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Le Vendeur du magasin de vélos d’Arare Matsumushi

Titre : Le Vendeur du magasin de vélos

Auteur : Arare Matsumushi

Traduction : Léa Le Dimna

Éditeur vf : Le Lézard Noir

Année de parution vf : Depuis 2023

Nombre de tomes vf  : 4 (en cours)

Résumé : Elle, c’est Tomoko Hanno, surnommée Panko. Âgée de 30 ans, très timide, elle n’ose pas refuser les avances de son chef et les invitations de ses collègues. Lui, Takahashi, travaille comme réparateur de vélos dans son quartier. Lorsqu’elle le rencontre, elle trouve qu’il s’approche toujours trop près d’elle et qu’il est un peu insistant. Mais, bizarrement, ça ne lui déplaît pas…
C’est l’histoire d’un amour pur entre un gentil voyou et une fille peu sûre d’elle.

Mon avis :

Tome 1

Second titre de la collection petit format du Lézard noir que je teste, Le vendeur du magasin de vélos se veut un titre modeste sur des personnages adultes au coeur pur, adorables, auxquels on a envie de s’identifier pour passer un joli moment à leurs côtés.

Autrice qui écrit depuis une dizaine d’années, Arare Matsumushi connaît le succès sur le web avec Le vendeur du magasin de vélos alors qu’elle peinait à convaincre son éditeur. L’engouement est immédiat pour ce titre qui rappellera aux plus anciens une version plus mature d’Ashite Nights (Lucille, Amour et Rock’n Roll), avec son héros à la mèche teinte et ce goût prononcé pour les bons petits plats. Ça tombe bien, j’adorais Lucille !

Malgré une édition un peu trop rigide et pas des plus confortable lors de la lecture, j’ai adoré l’ouvrir pour découvrir le quotidien d’Hanno, employée de bureau réservée, qui ne sait pas dire non, et qui subit un peu sa vie. Cela commence à changer le jour où elle croise le beau, Takahashi, au look de loubard mais au grand coeur, qui l’aide avec son vélo sans âge qui a besoin de réparation. Petit à petit, au fil des rencontres, il semble vouloir lui apprendre à être elle-même et à s’aimer ainsi. Les débuts d’une belle histoire et une lecture thérapeutique pour nous.

Le cadre de cette romance seinen change vraiment de ce qu’on connaît. L’autrice picore dans des choses déjà connues mais fait sa propre recette avec. Ainsi a-t-on un peu d’office lady et de problème au boulot, mélangé avec un quotidien tout tranquille, un goût pour les bons petits plats, un groupe de potes hétéroclites et un héros au look dangereux mais qui est un agneau. Des ingrédients surprenants mais qui étrangement fonctionnent bien sous sa plume, notamment parce que cela rappelle un certain nombre d’anciennes lectures souvent chères à nos coeurs.

J’ai été touchée par la candeur des deux héros et j’ai aimé que ce soit des trentenaires ou presque, ce qui change des adolescents et jeunes adultes qu’on a le plus souvent. J’aime qu’on pense enfin de plus en plus à l’identification des lecteurs qui ont vieilli. Le Lézard noir l’avait déjà fait avec Tokyo Tarareba Girls ou Le Rakugo à la vie à la mort, ils récidivent ici mais avec quelque chose de plus doux, plus tranquille et en même temps plus actuel et quotidien. C’est ainsi touchant de suivre cette employée de 30 ans qui n’ose pas dire non et qui subit sa vie, n’osant affirmer en groupe ses goûts pour la nourriture ou Doraemon. C’est amusant de voir que c’est un homme un peu plus jeune au look de voyou qui va lui venir en aide contre cette « élite » bon chic bon genre. Takahashi et son authenticité l’emportent haut la main !

C’est donc avec le coeur en bandoulière que j’ai suivi leurs rencontres maladroites d’abord puis touchantes ensuite, d’abord autour de ce vélo à réparer mais ensuite autour des hasards de la vie. Takahashi est vraiment le genre de contre-héros que j’apprécie. Il n’a pas le physique de l’emploi mais il est adorable et sa douceur se voit sur son visage. Il est plein de bonnes valeurs contrairement aux autres hommes de l’entourage d’Hanno. Il ne lui impose rien, écoute ses choix, l’aide à s’affirmer, lui demande son consentement. J’adore ! Il dégage en plus un petit côté rétro très rassurant et est quand même assez sexy dans sa combi de travail, je comprends le choix de l’autrice qui dit s’être inspirés de différentes rencontres pour écrire ce titre. Cela se ressent. On sent de l’authenticité, du vécu ici.

