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Éclat(s) d’âme de Yuhki Kamatani

Titre : Éclat(s) d’âme

Auteur : Yuhki Kamatani

Éditeur vf : Akata (L)

Année de parution vf : 2018

Nombre de tomes vf : 4 (série terminée)

Histoire : Deux jours avant les vacances d’été, je crois que… je suis mort ». C’est ce qu’a pensé Tasuku le jour où un de ses camarades de classe lui a piqué son smartphone, alors qu’il était en train de regarder un vidéo porno gay dessus. La rumeur s’est répandue comme une trainée de poudre. Tasuku, pense alors à se suicider, ne pouvant supporter cette réalité dont il n’avait pas encore complètement conscience lui-même, mais aussi par peur du regard de la société. Pourtant, alors qu’il s’apprête à sauter dans le vide, il aperçoit, au loin, une mystérieuse silhouette de jeune femme qui le devance et… saute dans le vide ?! Intrigué, terrorisé, il s’élance vers l’endroit d’où elle a sauté. Il y découvre, stupéfait, que la jeune femme est encore en vie, et qu’elle est l’hôte d’une sorte de résidence associative, véritable safe space où se réunissent diverses personnes LGBT. De rencontre en rencontre, le jeune lycéen va apprendre à se connaître, à s’accepter, et trouver sa place dans le monde.

Mes avis :

Tome 1

Voici le nouveau titre Akata qui fait le buzz depuis sa sortie. Une fois de plus, cet éditeur engagé s’attaque à un sujet de société important : le coming out et la vie en tant qu’homosexuel dans des sociétés tout sauf tolérantes. Le sujet en soi n’a rien de révolutionnaire en littérature mais dans le manga il l’est déjà un peu plus surtout dans la catégorie seinen, le sujet étant plus l’apanage du boys love forcément. J’ai donc été ravie de prendre ce titre qui sort un peu des sentiers battus.

L’histoire s’intéresse à un lycéen, Tasuku, qu’un camarade de classe vient de surprendre avec une vidéo porno gay. Bien sûr, la nouvelle fait vite le tour du lycée et c’est un peu le début de l’horreur pour ce jeune garçon introverti. Mais l’auteur ne s’arrête pas là, il ne nous raconte pas juste l’histoire ce coming out forcé, mais plutôt celle d’un garçon qui va devoir apprendre à accepter ses préférences et les conséquences qui vont avec, le tout avec l’aide de gens qui sont comme lui.

J’ai beaucoup aimé l’angle d’attaque de cette histoire. On suit des personnages matures qui forment un joli groupe d’entraide l’air de rien. Parce que franchement au début quand Tasuku tombe sur ce « salon de discussion » et son hôte, je me suis demandé ce que ça allait pouvoir donner. Il avait l’air de débarquer un peu dans un monde parallèle et fantastique. Chacun passait à côté de lui comme si c’était naturel qu’il soit là mais sans trop le calculer non plus et leur hôte est très très particulier. Il est absent et présent à la fois, c’est perturbant, mais j’ai beaucoup aimé l’ambiance atypique qui se dégage de lui et de l’histoire du coup.

On est à la fois dans un titre sérieux et un peu décalé. C’est sérieux parce que les sujets abordés sont difficiles et douloureux. L’histoire d’Haru et Saki, deux lesbiennes, en est particulièrement représentative, avec l’une qui a réussi difficilement à faire son coming-out avec tous les sacrifices que ça occasionne, et l’autre qui hésite encore. Je les ai trouvées très belles, fortes et touchantes et j’ai aimé ce qu’elles ont transmis à Tasuku. Celui-ci est celui par lequel on avance, il donne le la à l’histoire et la sienne est terriblement touchante. On sent clairement son mal être, ses hésitations, ses rejets, et finalement sa douloureuse acceptation de ce qu’il est. J’ai beaucoup aimé son cheminement tortueux dans ce tome, qui nous montre bien que ce genre de démarche est complexe et que c’est loin d’être une sinécure, surtout dans une société encore trop souvent homophobe.

Graphiquement, j’ai aussi beaucoup aimé ce titre. Le dessin n’est pas sans rappeler celui de Yuki Kodama dans Kids on the Slope, donc un trait un peu typé josei avec des beaux décors mais aussi des cases assez épurées parfois et un trait qui taille dans le vif. La mise en page est parfois fulgurante comme lorsque Tasuku éclate en mille morceaux face aux révélations qu’il vient d’avoir. Ça touche en plein coeur et on ne peut pas en ressortir indemne.

Me voilà complètement conquise par ce nouveau titre d’Akata. J’ai été séduite par l’ambiance dure mais chaleureuse, le ton bienveillant, les personnages qui se cherchent et il me tarde de voir comment Tasuku va évoluer. Va-t-il écouter ses sentiments pour son camarade ? Va-t-il s’ouvrir aux autres membres du salon de discussion ? Quels sont les parcours de ces derniers ? Qui est leur mystérieux hôte ? Autant de questions dont je suis pressée de chercher la réponse dans les futurs tomes.

