Livres - Mangas / Manhwa / Manhua

Tokyo Tarareba Girls d’Akiko Higashimura

Titre : Tokyo Tarareba Girls

Auteur : Akiko Higashimura

Traduction : Miyako Slocombe

Éditeur vf : Le Lézard noir

Année de parution vf : 2020-2023

Nombre de tomes : 9 (série terminée) + HS / Returns

Histoire : 2014, Tokyo. Rinko, scénariste de séries télévisées, est une trentenaire célibataire à la carrière professionnelle épanouie. Son petit plaisir consiste à passer des soirées alcoolisées avec ses deux copines Kaori et Koyuki, elles aussi trentenaires et célibataires. Un soir, alors qu’elles sont encore en train de se soûler et de s’auto-rassurer bruyamment avec des « y a qu’à, faut qu’on » dans leur bar favori, elles sont interrompues par un jeune homme aux allures de mannequin. Agacé de les entendre brailler, il les ridiculise méchamment en les traitant de vieilles filles avant de quitter les lieux. Alors qu’elle pensait avoir encore tout son temps, Rinko réalise qu’il va falloir se réveiller si elle ne veut pas finir sa vie toute seule…

Mon avis :

Tome 1

Je suis Akiko Higashimura depuis la parution de son premier titre chez nous : Princess Jellyfish, qui m’a toujours amusée avec son ton complètement décalée. J’ai ensuite apprécié de la retrouver avec sa biographie romancée et fictive d’un général japonais célèbre dans Le tigre des neiges. Et, plus récemment, j’ai également adoré découvrir son autobiographie, Trait pour trait, qui était porteuse de beaucoup d’autodérision. Il me fallait donc tester Tokyo Tarareba Girls, ce titre sur trois trentenaires célibataires, qui promettait de me faire passer un excellent moment !

Issu du magazine japonais, Kiss, dans lequel il y a eu plusieurs séries que j’ai adoré comme Nodame Cantabile, Princess Jellyfish, ou Perfect World, Tokyo Tarareba Girls a su tirer son épingle du jeu au point de remporter un Eisner Award en 2019. Mais chez nous, il a fallu attendre cette année, alors que la série est terminée (en 9 tomes) depuis 2017 au Japon, pour enfin pouvoir le lire. Cependant, je ne peux que remercier Le Lézard noir d’enfin nous le proposer !

Car Tokyo Tarareba Girls est vraiment un titre qui fait du bien sur notre marché parfois un peu monomaniaque du manga en France. Il propose, chose rare, un récit tranche de vie sur trois amies trentenaires, qui à la mode Sex and the City populaire, se retrouvent régulièrement autour d’un verre d’alcool pour se raconter leurs déboires. Il y a Rinko, la scénariste qui a loupé le coche 10 ans plus tôt avec l’un de ses collègues ; Kaori, qui aime les chanteurs de rocks et fait des manucures pour vivre ; et enfin Koyuki, qui a atterri comme serveuse dans l’échoppe de son père où elles aiment se retrouver. Et ces filles n’ont aucune limite quand elles se mettent à papoter et se saouler !

Le ton est donné d’entrée de jeu, c’est sarcastique et grinçant à souhait. Akiko Higashimura propose un portrait ultra réaliste de trentenaires qui n’ont plus rien à perdre et rien à cacher. Quand les trois amies se retrouvent elles lâchent tout et les critiques sur leurs équivalents masculins pleuvent, ce qui ne plaît pas à tous les visiteurs du restaurant.

L’actrice principale de cette histoire est Rinko. C’est elle que l’autrice développe pour le moment et j’espère bien que ce sera ensuite le tour des autres et qu’elles ne resteront pas juste les amies de l’héroïne mais qu’elles deviendront des héroïnes à part entière pour montrer d’autres facettes de la vie d’une femme trentenaire. Avec Rinko, on parle de travail freelance, puisqu’elle est scénariste indépendante de série web. On vit avec elle sa déception amoureuse du moment. On la découvre sous son plus mauvais jour, comme une fille qui cherche à se caser quand l’opportunité se présente mais sans vraiment le vouloir au fond et qui est amère ensuite. Ce n’est pas un portrait lisse et gentil qui est fait d’elle, mais ça la rend tellement plus humaine que j’ai adoré le personnage. Avec ses amies, elles parlent fort, se fond remarquer et osent dire ce qui ne va pas. Leur critique des hommes et de la place de la femme japonaise est décapante. On revient sur cette critique de la femme qui doit se caser avant un certain âge sinon il est trop tard. Et pour une fois, cela fait aussi écho à nos sociétés occidentale et pas seulement au Japon. J’ai adoré !

