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Beast Complex de Paru Itagaki

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Titre : Beast Complex

Auteurs : Paru Itagaki

Éditeur vf : Ki-Oon (seinen)

Année de parution vf : 2021-2022

Nombre de tomes vf  : 3 (série terminée)

Résumé : Découvrez les origines du monde fascinant de Beastars !
Lorsque herbivores et carnivores cohabitent, leurs relations sont souvent complexes, parfois intenses. Quelles que soient les règles adoptées, les barrières restent difficiles à faire tomber et chacun tente à sa manière de briser le carcan des idées reçues…
Un lion peut-il tisser des liens avec une chauve-souris dont les parents ont été dévorés par un fauve ? Qu’adviendra-t-il de l’amitié entre un petit tigre et un enfant castor quand ils grandiront ? À quoi ressemble la relation d’un dromadaire et d’une louve, où désir sensuel et appétit carnivore s’entremêlent ? Fraternité, amour, camaraderie… autant de sentiments partagés par tous, qui vont au-delà des apparences.
Et si la bestialité permettait de redécouvrir l’humanité ? À travers six histoires courtes passionnantes, Paru Itagaki pose les bases de l’univers de sa retentissante série Beastars. Tout y est : le campus mixte, le marché clandestin, les tabous sociétaux et, surtout, les personnages attachants qui échappent à tous les clichés… Beast Complex, première publication d’une jeune autrice au talent incroyable, est un concentré de tout ce qui fait la saveur de son œuvre !

Mon avis :

Tome 1

Depuis le premier tome, j’ai eu un coup de foudre pour l’univers de Beastars et les valeurs portées par son autrice. Alors forcément si l’éditeur propose de revenir à la source de ceux-ci avec les histoires courtes ayant précédé l’écriture de cette grande série, je ne peux qu’être partante ! Et je les remercie de m’avoir fait confiance, en me l’envoyant.

Nous voici donc quelques temps avant Beastars. L’autrice avait envie de longue date de se faire plaisir avec une histoire mettant en scène des animaux dans une société qu’ils composeraient. Un éditeur lui fait confiance, ce qui lui permet de ce lancer peu avant la sortie du célèbre Disney Zootopie qui semble être totalement dans la même veine. Une concomitance surprise qui n’enlève rien à la puissance de l’oeuvre de Paru Itagaki.

Les six histoires, que nous allons suivre ici, ont donc été pour la plupart écrites avant Beastars et tout comme elle, elles font déjà preuve d’une belle force. Dans un style proche des Fables de La Fontaine, l’autrice met en scène à chaque fois un duo composé d’un carnivore et d’un herbivore. Elle y déploie déjà les thèmes qui lui seront chers également par la suite : amitié, amour, nourriture (parfois avec les deux utilisés ensemble), lutte contre les préjugés…

Ces histoires sont courtes mais vraiment réussies. Elles sont souvent amusantes, jouant sur un humour noir, comme lorsqu’un grand crocodile, au sens de l’humour douteux, fait équipe avec une frêle gazelle au caractère assuré qui compte bien ne pas se laisser faire lors du tournage de son émission de cuisine. Ainsi, le ton est souvent doux-amer. Cependant l’autrice, avec son sens de la mise en scène qu’on lui connait dans Beastars, parvient déjà en l’espace de quelques pages à nous embarquer et à nous attendrir avec chacun de ses héros le temps d’une histoire, notamment grâce à des situations vraiment bien trouvées, même si toutes les histoires ne se finissent pas toujours bien.

Nous y découvrons ainsi les prémices de Beastars avec un campus mixte, le marché noir, les tabous entre carni et herbi. On y retrouve aussi des personnages tout aussi attachants, qui se posent de vraies questions sur leur nature, celle des autres, et leurs relations entre espèces différentes. C’est un concentré de tout ce qui fera le succès et la qualité de Beastars ensuite, même si les histoires sont inégales. Il y a tout de même une belle variation des lieux, des âges et des ambiances.

Le dessin, lui, se fait parfois hésitant. Il n’est pas aussi métaphorique et fort, mais il propose déjà de belles idées. Il y a notamment un fort joli travail sur les logos au début de chaque chapitre.
Les premières histoires sont un peu légères côté dessin. Il y a peu d’arrières-plans et le trait est assez simple. Cela s’enrichit graduellement au fil des chapitres, notamment avec les deux derniers qui sont bien plus riches de ce côté-là. Je n’ai pas été étonnée d’apprendre qu’ils avaient été publiés après le début de Beastars.

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Je vais maintenant revenir rapidement sur chaque histoire :

1e Histoire : Le lion et la chauve-souris
C’était touchant de suivre un lion, métaphore de l’ado en construction, qui avait peur de sa nature profonde. On le voit apprendre au contact d’une chauve-souris qu’il peut être celui qu’il veut et pas seulement celui que les autres voient en lui. J’ai trouvé que c’était une belle mise en bouche, nous permettant de découvrir l’univers de Paru Itagaki.