Bonus : A lire aussi, l’excellent avis de Morgan sur le site d’Aftermangaverse.

Tome 2

Je ne pensais pas pouvoir dire ça mais j’ai trouvé ce deuxième tome encore meilleur que le premier et j’ai encore du mal à trouver les mots pour l’expliquer. J’ai vraiment été très touchée par les histoires développées ici et par la si grande bienveillance et pédagogie de l’autrice.

Dans cette suite, Tasuku a fini par accepter sa sexualité. Il s’en est ouvert aux membres du salon de discussion ce qui est déjà un énorme pas pour lui.Il commence à s’interroger ouvertement sur le garçon qui lui plaît et c’est tellement adorable. Mais surtout, dans ce tome, on parle du jeune Misora, élève de primaire, qui aime s’habiller en fille. Avec sont abordées toutes sortes de questions sur le genre et la sexualité, qui sont autant de sujets glissants, pourtant traités ici avec une grande finesse. Il faut lire les phrases que dit ce personnage pour comprendre à quel point l’autrice fait attention aux propos qu’elle développe. Elle prend vraiment soin de la communauté LGBT pour nous livrer un discours très juste et touchant. Personnellement, j’ai été touchée en plein coeur pour la complexité et l’ambiguïté de ce personnage que l’on voit se développer sous nos yeux. La rencontre entre Tasuku et Misora est juste géniale. Chacun bouscule l’autre à sa façon et le fait sortir de sa coquille. Chacun est à fleur de peau et les blessures ne sont jamais loin surtout dans une société aussi réfractaire à tout ce qui n’est pas dans la norme. C’est pour ça que j’apprécie d’autant plus la liberté de ton de l’autrice et le décor qu’elle a mis en place avec ce salon de discussion où se croisent des gens de tous les âges et de tous les horizons.

Avec ce deuxième tome, Yuhki Kamatani frappe fort à l’image de sa couverture juste sublime sur le très beau personnage de Misora qui aura vraiment marqué ma lecture ici. Les dessins, eux, restent parfois maladroits à l’image de la page couleur ouvrant le chapitre 6, mais il y a une telle force évocative qui s’en dégage que je n’ai pu que m’émerveiller devant.

Eclat(s) d’âme confirme ici son statut de titre indispensable en ce début d’année 2018, je ne peux que le recommander à tous !

Tome 3

Que dire de ce nouveau, à part que j’en attendais beaucoup. Avec Tasuku et Tsubaki en couverture, j’étais sûre qu’il était enfin temps pour nous de voir notre héros grandir et se rapprocher de son amour, mais bien sûr les choses furent bien plus compliquées.

Dans ce tome, on parle encore et toujours de genres et d’identités sexuelles, mais surtout de la perception du monde extérieur. Ainsi, va être mis en avant, Monsieur Utsumi, un transexuel, qui va retrouver une ancienne camarade du club de volleyball, qui va lui en faire voir des vertes et des pas mures à cause de sa trop grande et fausse « bienveillance ». J’ai été saisie par la justesse avec laquelle Yuhki Kamatani a su croquer ce moment de vie si difficile. Utsumi est confronté à ce qu’il y a de pire, une personne amicale qui sous prétexte de bienveillance va tenir des propos ultra dérangeants et limites pour mettre en avant une fausse gentillesse. Elle va aussi chercher à le pousser à se mettre en avant pour soi-disant illustrer des propos de tolérance et l’inculquer aux enfants mais on ne peut pas forcer les gens à faire ça s’ils n’en ont pas envie. En plus, ici, j’ai trouvé ça fort hypocrite de sa part. Depuis le début, j’ai trouvé cette femme fausse et désagréable derrière son sourire de façade. Elle ne comprend absolument pas les gens et cherche sans cesse à imposer son point de vue. Horrible. Heureusement, M. Utsumi est quelqu’un de vraiment fort. Il sait qui il est. Il s’assume. Il sait ce dont il est capable ou non. C’est un vrai modèle.

De modèle justement, il servira à Tasuku dans ce tome. Celui-ci a enfin retenu l’attention du garçon qu’il aime en secret, Tsubaki. Ils se mettent à passer du temps ensemble mais on retrouve chez Tsubaki les pires propos possibles sur les homosexuels et les gens différents de lui. Dès le début, comme Tasuku, j’ai ressenti un vrai malaise. Je ne savais pas non plus sur quel pied danser avec Tsubaki. Est-il homophobe ? Est-il un homosexuel refoulé ? Ou rien de tout ça ? Ce qui au début peut passer pour une mauvaise interprétation de Tasuku, car il le regarde à travers son propre mal être et sa propre insécurité vis-à-vis de son identité sexuelle, devient petit à petit plus concret. Et il faut tout le génie de l’autrice pour pousser Tsubaki dans ses retranchements pour qu’enfin il explose et se révèle. On est alors soufflé par son explosion de colère mais surtout de malaise et de souffrance.