Le scénario est un peu cousu de fil blanc. Les débuts sont un brin répétitifs. Mais le mélange tranche de vie, amour, amitié et boulot fonctionne très bien. Très vite un élément perturbateur salutaire arrive avec ses grands sabots, en la figure d’un petit jeune qui n’hésite pas à remettre en place nos trois vieilles mémères. C’est désopilant et jouissif car cela donne lieu à de belles passes d’arme même si parfois (la plupart du temps ?) elles ne volent pas haut.

J’ai été totalement convaincue par l’humour du titre, qui correspond parfaitement à ce que je connais de l’autrice. C’est un mélange d’humour bas de gamme et de critiques savoureuses de notre société. C’est direct et sans concession. Ça fait mal où ça passe et l’autrice ose tout. Elle critique aussi bien les hommes que les femmes, les jeunes que les vieux, tout y passe. On sent une belle dose d’autodérision et on sent bien que c’est inspiré de ses propres expériences directes ou indirectes.

Le décor est également un vrai plus. J’ai trouvé ce troquet où elles aiment se retrouver charmant dans sa typicité nippone. Ça m’a beaucoup amusée de les voir commander des plats dits de « vieux », de les voir picoler et se mettre minable. La vie en entreprise et la complexité que le travail de la femme non mariée de plus de 30 ans au Japon pose est parfaitement explicité et mis en scène. Les autres lieux typiques que l’on retrouve : rues tokyoïtes, bar/restaurant, entreprise, onsen rendent aussi très bien et immergent vraiment le lecteur dans l’ambiance proche et banale voulue par l’autrice. J’y ai totalement succombé.

La narration, tout comme la mise en page sont dynamiques. L’autrice est aussi bavarde que d’habitude. Elle aime en mettre partout mais cela donne un côté vraiment tourbillonnant à son récit et ça se prête bien à l’histoire. J’aime les compositions très variées de ses planches, ainsi que sa grande expressivité et la variété de personnages rencontrés qu’elle propose. Tout ça contribue à donner une vraie identité visuelle à la mangaka. Quand on l’a lue une fois, impossible de la confondre avec quelqu’un d’autre ! Après, je pense que ça passe ou ça casse, personnellement plus le temps passe, plus j’apprécie. Je la trouvais parfois maladroite dans Princess Jellyfish, et je trouve qu’elle maîtrise de plus en plus sa volubilité dans ses nouvelles séries.

Tokyo Tarareba Girls fut donc sans surprise une très bonne lecture qui se veut plus profonde que les conversations parfois virulentes et décousues de ses héroïnes. C’est un titre qui croque très bien les déboires de certaines trentenaires, le tout avec humour et dérision comme sait si bien le faire l’autrice. Ce n’est pas pour autant un titre seulement humoristique, il traite aussi de problèmes de sociétés importants, le tout en suivant des personnages déjà attachants dans leur trajectoire de vie et leurs interactions. J’ai vraiment hâte de voir ce que la suite nous réserve surtout après avoir été laissée sur un tel cliffhanger !

Tome 2

J’avais frôlé le coup de coeur la dernière fois, mais là ça y est on y est en plein dedans !

Mon josei préféré, emblématique, c’est Complément affectif de Mari Okazaki. Eh bien, dans ce tome, j’ai retrouvé l’ambiance des trois amies de l’histoire et de leurs histoires de coeur. C’était sensass ! La dernière fois, je trouvais que dans le tome 1, on ne voyait que Rinko et je trouvais dommage de ne pas voir les autres. C’est totalement réparé ici et le récit prend du coup une toute autre direction, bien plus riche.

L’humour est toujours omniprésent mais mieux dosé. Il s’équilibre à merveille avec le ton grinçant des romances de nos héroïnes, que ce soit Rinko qui ne sait pas quoi faire avec son jeune BG, Kaori qui n’arrive pas à oublier son ex- musicien avec qui elle a des regrets, ou Koyuki qui s’engage dans une relation pas très morale. Toutes ont des histoires compliquée en cours ou en devenir et cela donne un potentiel de fou à la série.

J’ai adoré retrouvé les discussions à coeur ouvert – parfois un peu trop pour le public xD – de nos trentenaires. Je me suis totalement retrouvée à plusieurs reprises dans leurs discours sur les hommes, les relations, la visions de la femme trentenaire, etc. Le ton sarcastique et grinçant de l’autrice joue beaucoup. Ce fut vraiment agréable de découvrir l’intégralité du trio et de voir ainsi des portraits de femmes variés mais qui ont chacun une touche de réaliste et de sincérité. On a envie de rencontrer ses femmes.

