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Onmyôji : Celui qui parle aux démons de Reiko Okano

Titre : Onmyôji : Celui qui parle aux demons

Auteur : Reiko Okano (d’après les romans de Baku Yumemakura)

Traduction : Patrick Honnoré

Éditeur vf : Akata/Delcourt (Fûkei)

Années de parution vf : 2007-2013

Nombre de tomes  : 7 / 13 (série interrompue en France)

Résumé : Faut-il croire aux anciennes légendes, aux récits mythiques, aux personnages fantastiques ?
Encore enfant, Abe-no-Seimei fait ses premiers pas en compagnie de son maître Kamo Tadayuki sur les chemins fréquentés par les esprits malins et les âmes courroucées des ténèbres aux mille sortilèges. Seimei ayant senti approcher une entité maléfique avant tous, Tadayuki reconnaît en lui un don exceptionnel pour les pratiques du Yin et du Yang. De ce jour, il en fait son principal disciple et lui enseigne tous ses secrets.

Mon avis :

Tome 1 : Le serpent bondissant

Dans les années 2000, les éditions Delcourt, dirigées alors par Dominique Véret pour sa collection manga tandis qu’elles collaboraient encore avec Akata, osaient proposer pas mal de titres très orientés culture et spiritualité japonaise. Au milieu de titres un peu virilistes qu’aimait tant Dominique Véret, le plus poétique Onmyôji a été choisi. Malheureusement, il ne rencontra pas le succès escompté et fut péniblement publié jusqu’à son 7e tome avant d’être arrêté. Le lecteur peut tout de même, s’il a le courage de le chercher en occasion, le découvrir sans frustration comme je l’ai fait !

Onmyôji est le résultat d’une collaboration entre la grande Reiko Okano, artiste connue depuis les années 80 au Japon, qui est entre autre l’épouse du fils d’Osamu Tezuka, et Baku Yumemakura, auteur de romans historiques. Ensemble, ils ont adapté en 13 tomes la saga romanesque a succès de l’auteur dans une ambiance historique et ésotérique très proche de la réalité. L’éditeur français, lui, offre un très bel écrin à cette oeuvre avec un appareil critique conséquent à chaque tome, porté par la plume affûtée de Johanna Schipper qui nous plonge un peu plus dans cette période historique méconnue pour ma part.

Mais Onmyôji n’a pas rencontré le succès en France. Il faut dire qu’à l’époque les lecteurs n’étaient peut-être pas près, tout comme moi, pour ce type de littérature. La preuve, Le cortège des 100 démons parus en même temps a également fait un flop et la collection consacrée aux mangas historiques chinois de Natsuki Sumeragi ont connu le même sort, toujours à la même époque. Les éditeurs ont-ils voulu en sortir trop en même temps ? trop tôt ? On ne saura pas et l’expérience n’a pas été retentée depuis malheureusement. Si on souhaite découvrir ces récits historiques asiatiques portés par de poétiques plumes féminines, il faut donc se tourner vers le marché de l’occasion…

Cependant, je comprends aussi que le titre ait pu diviser. Si d’un point de vue historique et spirituel, il est fort intéressant, souvent c’est noyé sous une narration des plus absconde avec beaucoup mais beaucoup trop de détails sur l’Histoire et le folklore de l’époque. On a le sentiment d’être totalement noyé quand on ne connaît pas. Pour accrocher un lectorat novice comme beaucoup mieux aurait valu y aller plus tranquillement, plus doucement, en incorporant petit à petit ces informations plutôt que de les donner par gros blocs, les rendant inintelligibles. Je comprends cette envie de partager et transmettre son savoir, de rendre la période encore plus riche et profonde en communiquant ce qu’on sait, mais c’est mal fait.

