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Qui suis-je pour t’aimer ? de Yuki Inari

Titre : Qui suis-je pour t’aimer ?

Auteur : Yuki Inari

Traduction : Misato Raillard

Éditeur vf : Kana (shojo)

Année de parution vf : Depuis 2023-2024

Nombre de tomes vf  : 3 (série terminée)

Résumé : Honatsu Tenma est une lycéenne qui a perdu la mémoire après un accident ayant coûté la vie à son père. La jeune fille étant incapable de se remémorer les onze premières années de sa vie, Akine et Tôma, ses amis d’enfance, la surprotègent.
Honatsu tente de vivre une adolescence comme les autres, mais tout est confus dans son esprit… Aime-t-elle Tôma d’amour ou d’amitié ? Pourquoi le nouvel élève ténébreux, Shun, la trouble-t-elle autant ? Pourquoi a-t-elle l’impression de le connaître ? Et surtout, pourquoi a-t-elle la sensation qu’il subsiste un voile de mystère autour de l’accident qui l’a privée de sa mémoire ?

Mon avis :

Tome 1

Quand on lit des romances lycéennes depuis longtemps, même si on aime bien revenir de temps en temps vers des histoires classiques un peu doudou, on aime aussi tomber sur des textes avec des petites originalités. C’est ce que propose Yûko Inari dans chacun de ses titres. Après l’amitié amoureuse avec triangle amoureux garçon-garçon-fille pour une romance MxM, place cette fois au triangle amoureux avec amnésie de l’héroïne comme point de départ.

J’avais déjà vraiment bien aimé sa précédente série 10th à couper le souffle, je sens que ça va à nouveau être le cas avec Qui suis-je pour t’aimer ? Comme précédemment, la série sera courte : 3 tomes au Japon, mais l’autrice y a bien progressé. Avec un dessin plus joli et sans les maladresses ponctuelles de sa première série, elle confère une émotion certaine à la lecture et surtout une petite part de mystère appréciable, car elle sait encore plus désormais rythmer son récit pour nous tenir en haleine, ce qu’elle avait déjà commencé à faire dans sa précédente parution.

Avec un premier chapitre on ne peut plus classique, l’autrice nous présente d’abord ce qui semble être une banale romance lycéenne avec une héroïne qui s’interroge sur la frontière entre amitié et amour car elle est très proche de son ami d’enfance Tôma et que tout le monde les voit ensemble. Impossible alors de se douter de quelque chose, et ce, même quand un nouveau assez taiseux arrive dans sa classe et bouscule ses sentiments sans le vouloir, ce qui la perturbe car on lui a dit que l’amour ça se construit et elle, elle se sent vaciller d’un coup sans le connaître. C’est à la fin de ce premier chapitre que le couperet tombe : l’héroïne est en fait amnésique. Il y a 6 ans, elle a eu un accident et elle a oublié les 11 premières années de sa vie, contenant probablement l’existence de ce nouvel élève : Shun.

J’ai beaucoup aimé la façon dont l’autrice a construit son récit et amené les révélations et pointes de mystère. Le mélange entre classique romance lycéenne, perte de mémoire, accident et potentiel meurtre est malin. Cela rend le récit rassurant, stressant et prenant à la fois. Il y a toujours une pointe d’inquiétude sur ce qu’on cache à Honatsu sous prétexte de la protéger et il y aussi de bons sentiments quant à sa volonté d’aller de l’avant et d’arrêter d’être surprotégée. Tout est bien rythmé et bien dosé.

Les personnages sont en plus assez bien écrits. On a une héroïne qui pourrait sembler être le cliché des anciennes héroïnes de shojo, avec son côté un peu dans la lune et surprotégée par son ami Tôma. Mais en fait, elle ne souhaite qu’une chose, sortir de ce schéma et prendre son indépendance. De plus, c’est mignon tout plein de la voir se questionner ouvertement sur leur relation entre amitié et amour, et en discuter aussi bien avec son amie Akine qu’avec Tôma lui-même parfois. Celui-ci se montre d’ailleurs assez franc avec elle et ose lui dire quand il se sent perturbé ou quand il a envie de plus. Cependant son côté surprotecteur et dissimulateur m’a gâché un peu la chose, de même que la personnalité, pour le moment, très clichée de l’autre garçon de l’histoire : Shun, qui est un brun ténébreux et taiseux, qui n’ose rien dire à Honatsu de leur passé, mais la pousse quand même dans le sens de son ancienne personnalité, on dirait bien. J’entends que tout le monde souhaite la protéger, mais ce n’est pas une dynamique que j’apprécie.

En peu de pages, l’autrice a su me rendre cette lecture lentement mais doucement addictive. J’ai envie de percer le mystère qui entoure les souvenirs perdus d’Honatsu, la disparition de son père, le secret que tout le monde autour d’elle semble lui cacher « pour son bien ». S’y ajouter un début de romance façon triangle amoureux qui ne me déplaît pas car chacun des personnages a bon fond et est gentil, le tout sous le trait plus affirmé qu’autrefois de l’autrice. Alors oui, il y a du classique là-dedans mais la pointe d’originalité portée par l’amnésie de l’héroïne est très bien venue. Je suis curieuse de lire la suite !

Tome 2

Avec son ambiance mystérieuse et terriblement romantique, façon empirique, Qui suis-je pour t’aimer ? est à la fois une lecture feel good et qui me prend doucement aux tripes.