L’autre coup de maître de la mangaka dans ce tome, c’est également d’offrir sa place aux hommes. Certes Tokyo Tarareba Girls est un titre de femmes, mais les hommes ne sont pas absents et savent occuper l’espace. Les trois hommes qui vont jouer un rôle dans leur vie sont également très différents, il y en a pour tous les goûts. Il y a le jeune beau gosse torturé au lourd passé (apparemment), la rock star volage et le mari esseulé un peu gamin qui ne vit plus avec sa femme. Si je n’ai pas accroché au dernier, les hommes enfants, ce n’est pas pour moi… Je me suis amusée de la figure caricaturale du rockeur, et j’ai surtout trouvé beaucoup de potentiel à notre BG, qui est le seul à avoir une bonne dose de répondant. Et comme j’adore les relations où les héros s’envoient des piques, je suis ux anges ! Franchement, ça fait du bien de voir également des hommes dans l’histoire même s’ils ne sont pas au premier plan.

Ainsi entre humour d’alcoolique, discussions à coeur ouvert aux mauvais endroits, femmes un peu à la dérive et hommes qui viennent encore compliquer les choses, on ne s’ennuie pas. J’ai beaucoup aimé l’ambiance mature et sans concession du titre, qui est profond et léger à la fois, sans partir dans le trash, chose que je n’aurais pas aimé et pas compris au vu du parcours de l’autrice. Ainsi, cet esprit de sororité que j’ai ressenti, aidé par le développement des personnages secondaires, m’a fait retrouvé ce que j’avais tant aimé dans le groupe d’héroïnes de Complément affectif Je suis comblée !

Tome 3

Premier recul dans cette série qui m’avait pourtant bien séduite dans les premiers temps par son ton drôle et sans concession mais résolument moderne et plein d’allant. Ici, c’est un peu la douche froide avec un tome un brin déprimant où les héroïnes vivent revers sur revers. Mais je croise les doigts que ce ne soit que pour mieux rebondir !

En effet, cela se passe mal pour chacune d’entre elles dans ce tome. L’une réalise ce que ça fait d’être l’autre femme. L’autre découvre que l’homme marié avec qui elle couche n’est pas si séparé que ça. Et la dernière se prend en pleine face son âge face à la jeunesse de ceux qui l’entourent… Dans cette ambiance bien déprimante, forcément l’humour a moins bien fonctionné. C’était même parfois lourd et j’ai sauté certaines cases surchargées qui n’apportaient pas grand-chose.

Mais j’ai surtout été très agacée que l’autrice remette autant en avant Rinko, délaissant les 2 autres chacune dans sa romance adultère… Certes elle nous montre bien combien elles sont faibles et que les types sont des salauds mais ça s’arrête là, elle n’apporte rien de plus en terme de rhétorique ou dynamique narrative et ça manque. On voit juste  Rinko galérer partout : boulot et amour, les 2 étant souvent liés. J’ai été très agacée par les réflexions de Kei qui sont fausses et intolérables. Je n’aime pas du tout cette vision « âgiste » en plus bien lourde ici. Trop c’est trop, les réflexions pendants la rédaction de l’épisode qui lui échu du jour au lendemain alors que ce n’est pas du tout son type de série et qu’on lui demande son aide, ainsi que le fait qu’elle se fasse doubler au final, c’était vraiment abusé.

J’ai eu espoir lorsqu’elle a fait une rencontre certes complètement surréaliste, mais mignonne tout plein, avec ses promesses d’un homme ayant en commun avec elle son goût pour l’alcool et les films. Malheureusement avec l’autrice on comprend vite que c’est trop beau pour être vrai et que ça cache. Bien sûr, ça ne loupe pas !

Cela donne du coup un tome trop caricatural et trop crispant pour moi par rapport aux précédents. Heureusement j’adore les héroïnes donc forcément je les soutiens dans leurs galères et ça me donne de l’allant pour avancer malgré une crispation grandissante. Cependant, dans ce tome on n’est plus dans une bonne comédie romantique grinçante comme au début, il ne reste que les dents qui grincent, la romance et la comédie ont disparu pour moi. J’espère que l’autrice va rapidement sortir de ce dérapage et retrouver l’esprit des débuts.

Tome 4

La dernière fois, l’autrice m’avait laissée avec un tome beaucoup trop caricatural qui m’avait crispée notamment à cause des prétendants des héroïnes… Tout en jouant sur les mêmes ressorts scénaristiques étrangement je ressors de ce tome avec le sentiment inverse, comme quoi Akiko Higashimura est hyper douée pour raconter le quotidien de ses charmantes trentenaires.

Les galères n’en finissent plus pour nos trois amies qui continuent à se retrouver dans leur bar fétiche. Pour le lecteur, une certaine routine s’est même installée et on devine même les « alertes » qu’elles vont lancer, les interventions de leur star préférée ou l’apparition plus si inopinée de Yaka et Focon. Mais tout cela a vraiment une saveur réconfortante.