Alors la narration est assez classique, le découpage également. On est dans une romance qui emprunte à tous les codes du genres. Le dessin est classique également mais il traduit une belle authenticité, une vague rétro et surtout beaucoup de chaleur humaine, à l’image de ces jolis focus sur le plaisir qu’Hanno prend à manger ou que Takahashi prend à la regarder. C’est en plus très joliment urbain, avec un dessin de la ville qui fait « petit quartier » qui me plaît énormément et me rappelle ces animés que je regardais enfant.

Que voilà donc une excellente découverte ! Les couvertures m’avaient d’emblée attirée mais je n’étais pas sûre que l’histoire serait autre chose qu’anecdotique. Les valeurs transmissent par l’autrice dans ce premier tome m’ont convaincue du contraire. C’est une belle romance, très humaine, très pure aussi qui permet de réfléchir à notre rapport aux autres et à ce besoin qu’on a parfois de se fondre sans s’affirmer alors que ça nous fait mal. Big up à Takahashi et sa franchise solaire ainsi que son respect des autres, qui donne envie qu’on ait tous un Takahashi dans notre vie pour nous aider à nous affirmer et nous sentir soutenu. Ne me reste plus qu’à foncer sur le tome 2 !

Tome 2

Je suis contente d’avoir espacé un peu ma lecture de ces deux tomes sortis en même, j’ai ainsi eu l’impression de recevoir une double dose de bonheur à leur contact, car cette saga est vraiment en passe de devenir une lecture doudou !

Prenant les mêmes ingrédients, à savoir un tranche de vie doux et tranquille mettant en scène la rencontre et la formation d’un couple improbable entre une office lady et un vendeur aux allures de voyou, l’autrice en profite pour glisser lentement de temps en temps vers une critique sociétale plus incisive. Ça me plaît !

Nous avons à la fois des moments plein de douceur où on prend plaisir à voir leur couple se construire tranquillement et de l’autre des dénonciations de violences ordinaires dont il nécessaire de parler. Ainsi, j’ai beaucoup aimé les quelques incursions dans la vie professionnelle de l’héroïne où on se rend compte du sexisme de son patron et des remarques déplacées qu’elle subit parce qu’elle, elle n’ose pas répondre. Ça fait donc du bien de la voir peu à peu prendre confiance en elle grâce à cette rencontre et oser répondre, même si c’est progressif. De la même façon, j’ai aimé la voir tenir tête à ceux qui jugeaient sa relation en se basant sur l’apparence Ryohei. Il est tellement facile de déconsidérer ceux qui ont eu un parcours compliqué dans la vie et tellement plus compliqué d’oser aller vers eux, discuter, apprendre à les connaître. Bravo à elle d’avoir osé !

C’est pourquoi je suis de plus en plus touchée par le portrait de cette femme, même si je dois dire que je ressens parfois une mise à distance entre elle et nous par l’autrice, sans arriver à mettre le doigt sur le pourquoi. Pourtant chaque relation où elle est mise en lumière me plaît, que ce soit avec sa collègue de travail et amie, son chien ou bien sûr Ryohei. L’autrice met de l’émotion dans leurs scènes communes, mais peut-être parce qu’elle fait d’Hanno l’image même de la « petite épouse japonaise », j’ai encore du mal avec elle en tant qu’individualité, parfois.

En revanche, je trouve son couple avec Ryohei trop mignon. J’aime ces hésitations et ces non-dits des premiers temps. J’ai toujours trouvé ça mignon. J’aime la façon dont elle ne prend rien pour acquis et celle dont Ryohei la met au centre de tout, lui demandant son avis et étant prévenant. Malgré leur âge, ce n’est pas encore un couple mature comme on a pu en voir dans d’autres histoires, ils sont encore plutôt dans un schéma de jeunes adultes et c’est mignon. Cependant Ryohei est là pour elle quand elle a besoin (cf son chien) et elle cherche à lui rendre la pareille quand ils croisent quelqu’un de son passé. Il y a donc de bonnes bases pour la poursuite d’une relation saine et équilibrée. Espérons juste qu’on reste sur ce mode tranche de vie qui me convient si bien.