2e Histoire : Le tigre et le castor
On entre un peu plus dans les thématiques chères à l’autrice avec cette belle amitié interespèce entre deux jeunes d’une dizaine d’années. C’était touchant de voir ce jeune tigre qui refuse de se comporter comme on l’attend d’un carni, et qui préfère devenir fort pour protéger et rester avec son ami herbi.

3e Histoire : Le dromadaire et la louve
Voici mon histoire préférée du volume. Elle a une ambiance vieux polar romantique que j’adore. C’est une histoire plus mature, entre deux adultes, sur l’ambivalence entre désir sexuel et faim animale. J’ai trouvé l’écriture de l’autrice plus fine sur le comportement de ses héros et il y a une jolie mise en abyme sur le travail de l’écrivain et du journaliste qui ne devrait pas juste rapporter des faits divers comme tout le monde, sans recul.

4e Histoire : Le kangourou et la panthère noire
Nous sommes un peu dans la même ambiance avec cette histoire qui se veut plus sombre, plus mature et un peu désespérée. La mangaka y aborde la terrible réalité du marché noir et des gangs dans une ambiance étouffante un peu à la Kowloon et à la Léon de Besson.

5e Histoire : Le crocodile et la gazelle
J’en ai déjà parlé plus haut mais cette histoire, même si elle est celle que j’ai le moins aimé, est peut-être celle avec le plus d’humour. Elle traite avec un humour noir du carnivorisme et de la carniphobie. C’est à la fois original par son univers télévisuel et classique dans son format avec cette battle en direct entre un carni et une herbi qui s’oppose par leur philosophie de vie / de cuisine.

6e Histoire : La renarde et le caméléon
Cette dernière histoire rappelle également tout un aspect de ce que sera Beastars avec ce romantisme maladroit entre deux lycéens et la terrible vie au lycée avec son harcèlement quand on est différent, son mal être et ses jeux de domination. J’ai beaucoup aimé le duo et notamment la douceur de la renarde envers le caméléon pour le pousser à être lui-même, à s’assumer avec ses qualités et ses défauts. C’est une jolie histoire pour apprendre à être soi-même, à s’accepter et à lutter contre ceux qui veulent nous imposer une image ou une façon d’être.

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Je ressors totalement conquise de cette lecture si riche. J’ai aimé ce côté Fable qui se dégage de ce travail sous forme d’histoires indépendantes dans un même univers avec une petite morale qui apparait à chaque fois. J’ai aimé voir évoluer le trait et la composition de l’autrice. J’ai aimé voir les prémices des thèmes qui me toucheront tant dans Beastars. Après, je trouve le titre inégal et moins fort que son petit frère, mais ça reste fort intéressant pour découvrir la genèse d’une oeuvre et le parcours d’une artiste.

Tome 2

Un an plus tard, je retrouve avec délice les petites histoires du tome 2 de Beast Complex, qui avait pris du retard au Japon et en a pris en France. Entre temps Beastars s’est achevé et c’est donc avec encore plus de plaisir que je retrouve la plume et l’univers de Paru Itagaki ici.

A nouveau à travers 6 histoires, elle nous fait le portrait en miroir de notre société à travers la société animalière qu’elle a imaginé et c’est toujours aussi percutant. Qu’elle parle encore et toujours des différences ou rapprochements entre herbi et carni, cela sonne juste et cela met le doigt sur quelque chose dans notre société où le faible est si souvent pointé du doigt et mis en défaut. J’adore.

Mais je me nourris peut-être encore plus de la diégèse de l’oeuvre. J’ai ainsi eu la riche idée de lire d’abord la postface sur la 4e de couverture de l’oeuvre, ce qui m’a je pense permis d’avoir une lecture différente de ces textes. Elle revient notamment sur son rapport à ce qui fait le point clé de sa narration, observation de l’humain ou action, et de sa relation à ceux-ci. C’est très intéressant. Au passage, j’ai été surprise de découvrir, car je l’avais oublié, que plusieurs de ces histoires étaient celles des habitants de l’immeuble où Legoshi trouve refuge après ses études, ce qui donne une autre saveur là aussi à leur lecture. L’autrice essaie vraiment de créer un tout et ça me parle.

Dans ses histoires, elle aborde ainsi des thèmes aussi variés que le mal être au travail, le harcèlement, la peur dévorante de la découverte quand il faut se jeter à l’eau et changer de vie, la panne d’inspiration quand on est auteur, l’importance de faire attention aux autres, mais aussi des thèmes plus surprenant comme l’industrie des idols et du porno ou encore la prostitution et l’univers des yakuzas. Elle fait toujours cela sous couvert de ces animaux divers et variés qu’on rencontre, mais qui sait lire entre les lignes comprend et c’est fort.

Le fan de Beastars a même droit à un petit chapitre fort sympathique où on revoit Legoshi et Haru à l’occasion de la cérémonie des 20 ans de celle-ci et c’est charmant à la fois d’entendre ses réflexions sur ce qu’elle aimerait pour leur couple, mais également de voir les actions d’un Legoshi toujours aussi amoureux et prévenant, qui a vraiment une belle âme humaniste. Il y a beaucoup d’émotion sur ces quelques pages qui en disent longs malgré leur aspect anecdotique.