J’ai vraiment pris plaisir au focus sur la première des trois héroïnes, la seule à avoir potentiellement une relation « acceptable » si je puis dire puisqu’elle n’est pas dans l’adultère, elle. Ce n’est pas pour autant que tout est simple. Sur fond de questionnement de ce qu’on attend d’une relation de couple et de ce qu’on est prêt à accepter de l’autre, l’autrice nous embarque dans les méandres de sa vie sentimentale. J’ai beaucoup aimé les réflexions que son couple avec le fan de cinéma nous pousse à avoir. Est-ce que sous prétexte que c’est le seul homme qui s’intéresse à nous on doit tout accepter ? Est-ce qu’il faut forcément faire des concessions et jusqu’où on peut aller ? Je trouve le discours de la mangaka assez honnête et plein de nuances. Elle n’accable pas l’homme avec qui s’est mis Rinko et avec qui ça ne fonctionne pas.

En revanche, je commence à en avoir marre du quasi running gag avec la jeune star qui lui tourne autour. Je comprends parfaitement l’interrogation des filles et leur interprétation de ses actes. Celui-ci est quand même particulièrement ambigu. Mais la façon dont il se comporte envers Rinko est vraiment moche, de même que ses discours sur les femmes. Et là, j’ai vraiment du mal avec l’autrice. J’ai l’impression, et j’espère me tromper, qu’elle veut se servir de ce personnage comme d’électrochoc pour nos trentenaires, comme s’il leur disait une vérité qui dérange. Sauf que non, je ne suis pas d’accord, il tient parfois des propos en totale contradiction avec mes convictions. J’ai donc du mal avec lui même si Akiko Higashimura commence à le creuser un peu…

En revanche, ça fait plaisir de voir Rinko se bouger un peu, notamment du côté de son travail. Elle l’a pendant tellement longtemps fait en dilettante qu’on pouvait avoir le sentiment que la passion l’avait quittée. Or, là elle semble reprendre du poil de la bête et c’est beau à voir. En plus, il y a vraiment de chouettes questions qui sont posées sur la réalité du boulot de scénariste qui n’est pas que gloire et beauté, sur la peur de la jeunesse dans le cadre du travail, sur la précarité économique, etc. J’aime vraiment cet aspect du titre.

En laissant les autres de côté pour se concentrer sur une seule de nos hurluberlus, ce que je lui reprochais au début, l’autrice a su me séduire ici. Elle montre bien que ce n’est pas facile de trouver l’amour de nos jours, que la société met plein d’a priori et de barrières aux femmes (comme aux hommes mais on ne voit moins ici) et la vie professionnelle a aussi une grande importance et apporte son lot de joie et de galère. Un beau titre de son temps !

Tome 5

A mi-chemin, cette revisite japonaise et trash de Sex and The City est toujours aussi géniale. Abordant la difficile question de l’amitié entre femmes avec ses hauts et ses bas, ce tome m’a peut-être moins fait rire mais plus émue.

Après la dernière bombe lancée par Key, Rinko se met à réfléchir sur sa vie de trentenaire. Malgré la grosse dose d’auto-dérision de l’autrice, on sent pointer des réflexions totalement réalistes et pertinentes derrière la remise en question de ce personnage. L’autrice décortique le rythme des vies amoureuses des jeunes japonaises entre 20 et 30-35 ans. Elle évoque la pression sociale qui pèsent sur elles afin qu’elles se marient. Elle montre aussi le regard que les autres posent sur elles quand ce n’est pas le cas et l’image négative que certains ont des femmes encore célibataires qui préfèrent passer du temps ensemble. Revient également l’éternelle question de la personne à épouser : faut-il faire plutôt un choix raisonné ou suivre son coeur à ses risques et périls ? Beaucoup de thèmes sont abordés efficacement et justement dans ce tome.

Pour autant, c’est loin de faire catalogue car l’autrice insère tout ça dans une vraie dynamique autour de nos héroïnes. Si je regrette que Rinko soit encore et toujours (et le sera sûrement jusqu’à la fin) la narratrice principale, j’ai apprécié de voir l’amitié entre les filles au coeur du tome. On suit la façon dont leurs liens interagissent avec les autres pans de leur vie. On suit leurs galères et leurs disputes, mais aussi leur réconciliation et les moments où elles se serrent les coudes. Vraiment j’adore la dynamique de ces 3 filles ensemble.

Séparément les choses bougent un peu également. Il est amusant de les voir chacune commencer à remettre en question leur relation suite à l’intervention de Key qui a eu un effet boule de neige. Ainsi bien que coincée dans le schéma toxique dans lequel chacune se retrouve, elles en prennent enfin conscience, ce qui est tout de même jouissif. Et en parlant d’évolution et de révélation, quelle surprise quand tombe celle sur la femme de Key, cela explique tellement de choses.

