Livres - Fantasy / Fantastique

Le Choeur des dragons de Jenn Lyons

Titre : Le Choeur des dragons

Auteur : Jenn Lyons

Éditeur vf : Bragelonne (Poche)

Année de parution vf : 2020-2022 / 2023

Nombre de tomes vf : 5 (grand format – terminé) / 4 (poche – en cours)

Histoire : Kihrin a grandi dans les quartiers pauvres de la Cité capitale. Voleur et fils de ménestrel élevé dans une maison close, il a été bercé par les fables évoquant des princes disparus et des aventures trépidantes. Lorsqu’il est malgré lui désigné comme le fils perdu d’un seigneur cruel et corrompu, Kihrin se retrouve à la merci des querelles de pouvoir et des ambitions politiques qui animent sa nouvelle famille.
Quasi prisonnier, Kihrin découvre qu’être un prince disparu n’a pas grand-chose à voir avec les histoires des ménestrels. D’ailleurs, il s’avère que celles-ci lui ont bien menti : sur les dragons, les démons, les dieux, les prophéties… et l’idée que le héros gagne toujours à la fin.
Peut-être Kihrin n’est-il pas ce héros, finalement. Car il n’a pas pour destin de sauver le monde… mais de le détruire.

Mon avis :

Tome 1 : Le Fléau des rois

Quand nous avons vu les couvertures de cette réédition poche, nous sommes tous les deux, Steven et moi, tombés sous leur charme et la décision fut vite prise d’en faire une lecture commune tant l’impatience était grande de découvrir ce qui se cachait de beau derrière. Résultat : une lecture marathon quasiment en apnée pour moi afin de ne pas perdre le fil de ce récit abordable et addictif mais dense et exigeant aussi. Épique, magique et onirique !

Le Choeur des dragons est une saga en 5 tomes parues initialement en grand format entre 2020 et 2022 chez Bragelonne, mais avec des couvertures très sobres qui, personnellement, m’ont fait totalement me méprendre sur le contenu de l’oeuvre. Heureusement que la série est ressortie en poche avec une toute autre proposition reflétant bien mieux son contenu et sachant me donner envie avec ce squelette de dragon inquiétant et hypnotisant. Merci Elsa Roman !

 

Couverture grand format VS couverture poche…

J’avais souvent lu des avis signalant cette saga comme complexe à lire, j’ai donc été surprise par la facilité avec laquelle je suis entrée dans l’univers, certes riche, mais tout à fait abordable imaginé par Jenn Lyons. Celle-ci a une plume fort entraînante et surtout elle n’hésite pas à prendre la main au lecteur, ne tombant pas dans les écueil de l’info-bombing d’un côté ou du mystère à outrance, non elle dissémine avec astuce les informations au fur et à mesure de l’histoire selon les besoins et j’ai beaucoup aimé cela. Après, je ne cache pas qu’au fil des pages, l’univers et surtout les relations entre les personnages sont devenues plus complexes et que les annexes en fin de volume et notamment un certain arbre généalogique ont été bien utiles !

Mais revenons à l’intrigue. Jenn Lyons nous propose une fantasy épique, politique et mythologique assez classique, enchâssée dans une double narration comme je les aime contée à la fois par un homme qu’on suppose être le héros qui a été arrêté et est questionné, et son inquisitrice à la langue bien pendue. Entre eux, un jeu de chat et de souris s’engage aussi bien dans les intrigues qu’ils nous content en parallèle que dans les incipits et notes en bas de pages où ils semblent se répondre, ce qui rend la lecture fort savoureuse.

Nous suivons à travers la plume de Serre, la métamorphe inquisitrice, le récit de l’enfance du jeune Kihrin / Vol, fils de ménestrel, qui côtoie une maison de passe et joue les monte-en-l’air, jusqu’au jour où il tombera sur la mauvaise maison et se retrouvera embarqué dans une aventure qui le dépasse qui aura trait à ses origines et talents secrets. En parallèle, sous la plume d’un Kihrin adulte, nous découvrons comment il a été vendu comme esclave puis séquestré par un dragon tombé amoureux de sa voix, ce qui va l’amener à percer certains grands mystères de son monde.