J’aime la douce, la tranquillité, la naïveté de cette histoire, son ambiance bienveillante, joviale et légèrement humoristique parfois. Le temps pris pour mettre en place la relation des héros et le ton un peu hors du temps que l’autrice donne à leur histoire avec cette ambiance rétro des décors. C’est merveilleusement naïf par certains côtés et très actuel, voire intemporel par d’autres.

Tome 3

Je disais aimer la tranquillité de l’histoire, j’en ai aimé les chamboulements dans ce tome bien plus acerbe et critique que les précédents. Et c’est tant mieux !

Au-delà du plaisir de suivre des personnages plus âgés avec d’autres préoccupations, j’ai eu le plaisir ici de me retrouver face à une histoire réellement critique vis-à-vis de nos sociétés machistes et ce fut un régal. A partir d’une situation qui se veut banale et qui est peut-être encore plus présente au Japon avec ce respect de la hiérarchie, du chef et la place des hommes, on se retrouve avec une réponse explosive des deux côtés : Ryohei et Panko n’ayant pas du tout la même conception des choses. L’occasion pour réfléchir et évoluer.

J’appréciais la petite routine de ce couple qui s’était bien trouvé et prenait le temps pour poser ses bases, mais j’ai apprécié aussi qu’une situation problématique les remue et les pousse à évoluer. Ryohei est un garçon sanguin qui n’accepte pas l’injustice. Il se doit de réagir. Panko, elle, est plutôt la figure de la femme soumise qui accepte tout sans rien dire ne sachant même pas qu’elle en a le droit. L’autrice met merveilleusement cela en lumière et en relief, offrant à chacun de réfléchir sur ses actions.

Ryohei est adorable quand il réalise qu’il l’a fait pleurer et s’en veut. C’est de toute façon quelqu’un de très attention, ce que l’on sait depuis un moment, il suffit de voir comme il est prévenant, doux et câlin avec elle. L’épisode des boucles et des bols est parlant. Mais il est aussi terriblement maladroit à cause de ce passé qu’il cache encore. Panko, elle, doit subir un électrochoc pour se réveiller et réaliser que non ce n’est pas normal d’être traitée ainsi. Son amie Kimi l’a bien compris elle, pour pas Panko. J’ai donc aimé assister à ce réveil mis en scène avec force et finesse par l’autrice, au cours d’une énième scène anodine, mais où elle réalise enfin qu’elle ne mérite pas ça et y met fin. C’était lumineux !

J’ai hâte maintenant de découvrir la nouvelle Panko, une Panko sûrement toujours aussi maladroite mais qui va essayer de se trouver avec l’aide de Ryohei, avec qui elle bâtit une relation de plus en plus solide au-delà des apparences. Ils franchissent de sacrées étapes l’air de rien dans ce tome. Ryohei trouve mieux sa place avec son amie Kimi. Ensemble, ils apprennent à communiquer et chacun réalise ses faiblesses contre lesquelles il va devoir lutter. Il y a aussi bien sûr un rapprochement physique inévitable traité avec humour et douceur, qui l’a rendu adorable et simple. Ce tome était vraiment merveilleux pour eux malgré les épreuves surmontées.

Josei comme il est bon d’en lire avec une autrice qui réfléchit à nous délivrer un vrai message sur la société et les êtres humains à travers ses personnages, ce Vendeur du magasin de vélos, qui a l’air si anodin est terriblement juste et bien écrit, profond et émouvant aussi. J’ai été touchée par la douceur de ce couple et par les épreuves qu’ils surmontent ici seuls et à deux. J’ai hâte de continuer à découvrir leur nouveau quotidien.

Tome 4

Série doudou adulte par excellence, je me demandais quand même un peu, comme l’autrice, ce qu’elle allait pouvoir nous raconter après le virage pris par son héroïne. Apparemment, elle n’a pas besoin de grand-chose pour me passionner.

Hanno a quitté son travail et poursuit tranquillement sa relation avec Takahashi, tout en travaillant désormais dans le petit resto d’un de ses amis. Entre petits instants d’un quotidien on ne peut plus banal, on comprend qu’ils se sont bien installés dans cette relation mais qu’ils ne veulent peut-être pas de la même chose.