Il faut donc réussir à passer et dépasser ce premier niveau, ce premier rideau pour atteindre ensuite les histoires. Celles-ci sont alors passionnantes à lire. Avec un duo, rappelant Sherlock Holmes et Watson dans une ambiance un peu en mode « Je te raconte une histoire à la façon des 1001 nuits », nous allons retrouver Seimei sorte de maître exorciste et son ami Hiromasa, un courtisan, dans toutes sortes d’aventures faisant intervenir des esprits dans la capitale, Heiankyo (=Kyoto) à la fin du Xe siècle. Leurs aventures rappellent un peu les romans noirs du XXe de Rampo Edogawa, par exemple, mais dans un autre décor historique. Ils forment un duo chien-chat amusant avec la personnalité ambiguë et taquine de Seimei. Et surtout chacune de leurs histoires est teintée de noirceur et de drame.

J’ai beaucoup aimé la poésie qui se détache des histoires, la variété et l’ésotérisme des créatures rencontrées, l’ambiance ancienne et dépaysante que cela offre. Je ne connaissais pas grand-chose à cette époque de l’Histoire du Japon et bien qu’en étant plutôt en huis clos ici, j’ai aimé les bribes que j’ai pu découvrir de cette période et ce lieu, remplis de superstitions et peurs de l’inconnu. Ici, les auteurs foncent à fond dans le spiritisme et n’hésitent pas trouver des explications à tout dans celui-ci, ce qui donne une touche fort singulière aux histoires.

Le dessin extrêmement fin et en même temps assez réaliste de l’autrice donne vraiment l’impression d’être face à des tableaux et photos de l’époque. Tout est extrêmement bien travaillé et documenté des décors, en passant par les costumes, les coiffures, les accessoires et bien sûr les créatures. C’est un merveilleux horrifique parfaitement représenté.

Flop à l’époque, lecture encore complexe de nos jours, Onmyôji fascine tout autant qu’il fait des noeuds au cerveau. J’adore le trait et l’ambiance de ce que propose ce titre. J’ai beaucoup de mal avec la narration et le contexte historique et spirituel trop lourdement transmis. Je suis donc partagée sur ce titre. Je lui trouve tout autant de grandes qualités que de grands défauts, mais peut-être que quelqu’un de plus versé que moi dans la culture ésotérique japonaise ne le verra pas du même oeil ^^!

Tome 2 : Le moineau vermillon

Avec ce deuxième tome composé, comme le premier, d’histoires indépendantes où nos héros sont missionnés pour exercer un exorcisme et aider leurs prochains face aux esprits qui les tourmentent, on retrouve les mêmes qualités et les mêmes défauts que précédemment.

Reiko Okano nous emmène cette fois auprès de deux nouveaux esprits : Gentiane et Petit capricieux pour deux histoires à la longueur inégale, le premier se découpant sur 5 chapitres, tandis que le second ne l’est que sur 2.

Le lecteur prendra à nouveau plaisir à découvrir la vie dans la capitale japonaise du Xe siècle avec ces courtisans mais pas que, avec ses grandes avenues mais pas que, avec ses esprits connus mais pas que. C’est à nouveau une très belle représentation de l’époque, fine et immersive avec un dessin fin et poétique mais également très noir.

Cependant, nous sommes à nouveau, et peut-être encore plus, noyés sous les informations, quelles soient sur la capitale et les préceptes de sa conception, ou sur les créatures auxquelles nous sommes confrontés, ce qui a une nouvelle fois rendu la lecture difficile et parfois assez ennuyeuse, je l’avoue. C’est vraiment pesant de casser le rythme ainsi avec des tonnes d’informations, pas toujours pertinentes au passage, qui auraient dû être plus diluées.

J’ai donc bien du mal finalement à vous parler des deux histoires de ce tome, tant je n’en ai pas retenu grand-chose trop noyé sous le reste. Je me rappelle juste d’une belle ambiance horrifique à la japonaise avec des créatures vraiment effrayantes dans cette obscurité d’une époque lointaine où la nuit était propice à tous les mystères et toutes les interprétations.

Avec un tome tel que celui-ci, je comprends un peu le flop qu’a pu faire la série. Il est vraiment dur d’arriver à s’extirper de la narration exigeante (trop pour moi) des auteurs qui ont tendance à oublier qu’ils sont là avant tout pour raconter une histoire et non pour dépeindre une époque comme dans un essai historique.

