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The Night Beyond the Tricornered Window de Tomoko Yamashita

Titre : The Night Beyond the Tricornered Window

Auteur : Tomoko Yamashita

Traduction : Nicolas Pujol

Éditeur vf : Taifu (Yaoi)

Années de parution vf : 2022-2024

Nombre de tomes vf  : 9 / 10 (en cours)

Résumé : Mikado possède depuis tout petit un pouvoir qui lui est tout sauf utile : il voit les fantômes et autres esprits. Mais quand un exorciste répondant au nom de Rihito vient le chercher dans sa librairie, il lui ouvre grand les portes de la psyché et des arts mentaux. Ensemble, ils commencent une collaboration teintée de sous-entendus où Mikado lui sert de fenêtre sur ce qui est au-delà de la perception humaine normale, permettant à Rihito de mener à bien plus efficacement les requêtes de ses clients. Mais les fantômes ne sont peut-être pas la chose la plus terrifiante et insondable que Mikado aie à confronter…

Mon avis :

 Tome 1

Tomoko Yamashita, je l’ai découverte chez nous avec l’âpre tranche de vie Entre les lignes chez Kana (Life) qui parle avec beaucoup de subtilité du deuil. Mais au Japon, c’est une autrice installée, connue justement pour le Boys Love dont je vais maintenant vous parler, qui a eu droit à une adaptation en animé et en drama, c’est rare pour ce qui n’est pas du shonen ou du seinen !

Comment l’autrice a-t-elle réussi un tel tour de force ? En proposant, sur 10 tomes, une intrigue ficelée aux allure de polar ésotérique comme à la grande époque de Reiko Shimizu ou des Clamp mais avec un habillage tout en sobriété et humour décalé. Personnellement, j’ai adoré !

Nous allons à la rencontre de Mikado, libraire de son état, qui peut voir les esprits, ce qui lui cause bien des angoisses. Un jour, il tombe sur Hiyakawa, un exorciseur professionnel, qui remarque son pouvoir et lui propose une association afin de pouvoir l’utiliser. Ensemble, ils vont mener des missions plus inquiétantes les unes que les autres, parfois pour la police, parfois à compte personnel.

Ce duo est totalement décalé, ce qui est un atout certain. Mikado est un trouillard, Hiyakawa un type étrange et peu sociable. Leurs exorcismes en duo ressemblent presque à des préliminaires tant ils semblent y prendre du plaisir, même si c’est un plaisir coupable pour Mikado, ce qui est très amusant, surtout que les deux ne se privent pas de petites phrases à double sens.

Mais si la série fonctionne, c’est parce que ces missions sont toujours un peu étranges et inquiétantes. On sent une sorte de chape de plomb au-dessus d’eux sans parvenir à savoir d’où elle vient. Hiyakawa cache bien des secrets et entraîne totalement Mikado dans ses délires sans rien lui dire, celui-ci au passage est bien gentil (soumis ?) d’accepter ainsi. Cela m’a beaucoup rappelé The Top Secret de Reiko Shimizu mais avec une dimension fantastique à la place du polar futuriste que c’était alors, mais les dynamiques se ressemblent jusque dans la relation soumis-dominant des personnages et leur représentation physique : beau blond froid, brun à lunette plus banal.

Les histoires qu’ils vivent sont elles assez banales en soi au premier regard. On les contacte pour un fantôme dans un appartement, un stalker, un cadavre dont il faut retrouver les morceaux, une chambre d’hôtel hantée ou un médium qui a l’air d’un arnaqueur, sans parler de lycéennes qui sentent des esprits. Mais derrière, cela cache toujours quelque chose et il y a toujours un moment avec une chute humoristique. Surtout on voit peu à peu apparaître d’autres possesseurs de pouvoirs paranormaux comme eux dont l’une assez néfaste, ce qui attise la curiosité.

