Livres - Mangas / Manhwa / Manhua

Entre nos mains de Battan

Titre : Entre nos mains

Auteur : Battan

Traduction : Blanche Delaborde

Éditeur vf : Akata (L)

Année de parution vf :  2023

Nombre de tomes vf : 3 (série terminée)

Résumé : Dans « Entre nos mains », découvrez le destin de deux femmes qui se retrouvent, dix ans après s’être aimées au lycée. Entre pression sociale, peur de l’engagement et survie, succombez sans attendre au charme du dessin unique de Battan, une mangaka dont on n’a pas fini de parler
Makimura n’a jamais pu oublier Midori, la fille qu’elle aimait au lycée. Aujourd’hui étudiante, sur le point de terminer ses études, elle reste prisonnière de cette relation du passé. Mais quand Midori surgit par hasard dans le cabinet d’ophtalmologie où elle travaille, la jeune femme veut croire à un coup du destin. Mais la vie prend parfois des détours compliqués, et devenue adulte, Midori est-elle prête à enfin s’engager ouvertement aux yeux de tous ?

Mon avis :

Tome 1

Au vu du catalogue de l’éditeur et des premiers retours positifs sur le titre, je pensais me régaler avec Entre nos mains. C’est pourtant non pas l’inverse qui s’est produit, mais une lecture un peu mitigée que j’ai vécu, la faute à un sentiment de déjà vu au détriment du titre en cours… A force de vouloir parler des mêmes thèmes, l’éditeur ne perd-il pas en force ? Voici une question à creuser.

Akata est un éditeur sociétal. Il aime aborder des questions actuelles et parler notamment de la place de la femme, des relations de couple et des LGBTQ+. Cependant, il commence à le faire dans beaucoup de titres, ce qui fait naître une certaine redondance. Dans Entre nos mains, l’autrice : Battan, évoque la relation contrariée entre deux femmes dont l’une est en couple. C’est aussi le cas de Si nous étions adultes. Battan évoque aussi le sujet des relations toxiques, c’était cas dans En proie au silence. Et malheureusement pour le titre en cours, ses aînés l’ont fait avec bien plus de force. Je suis donc restée sur ma faim…

L’autrice connue depuis plus d’une dizaine d’années dans le milieu du fanzinat où elle est très active, voit ici avec ce titre sa première oeuvre publiée de manière longue et régulière afin de devenir une série. Akata voyant en elle une nouvelle voix moderne du shojo l’a donc très vite publiée et a également l’intention de nous proposer prochainement sa dernière série en date : Jalouses, Entre nos mains s’étant terminée avec 4 tomes. La mangaka a un style très reconnaissable qui lui permet de sortir un peu du lot même si je retrouve en elle la même rondeur et la même douceur que chez Takako Shimura (Si nous étions adultes), ainsi que le même style de découpage aérien et rythmé. J’aime ce genre d’expérience.

L’histoire partait aussi avec de belles intentions. L’autrice nous conte avec mélancolie les retrouvailles entre deux anciennes amies et amoureuses du lycée qui se sont quittées à la fin de celui-ci, notamment à cause de la pression sociale faisant dire aux femmes, qu’à 20 ans, il est temps d’être en couple avec un homme et de penser à former une famille. Le portrait fait de cette société, qui sans rien dire, impose une telle norme est saisissant, ça fait froid dans le dos pour cette jeunesse qui se met un carcan toute seule. Leurs retrouvailles sont donc sous le signe de la nostalgie surtout que l’une d’elle, Makimura, qui est désormais doctorante, n’a jamais pu oublier la seconde, Midori, qui est patronne d’une entreprise d’export d’affaires de mode. Sauf que leurs retrouvailles ne se passent pas comme prévues.

J’ai aimé les thématiques, nombreuses, défendues par l’autrice. Cela m’a plu qu’elle parle du poids de cette société, du jugement qu’on porte sur les femmes célibataires, sur les non diplômés. Le portrait qu’elle fait de Makimura qui n’arrive pas à assumer son homosexualité au quotidien alors que dans son coeur c’est fait, est poignant. J’ai également beaucoup aimé le portrait terrible qu’elle fait du compagnon et futur mari de Midori, ce masculiniste qui ne s’assume pas et renvoie avec tellement de force ses complexes d’infériorité sur sa compagne qu’il la rabaisse sans cesse. Il est horrible ! Et cela ne s’arrête pas à des mots, cela ne s’arrête pas à la sphère privée. L’autrice décrit très bien cela en étant sans concession et sans excuse pour lui, ce qu’Akane Torikai avait eu du mal à faire en revanche dans En proie au silence envers la pourriture qu’elle avait croquée. Ça, c’est une réussite.