C’est donc une intrigue fort riche qui attend le lecteur sur près de 900 pages et pourtant je n’ai à aucun moment ressenti de coup de mou. Certes j’ai parfois préféré l’une ou l’autre des intrigues qui s’entrecroisent selon le moment de l’histoire, mais elles m’ont à chaque fois donné envie de poursuivre et de découvrir ce qui allait encore arriver à Kihrin, ce héros dont on découvre peu à peu l’homme qu’il va devenir grâce à Serre, mais également l’homme qu’il est à présent à travers son propre regard.

Soyons franc, c’est le récit de Serre qui nous plonge dans les méandres des histoires familiales complexes et tordues de la grande famille à laquelle Kihrin va se découvrir appartenir que j’ai préféré. J’ai également été plus touchée par la performance de l’autrice sur l’écriture de Kihrin dans ce volet, passant de gosse des rues à fils de noble rebelle, de gosse indépendant, à fils sous la coupe non souhaitée d’un père toxique. Les histoires de la famille D’Mon (quel chouette nom !) étaient tortueuses à souhait, remplies de violence mais aussi de magie et de mystère, avec des personnages hauts en couleur que j’ai aimé adorer ou détester. Le père présomptif de Kihrin est une horreur absolue, tandis que son jeune frère Galen et sa servante Miya étaient fort attachants. Le décor très oppressant de ce huis clos familial a aussi contribué aux mystères qui allaient exploser ensuite et tout emporter.

Cependant, je dois avouer que question univers, c’est le récit fait par Kihrin, sur l’adulte qu’il est devenu, qui fut le plus riche, sauf que l’autrice fait preuve de plus de maladresse pour l’écrire. D’abord, je n’ai jamais été fan des récits d’esclavages, mais en plus ici, l’autrice passe rapidement sur bien des aspects ce qui empêche de vraiment creuser des choses qui auraient été nécessaire. On comprend mal les changements qui se produisent chez Kihrin car l’autrice passe trop vite sur les faits, les années, les rencontres et c’est bien dommage. Par exemple, il y a fort peu de magie réellement exprimée dans cet univers. On croise bien quelques créatures, démons, dragons, quelques sorts, portails, mais c’est toujours très bref. Ici on avait la chance de voir mettre en scène la rencontre avec un dragon qui avait une réelle aura, je l’ai trouvé trop peu exploité sur la longueur. Il apporte certes des informations sur l’univers mais j’aurais aussi aimé un lien plus profond et vécu avec le héros comme le titre le laissait présumer. Heureusement que les révélations étaient au rendez-vous, elles.

Car la saga de Jenn Lyons semble joliment reposer sur un mélange de mythologie à base de dieux qui n’en sont pas, de dragons qui n’en sont pas, de rois qui n’en sont pas, et de magie, et de politique de grandes familles qui vont venir twister tout cela. Cela donne ainsi une double narration, tantôt lente, hypnotique, intrigante, tantôt rapide, explosive, épique. Le héros est tantôt attentiste, brinquebalé, tantôt en plein coeur de l’action et menant même celle-ci. Pendant longtemps, je me suis demandée, tout comme mon compagnon de lecture Steven, où l’autrice voulait nous conduire. Nous aimions notre immersion dans ce monde étrange et clôt, mais nous ne savions pas à cela allait et c’est en découvrant les ponts entre les deux intrigues et surtout entre les personnages croisés que cela a commencé à faire sens. J’ai vite trouvé cela jouissif. Je crois que cela a pris plus de temps à Steven. J’ai aimé cette overdose d’informations que j’ai eu dans le final pour faire le lien entre tout et révéler la toile d’ampleur que tout cela cachait. C’était un vertige savoureux pour ma part, je ne crois pas que cela ait été le cas de Steven, qui à une page près chutait du mauvais côté, si j’ai bien compris 😉

J’ai donc adoré les débuts de cette saga complexe où l’univers fut dense mais parfaitement accessible avec cette découverte boulimique que j’ai eu faite. Les bandeaux publicitaires sont cependant un peu trompeurs pour moi. Certes, c’est épique mais on est loin de l’écriture d’un Sanderson lors des scènes d’action. Il leur manque quelque chose pour moi, notamment avec cette magie que je ne trouve pas assez spectaculaire à mon goût, ni assez originale. On n’est pas non plus dans la poésie et l’onirisme de Rothfuss, même si on a un héros ménestrel charmant les dragons. Ce n’est pas assez développé et mis en valeur non plus. L’autrice emprunte savamment à bien des grands noms du genre mais ne les transcende pas. Elle fait une aventure honnête et passionnante à suivre mais avec des manques flagrant dans le worldbuilding pour que celui-ci soit vraiment explosif, immersif ou encore émouvant. Il y a trop de jeux sur les personnages, leurs noms, leurs relations présentes et passées, ce qui alourdit le récit mais est assez facile au final.