Le trait de Tomoko Yamashita, tout en angle et en os, a un charme fou sur ce type d’histoire. Avec ses décors très blancs, très vides, elle nous force à nous concentrer sur les êtres humains et esprits présents, avec des zooms saisissants sur leurs expressions tourmentées. Son design des esprits est marquant, de même que la technique d’exorcisme de Hiyakawa qui est fort singulière et très symbolique dans l’utilisation qu’elle fait de son partenaire. C’est marquant ! Et l’autrice renforce encore cela avec des cadrages très percutant parfois rappelant un certain ésotérisme à la Clamp mais avec bien plus de sobriété.

The night beyond the tricorned window (ouf ! quel titre !) fut pour moi une excellente lecture. C’est un thriller énigmatique qui reprend bien des codes du polar surnaturel à la japonaise que j’aime et que j’avais apprécié de découvrir dans des oeuvres comme The Top Secret, Rain Man ou les anciens mangas des Clamp. Je suis ravie que Taifu nous publie enfin cette longue série, surtout avec deux tomes d’emblée, et j’espère qu’ils poursuivront à un bon rythme, pour faire découvrir cette grande autrice.

Tome 2

Sorti en même temps que le tome 1, ce deuxième volume approfondit encore les mystères parcourant l’oeuvre et rend celle-ci de plus en plus addictive.

Avec un rythme pourtant lent et insidieux, une narration en mode tranche de vie et des missions qui peuvent vraiment semble anecdotique, l’histoire devient peu à peu très addictive grâce aux mystères qui la parcourent. La relation étrange de Mikado et Hiyakawa se renforce à chaque exorcisme, à chaque rencontre.

Les deux possesseurs de pouvoirs paranormaux rencontrés dans le tome précédent : Keita Mukae et Erika Hiura, se mettent à participer plus activement à l’histoire. L’un aidant lors des exorcismes, l’autre posant beaucoup de questions sur les mystères qui l’entourent. Ainsi l’intrigue s’approfondit et la dynamique se resserrent.

On sent clairement que l’autrice passe à la vitesse supérieure dans ces relations troubles qu’entretiennent les différents possesseurs de pouvoirs paranormaux. Ce qui lie Hiyakawa et Mikado se complexifie avec un Hiyakawa de plus en plus possessif qui semble avoir apposé sa marque sur son compagnon sans lui avoir demandé sa permission. Il lui cache beaucoup de choses et l’autrice ne nous donne que des bribes d’indices. Il en va de même pour Erika Hiura qu’on voit apparaître un peu partout aux détours de leurs missions et qui cache elle aussi bien des choses avec ses étranges et effrayantes malédictions.

Tout cela crée une atmosphère encore plus pesante que dans le tome 1 avec parfois des histoires qui disparaissent derrière ce qui se trame entre les personnages principaux en parallèle. Les missions d’exorcisme cependant continuent, avec cette ambiance de polar ésotérique dont je parlais déjà pour le premier tome, et on se retrouve toujours avec des histoires simples en apparence mais complexes derrière comme ce couple où la femme a été victime de violence par sa mère ce qui la hante encore. Mais clairement la série commence à basculer et le focus se fait de plus en plus sur ce qui relie les personnages. J’adore.

Ce glissement se ressent jusque dans les dessins de l’autrice qui se veulent de plus en plus symbolique. Elle plaque sur papier comme personne la noirceur qui emprisonne certains esprits et les transformations que cela peut nous faire subir sans qu’on le voit. Elle me fait penser à Hitoshi Iwaaki et son Parasite dans ces moments-là. Elle matérialise aussi avec force qui lie et entrave les héros, avec cette cage que Hiyakawa semble avoir mise autour de Mikado. J’adore également la façon dont elle commence à nous montrer la variété de leurs pouvoirs, comme avec ce triangle hors du temps de Keita. Enfin, son design des esprits fait toujours aussi froid dans le dos. C’est une belle réussite.

Prenant un tournant de plus en plus inquiétant et sombre, Tomoko Yamashita nous entraîne dans les affres des esprits de ces exorcistes / médiums / jeteurs de malédictions qui animent la série. C’est lent, insidieux et percutant en même temps. Le malaise est partout et elle nous offre de superbes prouesses graphiques bien sombres et inquiétantes. J’adore !

