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Lone Wolf & Cub – Edition Prestige de Kazuo Koike et Gôseki Kojima

 

Titre : Lone Wolf & Cub – Edition Prestige

Auteurs : Kazuo Koike et Gôseki Kojima

Éditeur vf : Panini Manga (seinen)

Année de parution vf : Depuis 2021

Nombre de tomes : 1 / 12 (en cours)

Histoire : Autrefois kogi kaishakunin du shogun, fonction qui faisait de lui l’un des hommes les plus importants du pays, Ogami Itto n’est plus rien. Victime d’un complot, il a tout perdu : sa famille, son pouvoir, son prestige. Il erre désormais en compagnie de son jeune fils Daigoro à travers le Japon féodal à la recherche de ses ennemis. Tel un vieux loup solitaire, il loue ses services de samouraï au plus offrant et enchaîne des missions toutes plus périlleuses les unes que les autres.

Mon avis :

Tome 1

Voici un titre qui a beaucoup fait parler sur les réseaux sociaux. Panini a mené une superbe campagne promotionnelle et les influenceurs et consommateurs comme moi se sont fait grand plaisir d’en inonder les réseaux lors de sa sortie. Mais qu’en est-il de l’oeuvre derrière le belle objet ?

Revenons tout d’abord sur cette réédition. Panini propose un très bel ouvrage pour le retour de cette oeuvre patrimoniale. Avec une édition digne de Cornelius, qui est pour moi l’éditeur français qui propose les plus belles éditions de manga, on retrouve la même jaquette en papier ultra épais et plié, la même reliure de qualité avec surimpression en vert des titres et logo de la série, le même papier de qualité, le même accompagnement éditorial bienvenu, ne manque que le signet et peut-être des pages couleurs, mais j’ai cru comprendre que cela n’a pas été possible à obtenir. Bref, c’est vraiment un objet de qualité justifiant pour une fois son appellation d’édition prestige.

Avec 12 tomes contre 28 à l’origine, ce sont tout de même de sacrés pavés, des tomes de 700 pages bien lourds en main et pas faciles à lire pour le coup. Mais qu’importe, si c’est le moyen de retrouver ou découvrir un titre aussi important dans l’histoire du manga. Car Lone Wolf and Cub est une oeuvre emblématique qui a inspiré de nombreux auteurs et scénaristes comme le rappelle la préface. Il faut dire que nous avons aux manettes deux auteurs qui deviendront archis connus : l’un pour ses scénarios toujours très âpres, l’autre pour son dessin tout droit sorti de la plus pure tradition picturale japonaise. C’est parfait pour cette future oeuvre culte et marquante.

Venons-en maintenant à l’histoire. Dans ce premier tome de 700 pages, nous faisons la connaissance d’un père et son fils sur les routes dans un Japon médiéval, un début de scénario à la Père & fils de Mi Tagawa, mais ça s’arrête là car le père en question n’est pas apothicaire mais samouraï errant. Il vend ses services et ceux de son fils aux plus offrants et circule pour cela avec une poussette astucieusement aménagée pour cacher différentes lames. Pour introduire les personnages, leur histoire et leur univers, les auteurs nous entraînent dans une suite de chapitres quasi indépendants d’une quarantaine de pages mettant en scène ce père et son fils dans leur drôle de quotidien si différent du nôtre. A chaque fois, une mission se présente à eux et nous permet de découvrir la vie du peuple dans ce Japon médiéval.

A leurs côtés, les auteurs nous proposent avec ce père qui est l’image même du samouraï à l’ancienne, qui perpétue et tranche en même temps avec les valeurs de ceux-ci, un chambara de haut vol et une représentation réaliste du Japon médiéval. D’habitude je suis plutôt les histoires des dirigeants que ce soit à travers le Chef de Nobunaga, le Tigre des Neiges ou le Pavillon des hommes, ici on change radicalement de perspective pour un récit plus proche des petites gens. C’est un peu l’ancêtre de l’Habitant de l’infini mais en moins clinquant, en plus rude et âpre. On se retrouve à hauteur d’homme, on parle d’économie, de politique et surtout de drame social : avec de la pauvreté, de la prostitution, de la violence… Il y a cependant beaucoup de noms de personnes, de lieux ou juste de mots d’éléments culturels ancrés dans cette époque, ce qui en fait une lecture pas toujours facile à suivre. Malgré mes autres lectures il me manque des références pour pleinement en profiter et le choix des notes en fin de tome n’est pas celui que je préfère surtout vu le poids de la bête. Il y a aussi le choix de garder énormément de termes japonais pas toujours explicités, ce qui rend la lecture dense et exigeante par moment.

Mais le titre est aussi un bien beau divertissement. J’ai souvent eu l’impression d’être dans un film d’action à l’ancienne. Le travail graphique est incroyable. On est dans du pur gekiga d’action. On sent le souffle du sabre, le déplacement des jambes, c’est incroyable ce travail sur les traits de vitesse, la mise en scène tel un spectacle de ballet. Il y a aussi un gros travail sur les décors. On sent très bien la misère d’alors, à travers le vent qui souffle mais aussi les lieux désertiques qu’on croise. J’ai adoré lors d’un chapitre le travail sur la représentation de la neige tellement puissante et symbolique. On dirait que le dessinateur est habité.

Enfin au-delà de tout ça, c’est également une bien belle histoire humaine entre un père et son fils, une relation que l’on sent puissante, un grand amour et une transmission de valeurs. L’auteur montre souvent la puissance guerrière du père et ses pensées plus philosophiques mais également tout l’amour qu’il porte à son fils et la façon dont il en prend soin à sa façon. Il pense ainsi à montrer son influence sur son fils à travers des scènes où celui-ci tient également le premier rôle, tel un futur guerrier en puissance. C’est à la fois la relation d’un maître à son élève parfois et celle d’un père aimant envers son jeune fils quasiment tout le temps, ce qui donne quelque chose de singulier à l’ancienne, mais terriblement chaleureux et puissant malgré la misère et la violence qui les entourent.

Cependant cette espèce de huis clos perpétuel que l’on vit, en ne suivant que leurs aventures à eux deux sans autre personnage régulier, a un petit quelque chose d’étouffant, surtout dans ce décor si sombre et tragique. C’est donc une lecture difficile à faire d’une traite. Les chapitres sans se répéter ont quand même beaucoup de ressemblance entre eux et peuvent lasser. J’ai donc préféré faire plusieurs pauses dans ma lecture et si le schéma est le même jusqu’à la fin, sans évolution des personnages comme c’est le cas ici, je ne suis pas sûre de voir la nécessité d’aller jusqu’au bout, pour moi ce tome se suffit à lui-même. Alors à la limite, je jetterai un oeil à la conclusion mais sauf si on me prouve un intérêt contraire, je ne ferai pas toute la série. Il faut dire aussi qu’elle a un certain coût et qu’il faut vraiment une motivation intense pour qu’un lecteur aille au bout.

Je tiens tout de même à remercier Panini d’avoir rendu à nouveau disponible ce monument du manga car clairement, si ce ne fut pas un coup de coeur, ce fut une lecture vraiment marquante. J’ai adoré découvrir cette vision du Japon d’autrefois sous la plume des deux auteurs et en particulier voir les tableaux magnifiquement peints de Gôseki Kojima. Ce serait bien maintenant de faire le même effort éditorial pour les oeuvres des mangakas femmes !

 >N’hésitez pas à lire aussi les avis de : , Vous ?

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