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K : L’Ivresse des Sommets de Jirô Taniguchi et Shiro Tosaki

Titre : K : L’Ivresse des Sommets

Auteurs : Jirô Taniguchi et Shiro Tosaki

Editeur vf : Kana (Made In)

Année de parution vf : 2006

Nombre de pages  : 290

Résumé : Personne ne connaît ni son vrai nom, ni son passé, pourtant K est le seul alpiniste assez rompu à la montagne et téméraire pour porter secours au jeune Nawan Door, fils d’un riche magnat du pétrole, coincé en haute montagne. A plus de 8000 mètres sur les voix du K2, il est son dernier espoir ! 7 ans avant le Sommet des Dieux, Jirô Taniguchi livre une approche magnifique de la montagne, à la fois fascinante et dangereuse.

Mon avis :

Il y a plusieurs catégories de titres dans les mangas de Jiro Taniguchi et j’aime chacune d’entre elles, que ce soit les tranches de vie, les polars ou ceux consacrés à la nature, mais dans cette dernière catégorie, j’apprécie tout particulièrement ses quelques titres en lien avec la montagne.

Taniguchi est né au pied d’une montagne, il le raconte lui-même dans l’une de ses interviews, et cela joue énormément sur la fascination qu’il ressent avec ce monstre de la nature. Au cours de mes lectures, je l’avais déjà ressenti dans sa fresque Le sommet des dieux (2000-2003), ainsi que dans le oneshot Le Sauveteur (1999) ou encore dans le titre plus intimiste La montagne magique (2005), mais ici avec K l’ivresse des sommets (1986), nous sommes en présence du plus ancien titre publié en France où il s’y frotte frontalement.

Sorte d’anthologie autour de la figure de K, un mystérieux alpiniste, nous allons à ses côtés gravir les plus hauts et dangereux sommets du monde en 5 temps. Chaque histoire est auto-conclusive et se découpe en un ou deux chapitres au cours desquels le héros va gravir une paroi particulièrement complexe, mettant bien souvent sa vie en jeu. J’y ai été frappée une nouvelle fois par la force de la nature dessinée par les crayons de Taniguchi. On tremble régulièrement avec et pour son héros. Mais j’ai également été frappée par la force de ce dernier et son intelligence de grimpeur. L’auteur ne met pas en scène une tête brûlée mais un homme rationnel, qui réfléchit avant de faire le choix d’escalader une montagne et ne cède pas aux sirènes de l’argent ou de la célébrité. Ainsi, c’est plutôt un duel fort respectueux entre l’homme et la nature auquel nous assistons au cours de ces histoires.

Celles-ci ont été écrites par Shiro Tosaki, un auteur de scénarii de manga ayant un certain nombre de titres à son actif sous ce nom ou un autre, et nous avons là la seule et unique collaboration entre les deux artistes. Sous sa plume, les histoires de K sont toujours profondément humaines. Il nous fait rapidement nous attacher à ce héros taiseux, connu d’un certain cercle d’amateurs mais pas forcément reconnu ensuite à sa juste valeur. Il fascine autant qu’il est détesté par certains, mais c’est un grand alpiniste avec de belles valeurs. Au cours de ces 5 histoires, nous suivons ses prouesses, parfois un peu tirées par les cheveux, souvent pour aller sauver quelqu’un, thème que Taniguchi reprendra dans ses autres titres sur l’alpinisme. Le rythme y est excellent même si la construction est un peu répétitive et la façon dont il s’attaque à chaque nouvelle montagne donne des frissons.

Cependant, à vouloir proposer un titre reposant sur une suite d’histoires mettant en scène le même personnage, les auteurs en viennent à oublier de créer du liant entre elles. On a donc l’impression que se juxtaposent des histoires presque interchangeables, où la morale et le déroulement sont sensiblement les mêmes, et surtout où le même défaut se retrouve : une fin très abrupte. Cela n’aurait pas été grand-chose si on avait pu assister à une certaine évolution au fil des histoires ou si la dernière avait proposé une certaine forme de conclusion, mais on a juste l’impression d’assister à des moments de vie décrochés du reste et dans lesquels on pourrait revenir à tout moment et repartir de la même façon. Ça m’a un peu frustrée.

Heureusement l’expérience visuelle a aussi bien été au rendez-vous que l’expérience humaine dont je parlais plus haut. Le talent de Taniguchi pour saisir la force, la brutalité et l’implacabilité de cette nature mais aussi la fascination qu’elle exerce sur nous est déjà là. On a presque l’impression d’être devant un reportage grandeur nature sur la montagne, tant celle-ci semble réelle et les détails sont nombreux et précis. Un grand travail de documentation a été fait pour pouvoir dessiner et nous immerger dans cette ambiance. On suit pas à pas ce qu’il faut faire devant tel ou tel type de paroi, quel matériel utiliser, que faire face à tel phénomène naturel. C’est fascinant. Taniguchi nous fait réellement vibrer sous ses crayons. On ressent la rudesse des parois, la froideur des vents, la brutalité des avalanches, le danger de tout ce qui peut tomber ou se décrocher. C’est saisissant de réalisme.

Ainsi, même si j’ai eu un sentiment d’inachevé à la lecture de ces cinq histoires, j’ai avant tout été fascinée par ce qu’elles racontaient de la relation entre l’homme et la nature, l’homme et la montagne. Taniguchi n’a pas son pareil (avec Shin’ichi Sakamoto dans Ascension) pour mettre cela en image et nous faire vibrer pour un parfait inconnu, homme qui célèbre toute la complexité du métier de grimpeur. Encore un très beau et puissant Taniguchi.

> N’hésitez pas à lire aussi l’avis de Brussel Boy, et les avis sur Babelio, Vous ?

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