Tome 3

Quel bonheur de continuer à retrouver la plume tranchante et singulière de Tomoko Yamashita (Entre les lignes) dans ce thriller ésotérique si typiquement japonais avec un très joli mélange de légendes urbaines, de pouvoirs parapsy et de personnages timbrés. J’adore !

Il faut cependant admettre que la tonalité de la saga est particulière. Tomoko Yamashita a un humour pince sans rire assez particulier, qui moi m’amuse beaucoup, mais qui peut peut-être en mettre certains mal à l’aise. Elle a un humour noir, macabre, où elle s’amuse à mettre ses personnages dans des situations malaisantes, à la limite parfois, mais c’est justement ce qui est drôle. Elle flirte ainsi avec les limites du consentements par exemple dans la relation hyper ambiguë de ses deux héros : Kôsuke et Rihito, mais ça reste toujours dans une optique de gentiment se moquer de l’autre et de jouer avec le lecteur qui voit bien ses clins d’oeil. J’aime beaucoup.

Mais pour revenir au coeur de la série, nous sommes sur les bases d’un très bon thriller para-psy où notre duo va régulièrement enquêter sur des étrangetés qu’on leur demande de résoudre et régulièrement ils y croisent les traces des malédictions d’une étrange lycéenne : Erika Hiura. J’aime la dynamique qui mélange ces deux lignes. J’aime à la fois suivre leurs enquêtes, comme lorsque Kôsuke doit plonger dans la petite mare du jardin d’une femme qui y aperçoit une « Ophélie » comme dans Hamlet. Mais j’aime également beaucoup le stress des enquêtes où ils se retrouvent confrontés aux pouvoirs d’Erika, c’est toujours hyper perturbant.

L’autrice nous permet en plus depuis quelques temps de découvrir un peu plus cet étrange personnage et on s’aperçoit qu’Erika n’est pas celle que l’on croyait. On se retrouve, mais il reste beaucoup de zones d’ombre, pris dans une sombre et complexe histoire familiale avec des adultes qui semblent profiter de ses pouvoirs et peut-être aussi la manipuler elle-même par la peur. C’est très singulier, surtout avec le ton assez froid et détaché de l’autrice qui nous empêche de savoir sur quel pied danser. Elle joue vraiment énormément avec nous et nous embrouille bien.

Cela donne un thriller décalé où on prend plaisir à voir Rihito jouer de son coéquipier et utiliser ses pouvoirs psychiques pour défaire les malédictions qui ont été lancées à droite à gauche, mais où on prend également plaisir à se perdre dans les relations entre tous ces personnages. Rihito et Kôsuke sont très intrigués par Erika, mais sur quoi cela va-t-il aboutir ? Est-elle dans une situation où il faudra la sauver ? Ou est-elle l’ennemi à abattre ? C’est encore assez flou même si des lignes se dessinent et on prend plaisir à spéculer sur la suite.

Pour ma part, j’adore cette ambiance de légende urbaine où se mélange un ésotérisme à la japonaise fait de malédiction, d’esprits captifs et torturés, etc. J’aime ces « combats » où des pouvoirs para-psy s’expriment, ce que l’autrice dessine de manière percutante et intimiste. J’aime aussi l’humour qui unit les différents duos créant une proximité plus naturelle avec des personnages sinon bien étranges par rapport à nous. C’est une oeuvre singulière mais dont l’originalité de la mise en oeuvre et du ton me séduit justement. Et que dire du découpage de l’autrice qui me frappe toujours quand je ne l’attends pas. J’adore son dessin et notamment son travail sur les regards qui en disent tellement long pour rattraper l’apparente froideur des personnages. Je les trouve vraiment beaux, purs et profonds.

Thriller vraiment singulier, The night beyond the tricornered window, tout comme son titre à rallonge a un je ne sais quoi qui me fascine. De ses couvertures hyper bien mise en scène où vous trouverez un verni sélectif à effet qui joue avec le personnage mis en avant (ici une main semble vouloir prendre possession d’Erika), en passant par son humour décalé, jusqu’aux enquêtes banales et étranges à la fois, la série dégage quelque chose qui lui est propre. Et de fil en aiguille, nous avançons et nous approchons de plus en plus des malédictions de notre chère Erika, pour mieux nous retrouver happés par elle et son monde. Cela fonctionne terriblement bien avec moi.