Même si le côté sociétal et féministe des premiers tomes m’a manqué ici, j’ai aimé voir l’histoire se resserrer un peu autour du couple. J’ai trouvé la problématique des aspirations différentes intéressante. Nous avons une Hanno qui se voit bien s’installer, se marier, tout ça tout ça, alors que Takahashi, lui, n’est pas encore prêt et pense notamment à s’occuper de son grand-père. Ils ont encore besoin d’apprendre à se connaître.

C’est effectivement un tout jeune couple et l’autrice nous le fait bien comprendre. Certes, ils aiment passer du temps ensemble mais ne se connaissent pas bien, ce qui conduit à des maladresses et incompréhensions. Leur première dispute l’illustre bien, Takahashi ne comprenant pas ce qui gêne Hanno dans son acceptation du portrait insultant qu’on fait de lui. Ils sont peut-être allés un peu vite et ont grillé des étapes essentielles pour apprendre à se connaître. Je ne sais pas si l’autrice va emprunter cette voie, car j’ai l’impression en fin de tome et dans le teaser de la suite qu’elle prépare tout autre chose, quelque chose d’artificiellement plus complexe, que je ne suis pas sûre d’aimer et qui risque encore de compliquer leur relation…

En attendant, j’ai apprécié ce tome mais je l’ai trouvé un peu en-dessous. Il a fallu attendre la dernière partie avec la rencontre fortuite avec l’ancien collègue d’Hanno pour qu’enfin il se passe quelque chose et que l’autrice fasse ce qu’elle sait si bien faire, défendre les minorités. J’ai retrouvé alors sa justesse et sa simplicité dans la mise en scène et les réactions réalistes des personnages. Pas de petite claque mais un très beau moment inattendu qui m’a plu. Il faut dire que la présence rassurante de Seiko n’y est pas pour rien 😉

Sur sa lancée, ce nouveau tome est une nouvelle lecture doudou mais il introduit plusieurs éléments perturbateurs qui me font un peu peur pour la suite. Plus tiré vers la romance, moins social et féministe que précédemment, je l’ai trouvé plus simple et classique. Les développements sous-entendus pour la suite ne m’attirent pas trop pour le moment. Reste des messages fins et sensibles, une vision du couple et de ses interrogations actuelles. J’aime !

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10 commentaires sur “Le Vendeur du magasin de vélos d’Arare Matsumushi

  1. J’ai adoré lire les 2 premiers tomes. C’est certes classique mais totalement différent à la fois, puis on dirait une romance intemporelle qui pourrait se passer à n’importe quelle époque.
    Les héros sont attachants, et j’adore les quiproquos de notre héroïne qui est parfois un peu à l’ouest alors que le héros est plus terre à terre, moins dans la lune.
    Petit à petit, le manga soulève aussi des problématiques, à voir s’il continue de les aborder, on a le droit à du harcèlement au travail (avec le patron qui a les mains baladeuses) ; une relation mère/fille compliquée, de-même qu’une relation père/fils assez tendue, un abandon d’un enfant etc….

    Les dessins sont très bien, même si à la fin du tome 2 j’ai été étonné de découvrir les atouts d’Hanno, avec sa poitrine opulente, alors que les dessins d’elle ne laisse pas envisager cela (par exemple lors de l’expo elle semble plutôt très plate), et au bureau, on distingue une poitrine plus opulente ; serait-ce des erreurs de dessins?
    Un peu pareil pour le chien, je trouve qu’il y avait un problème de proportion au niveau de son cou.

    Pour le moment, elle semble se laisser porter par sa relation avec Takahashi, même si ce dernier se montre très patient et prévenant, ne la forçant pas à faire quelque chose.

    Aimé par 1 personne

    1. Tu confirmes ce que je pressentais déjà dans ce joli tome 1 et je suis ravie d’avoir ici un titre à la fois intemporel et parfaitement actuel dans ce qu’il dénonce et illustre. J’ai hâte de poursuivre l’aventure même si ces petits soucis de dessins que tu soulignes m’agacent un peu d’avance xD

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  2. j’avais découvert tes critiques de ce manga sur Babelio, ils m’ont ocnvaincu de les acheter. C’est aussi pour moi une très belle découverte. Je me suis tout de suite accroché à ses deux personnages. Une montée en puissante de tome en tome, avec un troisième fort en émotions. Hâte de lire la suite.

    Aimé par 1 personne

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