Plus proche d’une nouvelle version des Rois Maudits pour moi, avec cette saga familiale à travers les millénaires, que de Roshar ou du Nom du vent, Le Choeur des dragons fut une lecture épique passionnante tout de même où j’ai beaucoup aimé les astuces de l’autrice pour sublimer son héros en devenir et le rendre aussi complexe que la famille dont il est issu. Nous ne sommes cependant que dans le premier tome d’une vaste saga dont les tout premiers secrets ont été percés, et encore à peine, ce qui nous réserve encore bien des surprises que nous avons hâte de mettre à jour avec Steven. L’éditeur semble parti sur la promesse d’un tome par mois, nous essaierons d’en faire de même pour poursuivre cette épopée familiale et mythologique bien enlevée !

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Tome 2 : Le nom de toutes choses

Il est l’heure de retrouver pour la deuxième fois notre rendez-vous draconique et magique mensuel avec Steven : la saga Le Choeur des Dragons et heureusement que nous le faisons de manière rapprochée pour ne pas nous perdre dans les méandres de cette vaste intrigue pleine de chausses-trappes.

Tout comme à la lecture du première tome nous avons été passionnés, déstabilisés, fascinés et perdus parfois, mais nous avons adoré. Jenn Lyons aime prendre ses lecteurs par surprise et les conduire ensuite par la main dans son vaste univers riche et complexe mais toujours passionnant. Avec ce deuxième tome, nous avons eu le sentiment de repartir à l’aventure, mais pas en prenant la suite de Kihrin, en repartant de zéro. C’était culotté ! Tel un G.R.R.Martin qui avait scindé son intrigue en deux sur deux tomes pour nous conter une histoire parallèle dans deux endroits différents, avec deux points de vue différents, avec des personnages différents. Étant quelqu’un de curieux et malléable, j’ai adoré le procédé et n’attendais qu’une chose : voir où il allait nous mener. La surprise fut de taille et excellente, ravivant en moi des souvenirs de lecture de La Roue du Temps, un de mes cycles préférés !

L’autrice ne nous lâche, cependant, pas totalement dans l’inconnu. D’abord, elle prend soin de garder le lien avec nous, avec le même genre de narration que précédemment : la chronique, le récit a posteriori, par deux narrateurs très différents, qui ne se tirent pas dans les pattes, mais se complètent cette fois, et dont les écrits et paroles sont commentés par un troisième larron d’un autre camp. Cela rend la lecture très dynamique et prenante, ce qui est parfait pour faire vivre cette nouvelle aventure délocalisée dans les terres de Jorat auprès d’un peuple inédit, aux traditions inconnues et surprenantes, notamment sur les questions du sexe et du genre, à la politique tout aussi complexe que celle des D’Mon, le tout raconté à un Kihrin trois jours après son « acte de bravoure » (?), ce que l’autrice nous rappelle sans cesse avec humour en incipit. Le lien avec le lectorat est fait, l’hameçon est accroché !

Même si le ton peut sembler un peu monotone de bout en bout de l’histoire, à part sur les 200 dernières pages sur les plus de 900 du roman !, il se passe toujours quelque chose. En suivant les aventures de Janel Theranon, une mystérieuse jeune femme disant connaître Kihrin, nous repartons en arrière dans le temps et découvrons ce qu’il se passait à l’autre bout de l’Empire pendant que ce dernier luttait contre sa famille. Au début, j’ai peiné à voir le lien entre le récit de la quête de Janel pour trouver une lance afin de vaincre le dragon Moriot, et ce qu’avait fait Kihrin. Il n’y avait plus mention des réincarnations d’âme ou des dieux et autres hauts rois dont il était question précédemment, je ne comprenais donc pas trop. J’avais l’impression d’être dans un banal récit inspiré des Jeux de rôles, avec certes une héroïne haute en couleur, puisque se revendiquant Étalon, c’est-à-dire de genre masculin pour son peuple, mais c’était des aventures assez banales.