On pourrait croire en me lisant que ce tome se résume à une analyse sociologique des trentenaires, à du drame et de l’introspection, mais l’humour est toujours bien présent. Il est juste un peu plus en retrait que d’habitude, mais il fait toujours aussi mouche. Ainsi, on a des scènes tordantes quand les filles vont voir une voyante ou se rendre dans un bar pour draguer, ou encore se retrouvent dans des sources thermales ou encore repensent aux mariages auxquels elles ont assisté. Une fois de plus le décalage entre elles et ce qui fait la norme rend la chose hilarante. Mais c’est vrai que dans l’ensemble le tome est plus sérieux.

Tokyo Tarareba Girls reste pour moi une excellente lecture, parfaite dans mes attentes de lectrice justement trentenaire. Je m’amuse beaucoup avec ce drôle de trio mais je suis également agréablement surprise par les réflexions faites sur ce que c’est de d’être trentenaire de nos jours, de chercher à s’accomplir au travail et de trouver l’amour. Un titre parfaitement dans l’air du temps !

Tome 6

A chaque sortie de Tokyo Tarareba Girls, je suis impatiente de découvrir quelles nouvelles tuiles vont tomber sur nos trois trentenaires totalement barrées et on peut dire que l’autrice ne se défile jamais !

On pourrait croire qu’on a fait le tour de leurs déboires, mais ceux-ci sont inépuisables. Ainsi dans ce nouveau tome entre peur d’une grossesse imprévue, découverte fortuite d’une relation adultère et retrouvailles étranges avec un ancien prétendant, elles ne mollissent pas. Le ton est toujours aussi désopilant et grinçant. Je note cependant une petite répétitivité dans les schémas engagés qui me font dire que je suis heureuse que la fin pointe quand même le bout de son nez car trop de mésaventures tue la mésaventure.

C’est donc Kaori qui ouvre le bal en se faisant une grosse frayeur. J’ai été touchée par sa détresse, sa fragilité, son besoin d’être accompagnée parce qu’elle se sentait perdue face à tout ça et qu’on fond elle est un peu restée une enfant fleur bleue. Le fait qu’elle ne sache pas à la fin si elle et heureuse ou pas de cette conclusion en dit long. Elle m’a fait beaucoup de peine et à aucun moment je n’ai pu la juger, alors que je m’y serais attendue me connaissant, mais non, l’autrice a trop bien écrit son personnage et son histoire pour cela. D’ailleurs, la façon dont l’épaulent ses amis n’y est pas pour rien, que ce soient ces deux amies de toujours ou l’étrange et fascinant Key. Celui-ci, un peu comme un Jiminy Cricket, est souvent là pour les sortir d’une mauvaise passe, comme s’il veillait sur elles, et je commence à pas mal l’apprécier pour ça.

Cette ambivalence des traits et caractère, je l’ai également ressenti dans le développement de Koyuki ici. L’autrice nous offre effectivement tour à tour le développement des romances de ces trois héroïnes, en commençant par celles-ci qui sont d’habitude un peu en retrait. C’est chouette. L’histoire de Koyuki est probablement celle qui me met le plus mal à l’aise, à cause de sa relation adultère assumée avec un homme marié en passe de devenir papa. Le fait qu’elle accepte cela en dit long sur sa détresse sentimentale quand même. De la même façon, ce schéma de la femme japonaise typique qu’elle reproduit me glace le sang à chaque fois. Je n’en peux plus de la voir préparer ses petits plats pour son homme parce que monsieur le lui demande. Brr… Je suis donc ravie qu’ils aient été perçus à jour et j’espère que ça va la secouer un peu, car j’ai vraiment eu l’impression comme chez Kaori qu’elles étaient arrivées à un point de non retour dans leurs histoires réciproques.

A l’inverse, Rinko, qui ne vivait rien, semble se relancer mais d’une façon assez inattendue. Avec elle, c’est le schéma de la trentenaire qui faute de partenaire qui la fasse vraiment vibrer se réfugie dans une relation bateau et plan plan archi commune. L’autrice a beau habiller cela sous le trait d’une Rinko plus entreprenante et guillerette, ça ne prend pas. Ainsi, à nouveau j’ai adoré l’élément perturbateur qui vient dérégler tout ça même si je suis hyper frustrée que ça s’arrête là-dessus.

Tokyo Tarareba Girls est et reste une lecture divertissante et rafraichissante sur le destin de trois amies trentenaires pour qui les relations amoureuses n’ont rien de simple et rien de tendre. Ce portrait d’une génération qui se cherche entre le modèle traditionnel japonais, plutôt représenté par Koyuki, et celui plus moderne et libéré, qu’incarnent Rinko et Kaori, est très riche car l’autrice en montre toutes les nuances, les limites et les failles faisant souffrir ses femmes qui peinent à trouver l’amour et/ou le bonheur. Il est à regretter que le message soit pour l’instant dans l’accomplissement de soi à travers l’homme aimé, et il est à espérer que cela évolue vers quelque chose de plus actuel, mais n’allons pas trop vite.

