Livres - Science-Fiction

Le Dernier des Aînés d’Adrian Tchaikovsky

Titre : Le Dernier des Aînés

Auteur : Adrian Tchaikovsky

Éditeur vf : Le Bélial’ (Une heure lumière)

Traduction : Henry-Luc Planchat

Année de parution : 2023

Nombre de pages : 175

Histoire : Lynesse Quatrième Fille, princesse de Praimesite, n’ignore rien de la légende : le grand Nyrgoth l’Aîné a jadis usé de ses pouvoirs pour libérer le royaume du terrible Ulmoth. Aussi, quand un redoutable démon voleur d’esprits apparaît dans l’Ordibois, Lyn n’a guère le choix : il lui faut aller requérir l’aide du sorcier, au nom du pacte qui lie ce dernier à la famille royale depuis trois générations. Or, Nyrgoth, de son nom véritable Nyr Illim Tevitch, n’est autre qu’un anthropologue terrien venu sur la lointaine planète Sophos 4 à seules fin d’études – en toute discrétion, et sans interférer. Une règle d’or qu’il a déjà brisée du temps d’Astresse, la grand-mère de Lyn. Acceptera-t-il de sauver une nouvelle fois ce monde, quitte à bafouer les lois qui lui sont imposées ? Et quand bien même, pourra-t-il seulement vaincre le démon en question ? Entre devoir et morale, la rencontre de ces deux êtres inconciliables pourrait bien changer l’ordre des choses…

Mon avis :

Adrian Tchaikovsky est un auteur dont l’imaginaire me fascine depuis notre première rencontre. Son travail sur l’autre, sur l’altérité et l’évolution de nos relations avec eux a quelque chose de fascinant pour moi. C’est à nouveau le cas dans cette novella aussi intéressante qu’amusante au concept original.

Auteur avant tout pour moi de la saga Dans la toile du temps où il fait preuve d’un très beau sense of wonder. Il récidive ici, mettant encore une fois à profit ses études de zoologie et de psychologie dans un récit aux frontière entre la science-fiction et la fantasy où il joue avec la Troisième loi de Clarke : toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie. On adore !

Dans ses précédents textes que j’ai lus (note à moi-même : lire absolument Sur la route d’Aldébaran), l’auteur s’intéressait déjà aux relations entre colons et autochtones, entre humains et races extraterrestres ou créatures ayant échappées à leurs créateurs. Il récidive ici en nous plongeant le temps d’une novella assez conséquente, 175 pages quand même, dans la rencontre entre Nyr Illim Tevich, un anthropologue terrien, et Lynesse Quatrième fille, princesse de Praimesite, sur la planète Sophos 4, qui est un lieu d’étude pour le premier. Contrevenant aux règles, Nyr en interagissant avec les autochtones a acquis un statut légendaire de quasi divinité sous le nom de Nyrgoth l’Aîné, et nous allons suivre ses interactions avec Lynesse au cours d’une aventure où celle-ci aura besoin de l’aide du « sorcier » pour vaincre une menace qui pèse sur sa royale famille.

Le concept m’a de suite interpelée. J’ai aimé ce jeu entre ce qu’est vraiment Nyr et ce qu’il représente pour Lynesse et ses sujets. L’auteur avec une certaine malice joue énormément là-dessus dans sa narration, offrant un ton léger qui frôle l’humoristique, quand il met face à face que dit, voit, pense, considère Nyr et la façon dont Lynesse le reçoit, l’interprète et le transmet. Le décalage entre les deux est savoureux et met le doigt sur ce que peuvent représenter des problèmes de communication entre individus pas sur la même longueur d’onde, pour employer une image grossière. C’est vraiment particulièrement parlant dans un des chapitres où sur deux colonnes face à face l’auteur oppose le discours et l’interprétation de chacun, éclairant !

Ce faisant, il flirte donc avec les frontière de la SF et de la fantasy et c’est savoureux également. Cela rappelle la façon, par exemple, dont les natifs américains ont pu accueillir les colons européens et voir en eux des dieux, des démons, des sorciers, des génies, que sais-je ! Il se noue alors entre l’auteur-narrateur et nous une certaine connivence voire même un jeu, celui de deviner ce que cachent les interprétations « magiques et extraordinaires » de Lynesse. On se plaît à essayer d’imaginer qui se cache derrière telle ou telle créature qu’elle nous décrit, car bien sûr ce n’est pas le monstre qu’elle croit, et c’est très amusant. Mais du coup, le revers, c’est que ça donne une teinte légère à l’oeuvre et que par moment, je suis passée à côté de l’ambiance plus sérieuse que j’attendais et aurais voulu.

L’auteur joue de cette maxime de Clarke sur la science et la magie, donc, il joue également avec la morale et interroge : Est-ce bien de se faire passer pour ce qu’on est pas auprès de gens crédules et de jouer sur leur foi et croyance ? Ce questionnement agitera Nyr tout au long de l’aventure et le lecteur se verra lui-même poussé à trouver sa propre réponse à cela, ce qui est intelligent. Mais à être tourné essentiellement vers lui, il en oublie parfois un peu Lynesse qui n’est là que comme contrepoids et témoin de l’expérience, ce qui est dommage. Idem pour l’aventure, juste prétexte à mettre en scène cette idée et au final assez survolée et peu exploitée, ce qui la rend parfois un peu longue et répétitive. Il ne faut pas que le jeu prenne le pas sur le récit.

Alors oui, j’aurais peut-être aimé un texte plus dense et sérieux, mais cela m’a amusée également d’être surprise par ce versant de la production de Tchaikosky qui continue d’exploiter ce qu’il aime en SF : les questions sur les rencontres et communications avec l’autre. J’ai aimé ce jeu de flirt entre magie et science. C’était amusant de voir ce que chaque discours cachait et comment il allait être interprété. Petit texte peut-être plus de test et d’essai avec un concept, il a su me charmer par son ton et son originalité. C’était une vraie ode à l’Histoire de la colonisation et des natifs.

> N’hésitez pas à lire aussi les avis de : Maki, Le syndrome Quickson, Adopt a Librarian, Vous ?

9 commentaires sur “Le Dernier des Aînés d’Adrian Tchaikovsky

  1. Le ton léger, du moins pas prise de tête, de cette Novella me plaît bien tout comme ce jeu sur le décalage dû aux problèmes de communication. Le fait que l’auteur flirte entre deux genres est aussi un plus intéressant 🙂 Avant de découvrir l’auteur avec un texte plus ardu, je me dis que commencer avec cette novella serait pas mal.

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