La surprise est donc venue peu à peu, dans les interstices de l’histoire, tandis qu’en parallèle de cette quête guerrière, une quête plus personnelle est venue se glisser pour Janel. En faisant des découvertes sur ses origines, c’est tout un nouveau voile de la mythologie de la saga qui se lève et à nouveau le feu dévorant m’a pris, j’ai tourné les pages plus vite, j’ai cherché les liens, ceux-ci me sont apparus et l’histoire s’est complexifiée comme je l’aime. J’ai adoré tout le travail de l’autrice autour des liens entre Dragons, Immortels, Dieux et Déesses, artefacts et magie, c’était fascinant. Tout est plein d’ambivalence. Impossible pendant longtemps de savoir véritablement les intentions des uns et des autres, leur rôle dans tout ça. On a l’impression de suivre des personnages qui peuvent changer de visage à tout moment, donc à qui on ne peut jamais faire totalement confiance, en bien comme en mal. Un grand ennemi peut devenir un puissant allié, avant de se retourner contre nous, mais en même temps pour une bonne cause d’après ses dires. Dur d’y voir clair, mais c’est justement ce brouillard qui fascine.

Dans ce nouveau volet, où Kihrin ne fait longtemps que figure de spectateur avec des allures de Rand de la Roue du temps, j’ai appris à apprécier la kyrielle de nouveaux personnages qu’on met face à nous. Il y a l’évidente Janel, bien sûr, dont le courage à toute épreuve et les revendications féministes m’ont de suite parlé. J’ai eu l’impression d’y entendre la voix de l’autrice. D’ailleurs, celle-ci écrit de très beaux personnages féminins, aux destinées complexes, mais qui vont tenter de se relever du joug des hommes. Wyrga, la dompteuse du duc Kaen en fut un superbe exemple, tout comme la fascinante Senera dont on entend régulièrement la voix caustique. J’ai eu plus de mal avec le frère Qown à la voix plus timide et ampoulé, ce qui correspond bien à ses caractéristiques, mais freine l’adhésion au personnage, je trouve. Cependant, l’autrice réserve une belle surprise pour lui et cette mise en retrait est peut-être à expliquer ainsi.

Il fut dur pour moi de parler de ce tome sans spoiler, j’ai donc essayer de parler au mieux de ce qu’il m’a fait vivre sans trop en révéler, mais sachez que si vous êtes amateurs d’aventures, d’histoire qui va se révéler complexe, de surprises et de retournements, de combats et de magie, de tournois et de dragons, d’épées et autres artefacts, l’autrice vous gâte et parvient à rendre l’incohérent cohérent et donne le besoin furieux de se jeter sur la suite !

Un deuxième tome qui prend de court, mais un deuxième tome de haute volée, voilà mon sentiment en fin de lecture. J’ai adoré me laisser conduire dans cette aventure surprise qui n’est pas là où on l’attend. J’ai adoré changer de cadre et découvrir une autre histoire dans cet univers, avant de voir l’ensemble se nouer pour nous emmener encore plus loin. L’autrice est pleine de surprises. C’est une belle conteuse et une créatrice d’univers complexes tout sauf manichéens contrairement aux apparences. Ne vous laissez pas effrayer par la taille de ses volumes, chacun se lit avec passion et chacun sait surprendre et accrocher le lecteur que ce soit avec ses personnages et sa narration haute en couleur ou son aventure où elle ne lève jamais le pied, sauf pour appuyer sur l’accélérateur dans les derniers instants. Un vrai régal !

>> N’hésitez pas à lire aussi les avis : Steven, Lianne, Ô Grimoire, Vous ?

Couverture Le Choeur des dragons, tome 3 : La Mémoire des âmes

Tome 3 : La mémoire des âmes

Depuis ma découverte de la saga, celle-ci a le don pour me mettre le cerveau en ébullition et m’enjailler également grâce à la richesse du scénario de l’autrice et le jeu qu’elle fait sans cesse entre nous et ses personnages. Mais ce tome, il se pose là quand même niveau intrigue, action, relation, magie, worldbuilding et j’en ressors très très enthousiaste ! Je remercie donc mon compagnon d’aventure, Steven, qui m’a accompagnée lors de cette lecture et a supporté mes longues diatribes à chaque fois que je m’enthousiasmais et c’est arrivé souvent !

