes qui en ont besoin. Superbe !

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13 commentaires sur “My Broken Mariko de Waka Hirako

  1. Tu sais, le regret et la culpabilité font fait partie du deuil. Le deuil c’est aussi apprendre à (sur) vivre.

    Pour le reste, je trouve que tu dis des choses justes. C’est un titre qui m’a beaucoup remuée personnellement pour toutes les thématiques qui y sont abordées.

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      1. Mais de rien, j’aime beaucoup ta chronique qui est juste et bien argumentée.

        Tu sais, j’apprends tous les jours de ce deuil qui m’a frappé en 2019. On vit avec et si tu savais les regrets que j’ai. Il faut apprendre à apprivoiser tout ça, apprendre à être bienveillant envers soi-même.

        Ce que traverse le personnage est une épreuve terrible et douloureuse. Bien plus que Mariko au final, bienheureuse qui est partie. C’est à son amie d’apprendre à vivre et de continuer le combat. C’est elle qui va devoir dompter les démons de Mariko qui sont devenus les siens. Je trouve que cette planche où elle lance l’urne funéraire à la tête du pervers pour le frapper, incroyable. J’en ai eu des frissons ! Il y a tellement de significations derrière ! Un peu comme si elle disait à Mariko : tu vois, on l’a fait finalement ! Tu en étais capable.

        Enfin bon, je pourrais argumenter et faire des lectures des cases durant des heures 😛

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      2. C’est superbe ce que tu écris.
        J’ai aussi été frappée par cette planche où j’ai l’impression qu’à elle deux elles prenaient ainsi leur revanche au-delà de la vie et de la mort.
        Je pense que dans quelques années quand j’aurai plus de vécu, je relirai ce titre et sûrement qu’il me parlera encore plus ^-^

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