Tome 4

Avec cette subtilité dont elle a fait preuve depuis le lancement de cette série, Tomoko Yamashita creuse de plus en plus pour nous faire atteindre les profondeurs troubles de l’univers de ces héros. C’est aussi envoûtant que fascinant.

Une des choses que j’apprécie dans cette série, c’est qu’on ne sait jamais sur quoi on va tomber. Les apparences sont trompeuses à tous les niveaux. La narration a souvent l’air toute calme et tranquille, les sujets banals au possible et les personnages ont des allures un peu fades. Pourtant quand tout se met en branle, c’est passionnant, palpitant, fascinant, étrange et même dérangeant. On ressent alors une grande pression et l’horreur n’est jamais bien loin. Mais ce n’est pas une horreur clinquante comme chez des auteurs à la Junji Ito qui a besoin d’exagérer et suréxagérer pour montrer, c’est bien plus fin et subtile ici. C’est peut-être pour ça que ça me plaît tellement. C’est insidieux.

Le quotidien de notre héros Mikado va encore être chamboulé à plusieurs reprises dans ce tome. Que ce soit en étant appelé pour des missions solo ou lors de rencontre de personnes comme lui, il va peu à peu réaliser encore plus le monde étrange dans lequel il habite et surtout dans lequel Hiyakawa l’a fait plonger plus profondément qu’avant encore. Alors sous des dehors de petits missions tranquilles où on le voit éliminer l’esprit ou la créature paranormale qui dérange la personne ayant fait appel à lui, se cachent en fait mille questions sur son propre quotidien et sa relation privilégiée mais étrange avec son ami.

L’autrice nous fait de plus en plus pénétrer dans l’âme de ses héros et en particulier de Mikado. Il n’est plus qu’une marionnette entre les mains d’Hiyakawa, il est désormais plus conscient de ce qu’il fait et lui demande, ce qui le question. J’aime cette évolution du héros qui induit également une évolution de leur relation. Et l’autrice flirtant avec les codes du BL les concernant nous offre une relation ambiguë à souhait qui est un régal de tension pour le lectorat. Entre souvenirs personnels douloureux, évocation d’un présent compliqué où un certain malaise point et des relations qui se complexifient le héros a fort à faire.

Tomoko Yamashita nous emmène ainsi dans un mélange de missions parapsychiques et de questionnements plus personnel sur soi et ses relations aux autres, en ce qui concerne Mikado. Sa rencontre plus apaisée avec Erika en témoigne. On en apprend pas mal sur la demoiselle et c’est un sacré revirement qui se produit et change encore notre échelle de valeurs. J’adore ! Rien n’est jamais acquis dans cette série. A l’image des personnes possédées ou juste dérangées par les esprits, chacun peu cacher quelque chose ou être influencée et cacher son vrai visage. C’est fascinant.

Série d’action et de mysticisme, série ésotérique et psychologique, The night beyond the tricornered window fascine et porte de mieux en mieux son titre tant on se demande ce qui se cache derrière les noirs pans de l’âme de chacun qu’on peut entrapercevoir par la fenêtre qu’ils nous offrent. Ce mélange de pouvoirs parapsy, de réflexions sur soi et relations compliquées avec les autres est hyper savoureux. Avec un héros qui est de moins en moins passif, l’histoire n’en devient que plus complexe et fascinante. Un régal !

Tome 5

Dernier tome concluant la première partie de la série symbolisée par ces couvertures en triangle, il fut aussi singulier que l’histoire qu’il raconte, déstabilisant et percutant à la fois.

Après plusieurs mois sans être revenue dans l’univers de la série, j’ai d’abord eu un peu de mal à y replonger car il faut dire que la narration (ou la traduction ?) de Tomoko Yamashita est assez particulière ici, de même que les histoires fantastiques plantées dans notre monde réel qu’elle nous conte. C’est sombre et à la fois apathique. Etrange.