Pourquoi un tel enthousiasme ? C’est simple, c’est parce que l’autrice a su mettre dans ce tome tout ce qui avait déjà fait le sel séparément des deux précédents en nous offrant en plus un power-up incroyable de son univers en terme de complexité et richesse d’intrigues et de relations. C’est simple, tout y est, les pièces éparses trouvent enfin leur place et un tout nouveau puzzle se dessine comme nous l’avons remarqué avec Steven. Je ne vous cache pas que le début fut un peu rude au vu du nombre de personnages, de lieux, de figures, de créatures, de réincarnations et j’en passe. Je ne remercierai donc jamais assez le glossaire et les arbres « généalogiques » finaux. Je ne mentirai pas non plus en disant que j’ai tout aimé, j’ai eu un coup de mou en plein milieu alors que l’intrigue me semblait tourner un peu en rond, mais mon binôme de lecture ne l’a pas ressenti et l’autrice a à chaque fois réussi à retrouver le chemin pour proposer quelque chose de pertinent et entraînant, et ce même si l’intrigue principale du tome : préparer un certain rituel, mettait du temps à s’installer et à avancer.

Il faut dire que pendant toute ma lecture, j’ai eu de grosses vibes façon La Roue du Temps et celle-ci étant LA saga fantasy de mon adolescence, je fus donc totalement partiale. Avec ses Gemmeportes pour voyager, avec ses Dieux qui n’en sont pas vraiment, avec ce Vol Karrath emprisonné sur le point de se libérer, avec ses Huit Immortels et les nombreuses créatures qu’ils nous font croiser, j’ai eu l’impression de retrouver les Réprouvés de la Roue du Temps, ses Voies et Pierres portes, ses Aes Sedai manipulatrices et j’en passe. En plus, il y a aussi des schémas un peu similaires dans les relations amoureuses qui se tissent ou encore dans les manigances politiques et surtout dans la narration de l’autrice donnant la voix à plein de personnages et nous faisant voyager avec eux dans son univers, modelant les groupes au gré des besoins de l’histoire. Impossible de résister.

Et franchement au vu de l’univers proposé, je n’avais pas envie de résister et je crois que mon collègue non plus. Je suis archi fan de l’écriture inclusive de l’autrice qui propose des peuples permettant aux lecteurs de vrais questionnements sur la question du genre et de l’identité sexuelle, que ce soit avec les Morganes ou les Vanés. Et cet imaginaire sur les fluctuations de genres et de sexes m’a totalement parlé. J’ai adoré tout le côté ethnologique de son univers richement pensé qui vient agrémenter l’intrigue par touches pertinentes et originales. C’est également le cas côté bestiaire et magie où nous sommes particulièrement gâtés dans ce tome. C’est le retour en force des dragons mais aussi des démons, avec des explications pleines de saveurs sur chacun. Rien n’est jamais ce qu’il semble être dans cette saga et je me régale grâce à cela.

Mais ce sont peut-être encore plus les relations entre les personnages qui ont fait le sel de ce tome pour moi. J’ai d’abord adoré suivre les différentes groupes qui s’établissent dans les premiers chapitres avant de se retrouver, s’éclater à nouveaux et proposer de nouvelles dynamiques. On retrouve des personnages qu’on avait appréciés de découvrir dans chacun des tomes qui font groupe ici et font prendre sens à l’intrigue, la faisant passer à l’étape supérieure. Tout cela est rempli de manigances mais aussi de tiraillements personnels et émotionnels. On se retrouve avec une écriture romantique et romanesque des relations amoureuses qui m’a transcendée. Je suis devenue particulièrement fan de la relation complexe entretenue par les parents de Kihrin qui a permis de révéler chaque individualité à notre regard, en particulier sa mère ! Je sais que Steven l’a adorée lui aussi. J’ai également beaucoup aimé le triangle amoureux, mais c’est plus que cela, qui naît entre Kihrin, Teraeth et Janel, mêlant sentiments présents et sentiments de leurs précédentes incarnations, et semblant proposer une relation polygame réellement convaincante, bien pensée et construite intelligemment sans facilités pour séduire le lectorat.