C’est tout l’art de l’autrice, savoir capturer des petits instantanés de vie et leur rendre bien plus puissants que ce qu’ils en ont l’air. J’ai ainsi adoré retrouver sa patte de fine observatrice de notre société le temps de ces 6 courtes histoires. Certaines ont peut-être un final un peu abrupte, mais l’émotion est là à chaque fois et chaque duo apprend et apporte quelque chose au lecteur. Ces fables animalières sont de beaux cheminements de vie tantôt tendres, tantôt âpres, mais toujours instructifs et émouvants. J’ai hâte de voir qui elle mettra en scène et sous quel angle dans cet ultime volume, mais également de découvrir sa nouvelle série avec des humains cette fois !

Tome 3 – Fin

Grande observatrice de la nature humaine transposée chez les animaux, Paru Itagaki nous offre ici, pour le moment, un ultime opus de son anthologie Beast Complex où elle décrypte encore avec émotion, justesse mais humour aussi les comportements des personnages qu’elle met en scène.

L’autrice nous démontre à nouveau dans ces histoires combien les opposés sont des ressources de dynamiques narratives puissantes et elle nous conte ainsi avec grand talent des histoires pourtant improbables que seule son imagination galopante a pu imaginer. Du harceleur se faisant sauver par sa victime avant qu’elle l’avale, en passant par une actrice arriviste profitant de l’honnêteté coupable de son collègue, ou des adolescents aux désirs opposés l’un voulant être vu l’autre voulant se cacher, mais aussi un chapitre un peu BDSM version dominant-soumis, des retrouvailles permettant de découvrir un nouvel aspect de la vie des animaux marins, un couple qui se retrouve après un drame et bien sûr une ode à l’amitié malgré ses complexes et différences. C’est encore une fois superbement écrit et mis en scène, avec variété, simplicité et efficacité, au point que le court nombre de pages parfois, ne dérange même pas.

Les situations sont variées même si l’autrice répète à peu près toujours le schéma de carni face à des herbi. Elle montre ainsi combien ces situations peuvent être riches et se décliner à l’infini. Elle touche aussi bien le milieu scolaire, que le milieu professionnel, artistique ou le deuil. Elle varie également les créatures mettant en scène des sous-espèce encore dans les espèces déjà croisées, et des espèces courantes avec d’autres moins croisées. Parfois, elle réutilise les mêmes mais les histoires sont toujours totalement différentes les unes les autres. Leur seul point commun : la bienveillance qui finit par ressortir et ce désir de compréhension de l’autre ou du moins de main tendue vers l’autre. C’est un beau message.

L’autrice capture avec émotion tous ces moments, notamment lors des ultimes pages de ces histoires qui sont toujours propices à de belles morales, tantôt douces, tantôt rigolotes. On y apprend à pardonner, on y apprend à jouer, on y apprend à s’accepter, on y apprend à avancer. De belles amitiés atypiques au premier coup d’oeil se nouent sous nos yeux entre animaux qui pourraient préférer s’ignorer ou se dévorer, mais le fait d’ouvrir le dialogue, parfois de manière anodine change tout et c’est une philosophie de vie que je trouve simple mais très belle au final. Ainsi, c’est reposant de lire de telles histoires. (Petit coup de coeur pour celle discrète de Tortue et la Brebis ^^)

Avec ce principe pouvant se décliner à l’infini, l’autrice nous a offert une nouvelle fois de belles histoires touchantes, avec des personnages et situations quasi inédites cette fois, juste un petit clin d’oeil à Legoshi et un autre à des caméos de Beastars. Chaque histoire aura apporté son lot d’émotion et vu la porte que l’autrice laisse ouverte, j’espère bien qu’il y reviendra dans les années à venir pour nous proposer peut-être un autre tome. En attendant, elle a quitté sa casquette d’observatrice animalière pour venir nous observer, nous, dans sa nouvelle série. J’ai hâte de voir si elle y est aussi douée 😉

(Merci à Ki-Oon pour ces lectures)

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>> N’hésitez pas à lire également les avis de : L’Apprenti Otaku, Vous ?

16 commentaires sur “Beast Complex de Paru Itagaki

  1. J’ai enfin pris le temps de venir te lire, c’était pas trop tôt !

    Tu connais déjà mon point de vue sur la question, dailleurs on est plutôt en phase je pense. Même si de mon côté tout le positif serait encore plus positif j’ai l’impression, et jattenuerai également les petits reproches.
    Mais il me semble que sur l’essentiel, on est d’accord et on considère cette extension de Beastars excellente et à lire si on aime la série mère.

    Aimé par 1 personne

    1. Oui, j’ai failli attendre xD
      Je confirme que j’ai souvent tendance à être plus nuancée et toi plus enthousiaste, mais l’essentiel c’est d’être d’accord sur la grande qualité des oeuvres de Paru Itagaki, définitivement une autrice à suivre ☺️

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