Le tome s’ouvre par une série de chapitres indépendants mettant en scène tour à tour le duo Mikado-Hiyakawa, puis Erika et l’inspecteur Hanzawa. A chaque fois, on se retrouve dans de drôles de moments, de drôles d’affaires, rappelant les pouvoirs occultes ou le rapport à l’occultisme de chacun, mais c’est un espèce de statu quo qui se dégage et les histoires semblent un brin anecdotiques. Ainsi Mikado et Hiyakawa affronte un malédiction qui se propage d’un être à l’autre dans la rue pour observer d’un air et sourire bizarre la victime, ou encore les retrouve-t-on à une soirée rencontre pour découvrir le fantôme infiltré dans l’assistance. Quant à Hanzawa, il va aider une femme, fil de criminel, rongée par la culpabilité et il va aussi confronter Erika à ses crimes, ce qui va la bouleverser, elle qui croyait être anonyme.

Des chapitres courts et un peu anecdotiques. Mais ce n’est pas ce qui compte, car ce qui se dégage ici, c’est à la fois l’envie de l’autrice de nous parler des problèmes de sociabilisations d’Hiyakawa qu’elle va expliquer ensuite longuement et avec brio dans la seconde partie de ce tome, mais aussi de travailler la notion de foi et croyance, qui ouvre une brèche chez chacun pour les malédictions lancées par des gens comme Erika. L’autrice questionne aussi sur le rapport de notre société à la culpabilité, à la victime et au coupable. Elle le fait finement, sans manichéisme, avec de réelles réflexions sur l’intériorité de chacun et sans parti pris. C’est excellent !

Et c’est ce qui conduit à la dernière partie de ce volume, celle qui lui donne toute sa mesure : le récit de l’enfance d’Hiyakawa au sein d’une secte ! Hiyakawa est un personnage singulier depuis qu’on l’a rencontré et on pouvait croire que c’était juste une volonté de l’autrice ne reposant pas sur grand-chose d’autre qu’une copie des figures célèbres d’associaux comme Sherlock Holmes. En fait, pas du tout ! L’autrice révèle ici la source de ses troubles et c’est brillant ! Avec une froideur presque clinique, elle décortique le mécanisme d’enfermement vécu par un enfant qui aurait vécu dans une secte et connu uniquement cela. Entre privations, utilisations dévoyées de ses capacités et enfermement, comment aurait-il pu développer les mêmes capacités sociales que nous ? Je suis restée scotchée devant ces chapitres !

Nouveau chapitre de l’histoire, la révélation du passé et de l’identité d’Hiyakawa est menée brillamment pour le confronter à cette Erika qui continue à prendre tant de place par ses malédictions. Dans cet univers fantastique gore moderne, l’autrice fait passer des messages forts sur la formation des jeunes esprits, les sectes, les notions de croyances mais aussi de culpabilité et de victimisation. Juste brillant !

Tome 6

Quand les petites histoires fantico-glauques du début commencent à laisser entrapercevoir une puissante histoire sur les sectes et les dévoiements d’enfants. Brillant !

Je me suis délectée de ce nouveau qui, avec le précédent, forme un moment charnière dans l’histoire, celui qui fait basculer celle-ci de ces chapitres indépendants, presque anecdotiques où les héros « jouaient » avec leurs pouvoir, à des moments beaucoup plus nerveux et sérieux à la portée bien plus forte. L’autrice fait ça l’air de rien avec une narration toujours aussi riche et foisonnante où ses héros parlent beaucoup. Elle mixe cela avec de nouvelles affaires d’exorcismes qui peuvent sembler n’être rien mais qui en disent long. Et ainsi on avance vers une voie bien plus intense et importante.

Les révélations sur le passé d’Hiyakawa étaient essentielles, tout comme le sont les développements autour d’Erika dans ce tome. L’autrice nous confronte à deux figures pas faciles à aimer mais en pleines rédemptions, deux enfants ou anciens enfants qui ont été bousillés par leur entourage qui a cherché à les utiliser. J’ai beaucoup aimé la mise en scène assez théâtrale de l’autrice pour réunir tout le monde et venir faire tomber les masques de chacun. Il y a de l’intensité du côté d’Erika, de l’humour pour alléger cette horreur chez Hiyakawa, mais cela reste très impactant !