Du coup, j’ai adoré suivre les nombreuses voix de ce tome, même si je dois avouer que certains m’ont plus intéressée que d’autres. Je n’arrivais ainsi jamais à me rappeler qui était Talea et ce qu’elle venait faire là. En revanche, j’ai adoré retrouver le jeu des narrateurs, cette fois Kihrin et Thurvishar avec nous. C’était comme avoir deux potes au coin du feu qui trient des papiers pour choisir quels textes nous communiquer, tout en échangeant entre eux dessus avec humour et sarcasme, surtout quand ça concerne l’intimité de Kihrin ou de ses parents. J’ai aussi beaucoup aimé retrouver un personnage comme Valathea (la harpe), ou encore le père de Thereal (Doc / Terindel) et Xalthorath dans sa relation ambiguë avec Janel.  Même les antagonistes sont richement travaillés et tellement ambigus (n’est-ce pas Relos Var ? Mon chouchou <3). Après tout, celui qu’on combat, on ne le connaît pas et ceux qui le combattent n’ont pas toujours fait que des choses bien. Chaque personnage apporte vraiment sa pierre à l’édifice et semble surtout plus proche de nous, plus incarné, dans ce tome. Alors même si parfois je me suis perdue dans qui était qui, grâce à l’aide du glossaire, j’ai retrouvé mon chemin et j’ai adoré les suivre.

Mais il ne faut pas mentir, l’intrigue globale de ce tome était assez mince en soi : réussir à réaliser l’incantation qui allait sceller l’immortalité du peuple Vané afin de sauver tout le monde en gardant Vol Karath, le roi des Démons, enfermé. L’autrice a passé plus de temps à nous raconter des à côté qu’à faire avancer celle-ci et cette dernière ne trouve sa réalisation que dans les 100 dernières pages où alors elle se révèle explosive et terriblement maligne. Cependant, le reste était loin d’être inutile car il a permis de creuser les liens entre les différents peuples, le récit des incarnations de chacun et leurs liens entre eux, d’exposer les sources de certaines magies, de démêler les intrigues politiques de certains états. C’était hyper riche. Tellement que je ne suis pas sûre que je me rappellerai de tout la prochaine fois mais sur le moment je me suis régalée. Il faut dire que l’autrice a une plume très vive et entraînante, piquante et sarcastique, noire et émouvante. Elle manie le pied de nez comme personne et joue vraiment avec nous, nous faisant croire à des avancées qu’elle va venir déjouer avec brio ensuite pour comme nous clouer le bec. Et si ça n’a pas marché à chaque coup, n’est-ce pas Steven ? (avec Grizzth), ce fut tout de même diablement malin à plusieurs reprises (cf Suless, Janel, Kihrin et j’en passe dans les dernières pages ><), rendant la lecture terriblement addictive et prenante.

Tome le plus complet jusqu’à présent, avec magie, incantation, magouilles, créatures, incarnations, réincarnations et j’en passe, il a su sustenter ma soif d’aventure, de gouaille et de surprises. Je me suis régalée à retrouver tout ce petit monde dans le si riche et haut en couleur univers de Jenn Lyons, qui ne prend pas ses lecteurs pour des paresseux et ose les challenger. Ce fut parfois très dense. J’ai parfois cherché où allait l’intrigue principale. Mais je me suis régalée de la construction de ce si riche worldbuilding et des relations inclusives si bien mises en valeur par l’autrice, dans une intrigue qui surprend toujours et est bien flamboyante à défaut d’être claire. Cela faisait longtemps que je n’avais pas retrouvé une fantasy avec autant d’imagination, de richesse et de souffle, surtout sur des tomes aussi longs. Me rappelant ce que Jordan ou Sanderson ont pu faire, je me délecte d’avance du prochain tome où tout va encore être remis en jeu. Rendez-vous en octobre avec mon compagnon de lecture toujours fidèle au poste !

>> N’hésitez pas à lire aussi les avis : Steven, Lianne, Vous ?

Tome 4 : La maison de toujours

Longtemps sur la brèche, la narration de Jenn Lyon a souvent été un numéro d’équilibriste dans les précédents tomes mais j’avais réussi à vaincre son tangage et à me passionner pour les aventures sortant de son esprit tordu. Cette fois je suis tombée et je me suis noyée, peinant à remonter à la surface de cette intrigue inutilement longue et alambiquée.

A un tome de la fin, l’autrice nous invente encore un nouveau système narratif. Là où cela avait pris pour Steven et moi les première fois – car oui, je reprends le chemin de l’Empire des Quur en sa si bonne compagnie ! -, nous avons eu plus de mal aujourd’hui. Avec Senera et parfois Thurvishar en narrateur, l’autrice nous propose un huis clos étrange et stressant, où les âmes de notre groupe de héros sont enfermées dans un Phare psychologique, celui de Shadrag Gor (oh, on dirait le Shadar Logoth de La roue du temps !), tandis que Kihrin livre un duel fort étrange face à Vol Karath qu’il a rejoint en se suicidant. C’est donc une aventure très spirituelle qui nous est proposée cette fois.