Tome 7

Quel sacré virage dans ce tome. Akiko Higashimura rassemble les jalons posés précédemment pour faire avancer son histoire à vitesse grand v et on se prend un belle claque.

Depuis le début, on suit nos trentenaires dans leurs déboires amoureux. Chacune des filles est arrivées à un point de non-retour et se retrouve seule. Toutes ? Non, pas Rinko, qui elle s’est rapprochée de celui à qui elle avait un râteau au début. Nous allons donc suivre au plus près sa histoire, tandis que les deux autres sont en pleine introspection.

Avant, j’aurais râlé de ce choix. Ici, je l’ai trouvé judicieux. J’ai beaucoup aimé cette longue et argumentée réflexion sur la vie de couple à la trentaine. L’autrice parle avec honnêteté de ce besoin absolu de certains de ce caser à cet âge-là et des différents modèles qu’il existe alors. Elle choisit pour son héroïne le confort, la facilité, d’une relation sans aucune pression où elle peut être elle-même. C’est peut-être banal voire fade, mais j’ai trouvé cela reposant et je peux comprendre le choix de Rinko, qui a aussi besoin de souffler un peu et de trouver une sorte de havre de paix. C’est surtout très honnête de la part de l’autrice d’oser évoquer cela alors que la mode est plutôt aux romances flamboyantes.

Cependant, elle pense également à son lectorat, et offre donc en parallèle, enfin, le développement du personnage de Kei. Ce dernier était un peu un mystère depuis le début. J’adorais détester son arrogance et la façon dont il se mêlait de tout, toisant tout le monde. L’autrice nous offre le récit de la genèse de ce personnage et du pourquoi il est comme ça. Émotion garantie. J’ai beaucoup aimé son histoire dramatique à souhait, qui m’a donné l’impression d’être dans un kdrama. Sa relation avec sa femme décédée était poignante, mais surtout ça en dit long sur ce garçon totalement perdu sous ses apparences hyper sûr de lui.

Tout cela augure donc de deux prochains tomes explosifs où l’autrice risque de tout envoyer valdinguer malgré les bases qu’elle vient de poser. J’adore d’avance. La relation Rinko-Kei est tellement explosive. Le trauma de Kei est tellement touchant au final. Alors oui, on est en plein dans le soap mais c’est justement ce qui m’avait attirée au début dans la série, cet air de Sex and the city à la japonaise. C’est ce qu’on risque d’avoir et je serai la première ravie, même si les développements peut-être plus sérieux autour de la problématique du célibat à la trentaine m’ont passionnée également. Petit coup de coeur pour ce tome diablement bien pensé.

Tome 8

Quel archi frustrant ! Alors qu’on arrive à un tournant de l’histoire, l’autrice nous une première partie centrée sur les blablas des héroïnes et un final qui arrive bien trop vite et est coupé par un long flashback, pas des plus utiles, sur le passé de notre trio. La frustration est à son comble !

J’ai presque eu un sentiment de tromperie une fois ce tome refermé. J’étais pleine d’un sentiment d’urgence au début de ma lecture après les révélations sur Key, sa première femme et Rinko. J’ai donc été ravie de voir nos héroïnes prendre la situation à bras à le corps, même si c’était totalement rocambolesque, et de les voir embarquer leur amie dans un road-trip visant à éclaircir tout ça.

Malheureusement, on se retrouve au final avec un tome plein de blablas entre les filles qui ne font pas vraiment avancer le schmilblick puisqu’elles ressassent sans cesse les mêmes choses, et l’histoire avec Key tient sur même pas un chapitre… Frustration, je disais. Je sais bien que l’histoire se concentre sur la relation des trois jeunes femmes et l’autrice montre très bien qu’on 20 ans, 30 ou 40 ans, on reste des ados sur certains sujets. C’est sympathique aussi de les voir toutes se soutenir comme ça et d’assister à leurs maladresses chroniques ainsi qu’à leur curiosité, mais ça pêche quelque part.

Heureusement, on a quelques bribes de propos plus profond quand l’autrice revient sur Key. Elle explique très bien la frustration de celui-ci qui se transforme en colère face à ces femmes dans la fleur de l’âge qui parlent plus qu’elles n’agissent, alors que lui a perdu quelqu’un bien trop tôt. Elle parle intelligemment du transfert que l’on peut faire sur quelqu’un d’autre dans ce genre de situation. Et elle utilise tous les codes d’un bon drama romantique quand Key et Rinko se retrouvent, tentent de parler, de disputent, se fuient puis se retrouvent, alors mon coeur de midinette a aimé malgré un dessin plus raté lors des scènes avec les personnages de plein pied ^^!