J’ai été surprise de voir arriver cette alliance entre les deux clans que je pensais être ceux qui s’opposeraient jusqu’au bout mais j’ai adoré cela. On creuse ainsi ce qui est arrivé à Erika, pourquoi ou plutôt pour qui elle lance des malédictions, en quoi celles-ci consistent pour elle, les impacts également sur son psyché et ses relations. Cette pauvre enfant a vu sa confiance en elle détruite par la trahison de ses parents et la façon dont les adultes l’utilisent. L’autrice met cela superbement en exergue dans un moment d’exorcisme d’une rare intensité qui en dit long sur les désirs de la demoiselle. C’était magnifique !

Le tome propose ainsi une très belle évolution de ce personnage, antagoniste dans un premier temps, victime et alliée désormais. On y voit enfin plus clair dans tout ça. Il y a d’un côté nos médiums et la police, enfin Hanzawa, et de l’autre l’ancienne secte d’Hiyakawa : la Paume Illuminée et son Professeur qui manipule Erika et son garde du corps. L’objectif sera donc de sauver cette dernière et de dénoncer leurs activités.

Le repentance est déjà en marche fonctionne très bien grâce à une mise en scène intérieur et fantastique grandiose chez l’autrice. Elle glace le sang d’effroi quand elle plonge dans les pouvoirs de chacun, personnifiant leurs troubles dans les attaques qu’ils commettent mais aussi dans les soins qu’ils opèrent car rien n’est blanc ou noir, rien n’est simple ici. Le rapport au fantastique, à la malédiction et à la mort est très puissant, très sensible et différent selon le personnage mis en scène. J’adore cette ambiance !

Après Entre les lignes qui est un coup de coeur, Tomoko Yamashita reproduit peu à peu ceci dans ce Boys Love qui semble au début être une suite d’enquêtes ésotériques mais qui se présente comme une dénonciation de la maltraitance des enfants et des troubles sectaires. Fascinant, intense et émouvant, ce tome charnière où les camps s’effacent et où les buts s’affinent touche en plein coeur !

Tome 7

Avec ce nouveau tome, nous continuons d’entrer dans le coeur de la série mais d’une façon fort singulière qui perturbe et dérange jusqu’à ce que le mouvement final vienne tout éclairer vaillamment !

Je me suis d’abord laissé porter par l’ambiance de ce tome qui repartait dans ces petites histoires fantastiques qui en ont fait tout le charme au début mais je trouvais ça presque dommage au vu des dernières avancées. Puis, j’ai commencé à voir où voulait nous emmener l’autrice. Insidieusement elle glisse dans chacune des affaires des héros des éléments visant à approfondir soit la quête d’identité d’Hiyakawa, soit la lutte contre cette secte menée par ce fameux Professeur dont personne ne se rappelle jamais, et tout prend sens alors !

J’ai beaucoup aimé la façon dont elle nous pénètre ainsi peu à peu au détour d’une histoire qui semble n’avoir rien à voir et comment elle nous fait ainsi comprendre comment fonctionne cette secte. En plus, la mise en scène du fantastique chez Tomoko Yamashita a vraiment quelque chose de dérangeant car il touche profondément à notre quotidien et notre intimité. Elle dépeint un monde bien déprimant où la société attaque sans cesse les individus qui sont bien mis à mal. Mais heureusement elle contrebalance à la fois par des figures de héros du quotidien qui donnent de l’espoir, mais également par des relations basées sur les rencontres et non le sang qui permettent de voir une porte de sortie et un soutien.

C’est pourquoi même si le cheminement est rude, même si la lecture n’est pas facile, je prends vraiment plaisir à suivre cette série. Et dans ce tome, la figure du gourou est particulièrement bien travaillée même s’il faut parvenir à s’extraire un peu des scènes pour cela, mais ça offre un final poisseux et explosif qui remet pas mal de choses à plat et offre une ouverture pour la suite si on sait s’en saisir. Je croise les doigts pour tout le monde !