J’ai eu beaucoup beaucoup de mal à re-rentrer dans l’histoire, comme je n’ai cessé de le lire à mon compagnon de lecture. L’éditeur avait pourtant fait l’effort de nous offrir résumé et cartes, mais le glossaire n’étant pas exhaustif, je me suis souvent perdue à essayer de me rappeler qui était qui. Et comme le principe était de plonger dans les souvenirs de chacun pour peu à peu fabriquer le tableau général du présent où on se trouvait, pas simple de s’y retrouver. Je me suis dit au début qu’il me suffirait de me laisser porter pour comprendre, ce ne fut malheureusement pas le cas et j’ai surtout subi cette lecture.

Pour autant, j’ai trouvé le concept original. Plonger dans les souvenirs de chacun avant ou après le grand événement bouleversant tout leur univers était intéressant. On n’a appris plein de vilains secrets sur chacun, parfois on a même plongé dans leur généalogie. L’autrice a surtout montré leur double facette et insisté sur l’absence de manichéisme de l’oeuvre, personne n’étant tout blanc. J’ai aimé le cadre de ces découvertes, au sein de ce phare dont l’ambiance me rappelait l’hôtel de Shining. Les échanges des deux observateurs duellistes Kihrin – Vol Karath valaient leur pesant d’or. C’est juste dommage que cette partie ait duré aussi longtemps et qu’elle ait été aussi dépourvue d’action.

Ce souci de rythme irrigue vraiment le tome. Il donne l’impression que l’autrice a créée ici un épisode filer en attendant le grand final, lui permettant certes de développer les personnages secondaires et les romances, mais un peu à marche forcée et avec beaucoup de longueurs. En fan de romances, j’ai été attendrie par celle du trouple : Kihrin – Teraeth – Janel, et j’ai apprécié de découvrir celle de Galen et Qown, ce qui m’a permis d’enfin apprécier ce dernier, grâce à une relation complexe mais sincère. C’est d’ailleurs à partir de leur développement que le récit a repris vie pour moi et que de l’action, des quêtes, des interactions sont apparues et ont dynamisé ma lecture, même si de nouvelles longueurs sont apparues.

Il faut dire que le worldbuilding fait énormément de surplace ici. En dehors de la recherche de quelques artefacts, de la révélation des identités secrètes de quelques uns, on n’avance pas vraiment avant les 100 dernières pages et sur les plus de 950 que le volume compte, ça fait mal. C’est bien pour ça que je dis que c’est un tome de remplissage et j’en suis la première désolée. C’est vraiment dommage car l’ambiance à huis clos que j’ai soulignée plus haut avait du potentiel. C’est une bonne idée de développer les personnages secondaires et les relations. Et surtout, le final dépote et relance à nouveau l’histoire de par ses révélations et chamboulements bien vus. Mais l’autrice ne se repose-t-elle pas un peu trop sur ces finals étourdissants justement ?

Tome douloureux à lire qui aurait pu être celui de la rupture, il est celui où le numéro d’équilibriste narratif de l’autrice fut le plus bancal. Je le regrette car c’est vraiment une lecture que j’attendais avec mon ami Steven depuis l’excellentissime tome 3 et en vu du final. Je ressors partagée. C’était bien trop long pour ce que cela avait à raconter et en même temps je suis fascinée par les jeux de dupes que l’autrice fait et défait pour mieux nous surprendre. J’aime ses personnages hauts en couleur et sa redéfinition des « méchants » tellement riche. J’attends donc avec une réelle impatience ce final qui pourrait être explosif et finement psychologique si elle parvient à tenir ses promesses. Affaire à suivre, il n’y a pas de date à l’heure qu’il est pour sa sortie en poche T.T

>> N’hésitez pas à lire aussi les avis : Steven, Vous ?

28 commentaires sur “Le Choeur des dragons de Jenn Lyons

  1. Quel éloquent et si évoquent avis dans lequel je me suis complètement retrouvé et qui met si bien en lumières nos passionnants échanges !

    Je suis plus que ravi d’avoir partagé en ta compagnie ce premier volet, aux allures de mastodonte qui offre un minutieux aperçu de l’impressionnant socle de cet univers enivrant et son intrigante mythologie qui a su nous séduire pour son rythme.
    Un rythme auquel et comme toi, j’ai été plus que sensible grâce au merveilleux chant orchestré par ce savoureux duo formé de Serre et Kihrin.