Mais je ne peux m’empêcher de ne pas sortir satisfaite car par la suite, l’autrice coupe l’intrigue, pour revenir en arrière sur les désirs et fantasmes de nos héroïnes quand elles étaient dans la vingtaine et pour moi on avait déjà fait le tour du sujet, donc ça ne sert qu’à ralentir l’inéluctable. Pareil pour les blablas finaux revenant sur le tournage de la série adaptée du manga où le récit d’une hospitalisation de l’autrice. Tout ça prend la place de l’histoire légitime et ça m’a pas mal agacée à ce stade-là.

J’aime toujours énormément le ton, l’ambiance et les personnages surtout de Tokyo Tarareba Girls. Cependant, je commence à sentir que l’autrice arrive au bout de son propos et la façon dont elle fait tout pour rallonger et repousser la fin ici m’ont agacée. En plus, il faut avouer que dans l’ensemble, ça ne vole quand même pas très haut et que les réflexions sont au final assez banales. J’espère que la fin saura me donner un meilleur sentiment.

Tome 9 – Fin

Conclusion que j’attendais autant que je redoutais, j’ai longtemps été sur la corde raide pendant cette lecture, me demandant ce que l’autrice allait nous offrir comme conclusion et si j’allais y adhérer. J’ai eu de la chance, c’est tombé pile poil sur ce que j’attendais et je sors ravie de cette courte comédie romantique adulte et grinçante. Je suis prête pour la saison 2 !

Dans un volume moins épais que les précédents, Akiko Higashimura nous apporte la conclusion des aventures de nos trentenaires. C’est drôle, c’est rythmé, c’est tendu également et toutes les voies sont possibles jusqu’au bout, ce qui offre un joli suspense. On se croirait presque dans l’un de ses dramas qui passent sur les télé japonaises et cela a un charme fou. L’autrice pense aussi à ses lecteurs en leur donnant, avec humour, la parole en fin de tome. Tout est fait pour libérer la parole et décomplexer les célibataires. J’adore !

Pourtant, j’ai longtemps cru que ça allait mal finir cette histoire. Le côté mélodramatique, parfaitement assumé par l’autrice, m’a mis bien mal à l’aise tellement je le trouvais trop engoncé et calibré. J’ai vraiment eu très peur de la morale qui allait sortir de cette histoire car l’histoire de Kei et Rinko fut d’une maladresse sans nom et pourtant l’autrice s’en sort la tête haute. Pourquoi ? Parce qu’en faisant cela, elle nous montre que la vie n’a rien de facile, que chacun choix appelle des regrets, qu’on peut aussi vouloir tout et son contraire et qu’on peut se montrer maladroit envers les autres sans vouloir à mal. Ça sonne très juste.

Kei et Rinko sont donc au coeur de ce dernier tome, c’est eux qui donnent le « La ». J’ai beaucoup aimé les voir se chercher, se trouver, se rechercher, voir Rinko se poser plein de questions et Kei oser être honnête malgré l’horreur que cela peut pointer. C’est une relation sincère qui naît de tout cela, une relation où on ose se dire les choses même si elles ne nous font pas paraître sous notre meilleur jour, une relation adulte et mature. C’est rare que cela soit représenté de cette façon et j’ai aimé pour cela. Non Kei n’a pas toujours l’air sympathique, pas plus que Rinko. Il ose dire que son « y a qu’à faut qu’on » est chiant et agaçant. Elle ose lui répondre qu’elle est comme ça et ne changera pas. J’aime qu’ils soient francs et fassent au final chacun des concessions. C’est génial !

Au final, Higashimura nous offre ainsi une jolie morale sur l’amour à l’âge adulte qui doit être pluriel et varié. Il n’y a pas qu’un modèle. On peut se tromper. On peut faire de grosses bêtises. L’important c’est d’être honnête envers soi et envers l’autre. Nos trois jeunes femmes ont ainsi connu bien des mésaventures mais au final ont grandi et appris des choses, ce qui est très justement souligné. Raconté avec un petit air de soap et des traits d’humour et d’émotion bienvenus comme l’idée de la disparation de Yaka et Fokon ou la vision des ballons dans le ciel réservé à certains, ce fut une saga très moderne au final.

Parfois un peu longue mais toujours sympathique à suivre, je quitte cette série doudou à regret, car j’avais vraiment l’impression d’être avec une bande de copines de mon âge que je comprenais. J’ai adoré l’humour grinçant et la franchise de l’autrice de bout en bout ainsi que son message plein d’amour et de bienveillance sur ces sentiments qui n’ont pas d’âge. Higashimura appelle chacun à être heureux à la manière qui lui convient et c’est le meilleur des messages !