Avec une nouvelle direction prise depuis quelques tomes, l’autrice nous entraîne dans les coulisses d’une secte occulte et frappe toujours aussi fort. Alors non la lecture n’est pas facile, elle est parfois étrange, voire brouillonne et on se demande où elle veut en venir. Mais les indices semés amènent à des réflexions fortes et angoissantes sur notre société, notre rapport à l’autre et à la famille, ainsi qu’à nos peurs, qui doivent questionner.

Tome 8

Cette série est décidément totalement étrange et improbable et ce même à 2 tomes de la fin ! Tomoko Yamashita nous balade avec brio dans son univers fantastico-polar sur fond de secte et de rejet de la solitude, mais il faut parfois s’accrocher.

S’accrocher je n’en ai pas eu besoin au début. Pour une fois, le scénario me semblait limpide. Nous avions afin un rassemblement des fils de l’intrigue vers un but commun transposé ici par la quête d’indépendance douloureusement gagnée d’Erika. Émotion et mort se mélangent ici dans un résultat morbide un peu glauque, mais qui heureusement s’éclaire par le sacrifice de la mère. C’est toujours la mère… J’ai été frappée par la violence de ce qu’elle vit et cette métaphore de l’enfant battu ou maltraité qui lutte pour sortir de son environnement toxique.

S’accrocher fut ensuite plus difficile car en nouant l’intrigue d’Erika et la secte où ses parents l’ont impliquée, avec les traumas d’Hiyakawa, l’autrice nous emmène loin très loin et souvent sans transition. Elle précipite ainsi son histoire dans quelque chose de totalement absurde où les pouvoirs d’Hiyakawa se mêle à son besoin d’être reconnu par quelqu’un et de compter à ses yeux comme individu et non comme objet de puissance. Pour en arriver là, l’autrice s’est bien triturée les méninges et nous propose un envoi de Mikado dans les limbes, avec discussions philo à la clé avec un esprit, puis combat métaphorique à nouveau dans la réalité entre Hiyakawa et son remplaçant qui se traduit par une scène terrible où Mikado à nouveau en prend plein la tête. Je ne suis pas sûre d’avoir tout saisi…

Je retiendrai donc de ce tome la belle mise en lumière d’Erika et sa mère, avec la façon dont cette dernière aide sa fille à sortir de cette situation toxique en faisant ce qu’elle peut pour se protéger également elle-même. C’est bien moins simpliste que bien des propositions ailleurs. Je retiendrai aussi le plaisir de voir l’intrigue se resserrer et les personnages tous se rejoindre dans un même combat. Enfin, je retiendrai la détresse émotionnelle d’un Hiyakawa qui a toujours semblé tellement loin de tout ça, indifférent à tout, alors qu’il n’est qu’une boule de mal être à cause des traumas de son enfance. Poignant !

The night beyong the tricornered window est vraiment le polar fantastique surprise de cette année pour moi. Il a pris en quelque tome une toute autre dimension et au lieu de traiter les petites histoires de tout un chacun, il se concentre avec brio sur les traumatismes de ses héros, sublimant le titre. C’est étrange, souvent dérangeant, parfois difficile à comprendre, mais toujours remuant et bouleversant. Je suis curieuse de lire les deux prochains et derniers tomes.

Tome 9

Avec son air nébuleux à ne pas y toucher, The night beyond the tricornered window arrive cependant petit à petit dans ses chapitres finaux et commence à éclaircir lentement son propos. Ce n’est pas simple.

Jouant plus la carte de l’émotion que de la compréhension, Tomoko Yamashita nous offre un tome assez étrange, qui se lit en apnée, celle qu’on a quand on est pris par l’action et qu’on doit sauver quelqu’un. Le personnage à sauver, c’est celui par qui l’histoire a commencé et il est prisonnier de celui qui est derrière tout cela. Si avec ça la boucle n’est pas bouclée !