    De plus, les références citées me poussent à sortir la série de Maurice Druon, qui semble du même acabit, au plus vite de ma PAL.

    Alors je te tiens à te remercier une nouvelle fois pour ce savoureux exercice de lecture 🙂

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    1. Merci à toi également car nul doute que sinon j’aurais pu laisser dormir ce titre dans ma PAL alors qu’il méritait clairement de vite en sortir !
      Mon avis est à l’aune de cette lecture, un mastodonte lui aussi, mais ravie de voir que tu as su y retrouver nos échanges. C’est donc que j’ai réussi ce que je cherchais ^^
      Rdv très vite pour la suite 😀

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  2. Justement je viens de lire le billet de Steven 🙂
    J’ai vu l’épaisseur du bouquin en librairie et je ne pense pas me lancer dedans dans un avenir proche, surtout avec 5 tomes, mais je garde le titre en tête à cause des dragons ^^

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    1. Ah ces dragons, des créatures qui attirent toujours les amateurs de fantasy xD
      Je comprends que l’épaisseur te fasse peur. Il faut vraiment être dispo pour pouvoir enchaîner les pages de cette brique. Donc autant attendre que tu le dois si tu es toujours tenté plus tard 😉

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  3. Un pavé qui semble posséder de beaux atouts mais je t’avoue que vu le nombre de pages et la richesse de l’univers qui semble demander une attention de tous les instants, je ne pense pas le lire tout de suite.
    « la saga de Jenn Lyons semble joliment reposer sur un mélange de mythologie à base de dieux qui n’en sont pas, de dragons qui n’en sont pas, de rois qui n’en sont pas, et de magie, et de politique de grandes familles qui vont venir twister tout cela.  » Tu sais vraiment titiller la curiosité des lecteurs !

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    1. Oh merci beaucoup, je savais que la mention des dragons ferait réagir des lecteurs tels que toi 😀
      Et je comprends parfaitement ton choix, ce n’est pas pour rien que j’ai demandé à Steven si on pouvait attendre mes vacances pour le lire xD

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  4. Je n’avais pas réalisé que c’était le même roman que le grand format que tu montres ! Les couvertures n’ont rien à voir et, sur le GF, « Le fléau des rois » occupe tout l’espace du titre ; je l’ai à peine vu sur la couverture du format poche. En tout cas, c’est une lecture que j’espère bien découvrir et du coup c’est bon à savoir que c’est désormais en poche 😉

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    1. Quand je dis que les couvertures ne nous vendent pas du tout la même ambiance. Clairement le GF m’intriguait à cause des retours, tandis que le poche c’est la couverture qui me vend du rêve.
      J’espère que toi aussi l’aventure t’embarquera !

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  5. Pourquoi vouloir retoucher cette merveilleuse et si réaliste chronique que je partage totalement ! C’est incroyable, comme en peu de messages, nous avons ressenti les mêmes émotions malgré des attraits différents concernant ce second volet qui, je suis certain, ouvre la porte sur de belles et grandes promesses.

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    1. Parce que je ne me suis pas relue et l’ai écrite d’une traite ^^! Mais je n’ai pas encore trouvé le temps d’y revenir comme quoi lol
      Il faut d’ailleurs que j’aille également lire la tienne demain, ce n’est plus possible de traîner ainsi ><
      En tout cas, ravie d'avoir partagé à nouveau ce merveilleux et surtout aventureux moment avec toi. Hâte d'aller acheter le tome 3 !

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  6. Même si je ne partage pas ton coup de cœur, je partage cet enthousiasme débordant pour cette série qui gagne en maturité et en aboutissement avec tome que j’ai dévoré de bout en bout !
    La finalité laisse entrevoir de belles promesses quant à la suite des aventures de Kihrin, que j’ai encore plus adoré cette fois-ci tant ce dernier gagne en relief et en consistance !

    Vivement octobre 🙂

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  7. Si cela peut te rassurer, je te trouve davantage désabusée que sévère et je partage ton sentiment de perplexité. Encore plus quant à on sait à quel point le précédemment volet nous avait des plus charmé.

    Heureusement que la centaine de dernières pages est parvenue à changer la donne et je suis plus que certain que l’auteure nous régalera avec cette tant attendue conclusion.

    En espérant ne pas attendre trop longtemps avant de te retrouver pour sa découverte 🙂

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