Après un début, un peu fade et classique, ce tome aura su une nouvelle fois me toucher en plein coeur à travers des personnages toujours aussi travaillés et de plus en plus fouillés. Avec son dessin toujours subtil et plein de poésie, la mangaka continue à faire preuve d’une rare justesse pour brosser le portrait des émotions si différentes des personnages. Le chemin vers l’acception de soi et des autres est encore longue, mais on y travaille.

Tome 4

Je craignais autant que j’étais impatiente de lire ce dernier tome, mais l’autrice a su déjouer tous les pièges pour livrer un final plein d’émotions et très juste où la question du genre et de la sexualité est abordée avec beaucoup de finesse. J’ai rarement vu une oeuvre (papier ou autre) essayer d’être aussi juste sur un sujet aussi complexe. L’autrice l’aborde avec une ouverture d’esprit incroyable, montrant combien notre envie de faire rentrer les gens dans des cases, n’importe lesquelles, peut être source de bien des souffrances mêmes les plus inattendue. Elle propose donc une autre voie, celle de l’absence d’étiquette sauf pour ceux qui le désirent afin que chacun trouve le bonheur et c’est libératoire ! Ce n’est pas facile, le cheminement est long et compliqué, parfois cela n’a pas de fin mais le résultat si on l’obtient en vaut la chandelle.

Dans ce dernier tome, on découvre ainsi le parcours de vie de ce cher Tchaïko/Iriya qui nous montre un nouveau pan des relations possibles. C’est une jolie histoire comme on en raconte souvent sur les couples homosexuels avec une première rencontre, une perte, une autre vie menée ensuite avant des retrouvailles qui viennent tout bouleverser. C’est simple, c’est classique et pourtant tellement parlant et réaliste. C’est ce qui touche le plus chez ce vieil, cette simplicité qui fait écho en nous parce que ça pourrait nous arriver. Son histoire est triste est pourtant tellement pleine de douceur et de chaleur. J’ai été très émue par ce personnage.

Grâce à lui, on en apprend enfin plus sur notre hôte, ce qui permet enfin de mieux le/la cerner ce qui n’est pas chose aisée mais c’est très enrichissant. Ce dernier tome permet enfin de répondre à bien des questions et mêmes si les réponses ne satisferont peut-être pas les adeptes de la réponses directes, moi j’ai beaucoup aimé les horizons que ça m’ouvrait. C’est surtout le cas avec la relation Tasuku-Toya qui a été très touchante ici. Je n’en attendais plus grand-chose je l’avoue, malgré la déclaration du premier et pourtant l’évolution est très belle, toute douce, toute tranquille mais superbe. Ils apprennent à se connaître, à se faire confiance, à s’ouvrir l’un à l’autre. Tasuku fait preuve d’un grand courage pour affronter ses sentiments et se présenter aux autres tel qu’il est, il a bien changé. Ça lui donne une toute autre aura qu’au début qui sera je l’espère source de bonheur pour lui dans le futur.

Le futur est justement l’un des thèmes clés aussi de ce tome, à travers celui qui est en train de se dessiner pour Haru et Saki, les deux jeunes femmes que l’on suit depuis le début et qui voit ici se concrétiser de la plus belle des façons leur projet de mariage. J’ai été très touchée par leur parcours, ce tome étant celui de tous les bouleversements pour elles. Elles se projettent enfin dans l’avenir, ce qui leur permet d’en faire part aux autres, même si ce fut de façon un peu forcée, mais au moins leurs sentiments sont compris et acceptés, et on a un très beau moment avec les parents de Saki qui m’a émue.

Eclat(s) d’âme aura donc été jusqu’au bout une lecture très émouvante pour moi. Ce titre fourmille d’émotions, parfois celles-ci sont exprimées de la plus violente des façons, nous explosant littéralement au visage, mais c’est pour mieux montrer leur puissance et leur importance. L’autrice aura su développer avec une justesse et une bienveillance infinie un sujet complexe à traiter. Elle nous aura embarquer dans son univers doux et familier où les personnages sont devenus pour nous aussi des amis. On a fait un bout de chemin avec eux et il est temps de leur dire au revoir. Cela ne se fait pas sans tristesse mais c’est avec le sourire qu’on se quitte, le sourire de ceux satisfaits enfin de leur vie.

Ma note : 17 / 20

17 commentaires sur “Éclat(s) d’âme de Yuhki Kamatani

  1. Oh tu me tentes bien là ! Il faudra que je jette un oeil, pk même pour le boulot je trouve que ça peut être pas mal pour aborder le sujet ! (Oui tu es ma fournisseuse officielle d’inspiration boulot 😛 )

    Aimé par 1 personne

  2. j’aime beaucoup cette série que j’avais envie de découvrir à cause de son thème qui me touche particulièrement . J’ai été ravie que le thème si soit si bien abordé, mais au delà du contenu j’ai eu un coup de cœur pour la forme. Je trouve les dessins sublimes.

    Aimé par 1 personne

    1. Je te suis complètement sur les dessins, je passe un temps à les admirer et à essayer d’en saisir le sens caché ^^
      Il faudrait que je relise les tomes de Nabari que j’ai pour voir si c’était pareil sur cette série (je précise, c’est le/la même mangaka).

      J’aime

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