Pourtant l’autrice ne nous facilite pas les choses et ne rend pas toujours ses personnages agréables à suivre ou aimable. Honatsu est ainsi particulièrement pénible dans un premier temps dans ce tome, avec une attitude bien trop agressive où elle cherche à imposer ses idées. Je n’ai pas du tout aimé. A l’inverse, les garçons, eux, à force de vouloir la protéger sont bien trop passifs et acceptent d’elle des choses qu’ils ne devraient pas, questionnant sur ce qu’on doit faire face à quelqu’un qui a un trouble de quelque ordre que ce soit. Est-il bon de le surprotéger comme ça ? L’autrice pose finement la question.

Cela amène d’ailleurs encore et toujours beaucoup de mystère et d’émotion. On sent vraiment le lien qui unissait tout ce petit groupe autrefois. La mangaka distille merveilleusement leurs souvenirs commun joyeux comme douloureux, comme si on retombait sur des flashs ou des photos oubliées. C’est poignant. D’autant plus que les uns souffrent et la seconde a oublié mais cherche à comprendre. Cela confère une atmosphère très particulière à la lecture où on voit bien qu’ils lui cachent tous quelque chose pour oublier qu’elle souffre de ce passé, mais en attendant c’est eux qui souffrent et ne sont pas vraiment eux-mêmes. C’est particulièrement parlant avec Shun, ce personnage taiseux, un peu asocial, que j’apprécie énormément, bien plus que le trop lumineux Toma.

Ce tome est celui du chamboulement des sentiments. Avec le retour de Shun et la crainte du retour des souvenirs d’Honatsu, Toma passe enfin à l’action. Mais c’est fait de manière terriblement douce et adorable, pleine de prévenance pour ne surtout pas heurter la jeune fille. C’est beau quand même la façon dont cette amitié qu’ils partagent tous depuis toujours les rend si doux les uns pour les autres. On sent que ce petit groupe était vraiment unis autrefois, notamment autour de la figure du père d’Honatsu, ce que j’espère bien voir éclairci dans le prochain et dernier tome. En attendant, l’autrice nous livre des scènes d’une grande douceur et d’un joli romantisme, où on prend en plein coeur les jolis sentiments de Toma, ceux plus complexes de Shun et ceux très adolescents d’Honatsu, qui ne voit pas du tout les enjeux. C’est gentiment mis en scène dans des lieux toujours emblématique : piscine, toit du lycée, aquarium, rue de leur enfance, cimetière… rendant la lecture nostalgique.

Après une première série déjà un peu différente de ses voisines avec un triangle amoureux virant plutôt au boys love, Qui suis-je pour t’aimer ? offre une belle romance sur fond de secret, de mémoire perdue, de sentiments à protéger et d’amitié amoureuse avec une ambiance nostalgique touchante et émouvante. Avec un tome qui fait bien avancer les choses, l’autrice nous amène lentement vers une conclusion qui risque d’être plus mouvementée mais tout aussi bienveillante. On a hâte.

Tome 3 – Fin

En deux séries, Yuko Inari a su complètement me conquérir. Elle me fait à chaque fois découvrir des scenarii qui sur des bases classiques offrent de très belles surprises et ne partent pas du tout dans la direction imaginée. Bravo à elle !

Le trope de la perte de mémoire fait partie de ceux que j’aime le moins en littérature et je découvre ici que ce n’est pas à cause de cette perte en tant que telle mais plutôt à cause de la façon dont les auteurs la traite. Quand c’est aussi bien fait qu’ici, en fait, j’aime !

Dans ce dernier volume, fini les cachotteries, il est temps de révéler à Honatsu ce qu’elle a oublié pour qu’enfin elle puisse à nouveau avancer. Au-delà de la révélation poignante qu’on avait tous probablement un peu devinée, c’est le après qui m’a totalement séduite. L’autrice ne fait pas redevenir son héroïne celle qu’elle était 7 ans plus tôt avant de perdre la mémoire. Elle ne la métamorphose pas. Elle ne force pas les choses, elle laisse la vie se faire et c’est la réponse parfaite ! J’ai adoré ce pied de nez qu’elle fait à bien des comédies romantiques qui tombent dans l’écueil de faire brusquement changer les sentiments de l’héroïne ou du héros, ici, rien de cela, juste une ado qui continue de se chercher, n’oublie pas les 7 années qu’elle a vécu depuis sa perte de mémoire et évolue. Excellent !

Bien sûr les amoureux de belles histoires seront quand même servis. La petite romance d’autrefois avec la Honatsu et le Shun de l’école primaire est parfaitement écrite. Toute mignonne et au dénouement bien tragique. Il y a aussi une belle écriture du personnage de Toma, l’autrice célébrant très bien comme il est passé de personnage un peu trop protégé à garçon bien plus indépendant qui peut aussi prendre soin des autres. J’ai aimé sa réflexion sur le fait qu’à trop protéger les autres, on les empêche aussi de s’épanouir et de devenir fort. Il vaut mieux effectivement s’épauler, qu’étouffer ceux qu’on aime. J’ai bien sûr vécu de grandes émotions avec le père d’Honatsu, qui est le père au top comme je l’imaginais, à la fort strict quand il le faut, mais également ouvert et à l’écoute. J’ai adoré cette figure parentale. On en voit si peu au final dans les mangas pour la jeunesse. Mon seul regret est peut-être le personnage d’Akine, bien trop effacé jusqu’au bout, même si on sent que l’autrice en est consciente vu les 2-3 réflexions qu’elle fait à ce sujet avec humour ^^

Qui suis-je pour t’aimer ? fut vraiment une très belle histoire sur le pardon, les deuxièmes chances, l’adolescence et ses changements. Prenant le contre-pied de bien des romances et histoires avec perte de mémoire, elle offre une écriture simple mais à la psychologie travaillée et juste, loin du sensationnalisme habituel. Voilà définitivement une autrice à continuer à suivre.

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