Le lecteur se retrouve donc plongé dans une narration à nouveau lente et entêtante où il ne comprend pas forcément mais saisit suffisamment de bribes pour avancer lui aussi dans ce marasme fantastique. L’ensemble des protagonistes ayant des pouvoirs parapsy se retrouve ainsi à avancer comme englué dans le sable pour approcher peu à peu du lieu où tout se jouera, et il use de ses pouvoirs pour se faire. C’est lent, difficile mais prenant. Le tempo choisit par l’autrice est cependant des plus étranges et correspond bien finalement au mal être de chacun exprimé pour ces pouvoirs qui semble le matérialiser. C’est très psychologique.

D’ailleurs les révélations et rebondissements de ce tome reposent aussi sur cet aspect-là, que ce soit les victoires sur les ombres, la découverte de l’identité du grand méchant et ses liens avec nos héros, ou les fragilités d’Hiyakawa. Alors c’est peut-être moins vendeur, moins accessible que les premiers tomes mais c’est tout aussi prenant et profond.

Avec ces destinées dramatiques qui s’emballent et explorent leurs psychés, Tomoko Yamashita nous offre une aventure para-psychique des plus étrange et profonde où on prend plaisir à aller sauver ces héros en perdition avec des détenteurs de pouvoirs qui commencent à surmonter leurs traumas. Une oeuvre étrange où il faut vraiment prendre du recul et qui pousse à la réflexion.

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12 commentaires sur “The Night Beyond the Tricornered Window de Tomoko Yamashita

  1. Coucou ^^ The Night Beyond the Tricornered Window (j’ai réussi à écorcher le nom tellement de fois que maintenant il est gravé en moi XD) est un vrai coup de cœur ! Je me retrouve pas mal dans ce que tu dis et c’est impressionnant de voir comment l’histoire se déroule et comment l’autrice réussit à nous rendre accro. Ce qui m’a saisie c’est le découpage des cases et aussi leur manière de délivrer plusieurs messages à la fois pour certaines. Taifu a bien fait de sortir les deux premiers tomes en même temps car le second explore vraiment plus la façade sombre du récit. Et les questions sans réponse ne font qu’accroitre !

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    1. Le titre est tellement pas facile à dire aussi… 😂
      Je suis ravie de voir qu’on se rejoint. J’espère vraiment que les gens auront la curiosité de le lire. Ce serait bien que les libraires cassent un peu les codes et classent pour genre, car je suis sûre qu’en sachant que c’est une thriller et pas juste un BL, il aurait son public.
      Quant aux compo graphiques, tu as raison et c’est l’une des forces de l’autrice que j’adore aussi sur Entre les lignes ☺️

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      1. Oui XD

        Je l’espère aussi et ce n’est pas faute d’avoir fait un certain forçage de mon côté haha. L’aspect BL complète à merveille le côté thriller/surnaturel et crée davantage d’effroi je trouve.

        Il a toutes les qualités pour plaire à un large public je trouve, notamment parce que l’ambiance n’est pas sans rappeler celle que l’on trouve dans d’autres séries. Tu as cité Clamp et j’ai eu cette même impression ^^

        Par contre, lors du lancement, il me semble qu’il n’a pas été disponible tout de suite en librairie, à part à Japan Expo (j’en suis pas sûre) et le rythme de parution semble un peu chaotique (sûrement dû à la situation actuelle mais ça n’aide pas) ^^; On n’a pas fini de faire du forcing je crois XD

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      2. Je te rejoins, sur le côté BL qui apporte un vrai plus à la lecture. Mais j’ai toujours la crainte que ça bloque des achats et si je prends l’exemple d’une de mes librairies, ils ont mis les BL dans un tout petit coin où presque personne ne va, ce qui invisibilise totalement le titre T.T
        Après, c’est vrai que le planning de Taifu et consort n’est pas des plus simples à suivre et ça ne va pas aider. Mais il serait dommage de passer à côté.
        Alors continuons à faire le forcing et à le conseiller 😀

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  2. la couverture de ce manga avait attiré mon attention, maintenant que j’ai lu ton avis j’ai très envie de le lire 🙂 et hop un livre de plus dans la wishlist ! c’est dangereux de trainer par ici

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