Couverture Tokyo Tarareba Girls Return

Hors série : Tokyo Tarareba Girls Returns

Vous reprendrez bien un dernier shot des aventures truculentes et grinçantes de nos trentenaires à la recherche de l’amour !

Vous croyiez que tout était fini avec le tome 9, que le happy-end pour Rinko sonnait la fin de leurs aventures ? C’était mal connaître l’autrice qui aime jouer avec nos petits coeurs et celui de ses héroïnes. Avec sa couverture, elle nous invite donc pour une nouvelle histoire très spéciale avec une cérémonie surprenante !

Attention, impossible ne pas spoiler pour parler de ce volume, alors si vous n’avez pas lu la série principale en entier : arrêtez-vous là !

Akiko Higashimura s’amuse à complètement renverser la table dès les premières pages de cet ultime opus pour RInko, Kaori et Koyuki. Alors qu’on croyait, la couverture aidant, que Rinko avait trouvé le bonheur avec Kei et qu’elle passait à l’étape supérieure. Il n’en est rien ! L’autrice nous montre avec bonheur et une pointe d’humour noir aussi que parfois le bonheur n’est pas si simple à atteindre et que des sentiments partagés ne débouchent pas forcément sur une relation, car tout simplement, ce n’est pas le bon moment. J’aime qu’elle ne nous caresse pas dans le sens du poil et qu’elle ose nous parler de la vraie vie avec ses surprises et ses contre-pieds.

Dans ce nouveau volume, toujours aussi drôle et grinçant, c’est au mariage de Kaori que nous allons donc assister. Toujours avec le même humour et la même tendresse pour ses héroïnes, l’autrice nous montre donc ce qui a changé chez certaines d’entre elles, la maturité qu’elles ont gagné d’une certaine façon, mais également ce qui est resté intangible et les raisons pour lesquelles on les aime tant. Le message n’a rien de spectaculaire, attendez-vous juste à une petite histoire bonus avec de joyeux rebondissements rocambolesques et un humour truculent à la Higashimura avec débarquement surprise lors du mariage, organisateur pro du judo, chanson décalée et belle réflexion sur la vie.

Ce tome n’était peut-être pas indispensable mais il fut un savoureux bonus pour moi. J’ai aimé retrouver la douce folie de nos héroïne, épaulée ici par la rencontre avec le décalé cousin du marié : trentenaire célibataire, jamais en couple, ne voulant pas se marier, mais étant un BG organisateur de mariage. L’autrice m’a amusée avec tendresse et grincement de dents de bout en bout. La chute est poilante et montre bien comme nos filles ne changent pas au fond !

Mais l’autrice parle aussi derrière tout cet humour de la pression de la solitude pour certains au bout d’un certain âge, du besoin qu’on peut ressentir à chercher un partenaire commode avec qui s’entendre et partager sa vie. Elle ose parler de mariage amicaux plus qu’amoureux, de désir d’enfant mais aussi de désir de carrière. C’est très moderne.

Le seul bémol, ce sont pour moi ces pages et pages de off qu’on a à la fin, qui grossissent le volume, mais n’apportent rien d’intéressant à mes yeux. Je n’avais pas besoin d’autres témoignages de « yaka fokon » ^^!

Petit supplément savoureux. Si vous avez aimez comme moi le ton décapant de Tokyo Tarareba Girls et que vous avez envie de retrouver nos héroïnes pour un dernier petit tour déjanté avec elles, jetez-vous dessus ! Mais ne vous attendez pas à du neuf. L’autrice reprend, certes avec le talent qu’on lui connaît, ses marottes et nous amuse toujours autant avec les aventures / mésaventures de ses héroïnes qui approchent lentement de la quarantaine et restent fidèles à elles-mêmes. Tendre, cru, drôle et grinçant, voici la recette de leur succès !

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© 2014 Akiko Higashimura / © 2020 Le lézard noir

TB lecture

14 commentaires sur “Tokyo Tarareba Girls d’Akiko Higashimura

    1. Haha je savais que ma note te ferait intervenir xD
      Disons que pour moi, c’est une bonne note. Je mets 16 à partir du moment où ça m’a fait vibrer, là ça a failli être le cas. Sans cette narration foisonnante et parfois un peu lourde de l’autrice, je pense que j’aurais poussé 😉
      Mais j’ai quand même beaucoup aimé et j’ai hâte de découvrir les autres membres du trio !

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      1. Ca reste le principal.

        Après le soucis avec les notes, c’est qu’on a tous des barèmes différents. Quand j’en mets sur Livraddict, je me base sur leur barème justement. Pour eux 14 c’est moyen alors que pour moi dans l’idée c’est déjà bon.

        Aimé par 1 personne

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