Tome 3 : Les six harmonies

Après deux lectures un peu compliquées, c’est avec un tome comme celui-ci que j’en viens à apprécier et comprendre les adorateurs d’Onmyôji, car cette fois les auteurs sont parvenus à faire passer leur histoire avant tout le reste pour offrir deux récits dévastateurs.

J’ai beaucoup apprécié mon incursion dans l’univers historique plein de spiritualité et de folklore des deux histoires de ce tome, surtout la première. J’y ai retrouvé une poésie cruelle telle qu’on peut en trouver dans les contes occidentaux également et le fait qu’on laisse le temps à l’histoire de s’étaler, se développer, sans la noyer sous des détails historiques abscons m’a beaucoup aidée également.

La première histoire est une mission au cours de laquelle notre duo va être confronté à la possession d’une jeune fille par un esprit malin, celui-ci étant tombé sous son charme, se sert d’elle pour avoir une descendance, ce qui n’est pas du goût du père de la jeune fille qui va engager notre exorciste. Nous sommes vraiment dans la plus pure tradition de l’histoire dramatique d’un amour interdit couplé à celle d’un exorcisme à l’ancienne. Tous les ingrédients y sont : poésie d’une tragique histoire d’amour, magie d’une cérémonie ésotérique d’autrefois. J’en ai adoré le sombre mélange sous la plume et le pinceau des auteurs. C’était beau, sombre et tortueux, avec des émotions contradictoires, sous le regard plein de recueil d’un Seimei qui me rappelle de plus en plus Sherlock mais en mode exorciste plutôt que détective. Je m’amuse énormément de la façon dont il se sert de son acolyte comme le fera son successeur plus tard, et il me fascine par ses pouvoirs, ses connaissances et son talent d’observateur. Nous avons donc ici dans ce conte cruel mon histoire préférée jusqu’à présent.

Mais la seconde histoire fut elle aussi excellente. Elle nous emmène au coeur du palais impérial, lors d’une cérémonie à laquelle participe Hiromasa et qui va mal tourner à cause d’un esprit ayant pris possession d’une personne haut placée. Grâce à cette histoire, on découvre enfin avec facilité un pan des fêtes et du folklore de l’époque. On s’introduit également dans les coulisses de ce palais bien mystérieux sinon quand on l’observe de loin.

Il m’aura donc fallu trois tomes pour entrer pleinement dans l’univers d’Onmyôji et me faire à cette narration archi dense mais également prendre plaisir aux missions d’exorcisme de notre drôle de duo précurseurs de Sherlock et Watson. Quand enfin les auteurs ne nous noient pas sous les informations historiques et ésotériques, ils développent des histoires poétiques et tragiques comme celle du Seigneur de la rivière noire et j’adore !

> N’hésitez pas à lire aussi l’avis de :  Sorrow, Lunch, Vous ?

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7 commentaires sur “Onmyôji : Celui qui parle aux démons de Reiko Okano

  1. Cela fait des années que j’espère une réédition de Onmyoji mais je pense rêver. Je ne savais pas que le manga pouvait encore être trouvable en occasion je vais aller regarder ça car ton avis me donne vraiment envie de tester et visuellement c’est vraiment ma came

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    1. Je crois que j’ai eu de la chance de tomber sur ces premiers tomes. Je n’en ai pas revu depuis.
      C’est pareil pour ceux de Natsuki Sumeragi que j’essaie de compléter. Je les trouvais à une époque mais plus trop maintenant.
      J’aime bien ce genre de trait hyper fin et presque réalistico-historiques, mais j’ai plus de mal avec les histoires, je manque de références ^^!

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      1. Alors oui les tomes semblent difficiles à trouver (j’espère que l’adaptation Netflix va permettre une réimpression ou une ressortie)
        Il m’en manque 2 de Natsuki Sumeragi et ils sont dur à trouver je suis d’accord..
        C’est le genre de manga qui s’exporte difficilement à moins d’être accompagné d’un bel appareil critique ou autre pour faciliter la compréhension des histoires j’ai l’impression :/

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