Là où la série ne fonctionne pas avec moi, c’est malheureusement dans la relation romantique entre Makimura et Midori, ou pour être plus juste avec le personnage de Midori. Si je trouve que les horreurs qu’elle vit au quotidien avec son compagnon sont très bien rendues, je ne parviens tout de même pas à apprécier celle-ci. Elle a tout des caractéristiques qui m’agacent chez certaines personnes, désolée. Je n’aime pas quand on a ce côté évaporé, gentil et naïf, terriblement indécis. Ça me donne l’impression d’un personnage flottant et sans caractère. Je sais que l’autrice lui a donné un passé assez triste avec cette enfance où ses parents étaient absents pour elle mais ça n’explique pas tout. Bref, je la trouve plutôt horripilante et du coup, je trouve la romance bien fade et artificielle. Je ne dis pas cela en m’appuyant sur des éléments concrets, l’autrice faisant tout pour développer l’histoire des deux jeunes femmes, mais juste par rapport à mon ressenti personnel. Donc leur romance plaira certainement à d’autres lecteurs mais en ce qui me concerne, c’est un échec total. Je suis totalement passée à côté…

J’aurais donc voulu aimer autant que d’autres lecteurs dont j’ai vu passer les avis. Mais si mon esprit aime les thématiques écrites et dénoncées, mon coeur lui s’ennuie et ne palpite pas face à la romance annoncée et promise. Impossible de réconcilier les deux tant l’une des héroïnes me sort par les yeux. Dur dur… La série ressemblant en plus énormément dans ses propositions à d’autres titres d’Akata, j’en viens à m’interroger sur la pertinence de le sortir, surtout si proche les uns des autres. N’aurait-il pas mieux valu proposer quelque chose plus différent ? Ou l’éditeur a-t-il été obligé pour pouvoir ensuite sortir sa série actuelle Jalouses qui a l’air plus percutante et différente ? Mystère. Pour ma part, il va falloir que la suite se muscle pour que je poursuive jusqu’au bout.

> N’hésitez pas à lire aussi l’avis de : Les voyages de Ly, Vous ?

Tome 2

Voilà une série qui continue de me mettre à mal. Ma tête a envie d’aimer, l’histoire terriblement compliquée et triste de ces deux femmes qui se sont autrefois aimées et se retrouvent, mais mon coeur, lui, n’y arrive pas complètement… Voyons pourquoi.

Même en étant totalement sous le charme des compositions très lumineuses et porteuses de sens de Battan, dont le découpage me rappelle ces autres de josei dans la veine de Mari Okazaki (Complément affectif, And) ou Shino Torino (Autour d’elles), je bloque totalement sur le dessin de l’une de ses héroïnes : Midori. Celle-ci porte un masque en permanence à cause de ses choix de vie qu’elle n’assume plus vraiment maintenant qu’elle a retrouvé son amour de lycée, tandis qu’elle est enceinte de son conjoint. Mais ce masque au sourire permanent m’agace profondément et m’empêche d’avoir de la sympathie pour elle. Je n’y arrive pas et ça me gâche même un peu ma lecture…

Pourtant les thèmes évoqués sont fort intéressants. Il y est question du statut des relations homosexuelles et ici saphiques au sein de la société japonaise. On parle aussi de violences conjugales ordinaires avec un homme qui ne se rend pas compte de l’impact de ses gestes et paroles. On évoque aussi les secondes chances, les retrouvailles et les sentiments qui ressurgissent. L’autrice met ainsi en scène une relation adultère dans toute sa complexité.

Battan écrit cela de main de maître avec une légèreté trompeuse où on suit des héroïnes heureuses de se retrouver et de revivre des sentiments qu’elles pensaient oubliés, passés. Cette vraiment est adorable à voir mais un malaise ne nous quitte pas en même temps car on sait que c’est en quelque sorte une relation moralement interdite, l’une d’elle étant en couple et attendant un enfant d’un autre. On ne peut donc totalement se réjouir pour elles, du moins je ne peux pas. Pourtant la mise en scène pousse à voir ceci de manière lumineuse à l’aide d’effets scintillants qui cherchent à nous mettre des papillons dans le ventre et c’est vrai que c’est beau !

Il y a une certaine naïveté dans le propos de la mangaka derrière cette volonté pourtant de mettre en scène des personnages adultes. Elle montre ainsi que même adulte, on garde toujours notre âme d’enfant mais également nos sentiments, nos craintes, nos insécurités. Être adulte, ce n’est pas être fort et elle le montre très bien. Dans ce tome, nos héroïnes sont un peu dans une fuite en avant pour se cacher de ce quotidien qui ne leur correspond pas et dont elles ne savent comment se débarrasser. Elles vont ainsi à la rencontre d’une jeune amie, lycéenne, sur une petite île qui les coupe de tout et on se rend compte en les voyant que c’est presque comme si elles avaient le même âge car les contraintes, les peurs, sont les mêmes, notamment pour Makimura qui vit encore chez ses parents. S’il n’y avait le conjoint et le futur bébé de Midori, il n’y aurait pas de différence, c’est dire !

Cela m’amène au point noir que j’ai trouvé dans ce tome. J’ai eu l’impression en suivant la relation Midori-Makimura de retrouver les mêmes tropes clichés et agaçants des autrices mettant en scène des relations hétéro-normées avec un dominant – un dominé. Les mécanismes régissant leur équilibre relationnel à toutes deux est identiques et je n’aime pas ça, ce n’est pas ma conception du couple équilibré, qui partage et s’équilibre l’un l’autre. En même temps, on n’est pas vraiment face à un couple au final, les filles n’assumant pas leur relation, ne leur donnant pas de nom, ne cherchant pas vraiment à sortir de la situation ambiguë où elles sont. Leur amie, Komari, est peut-être même plus courageuses qu’elles, cherchant elle, malgré sa jeunesse, à se montrer honnête là elles n’y arrivent pas de leur côté, coincées dans les conventions de ce qu’on attend des adultes.

C’est ce qui m’amène à dire qu’il y a une belle complexité et une belle finesse dans cette série mettant en scène la relation adultère de Midori et Makimura, deux anciennes amoureuses que la vie a éloigné et qui trouvent toujours des obstacles sur leur chemin même après leurs retrouvailles et les années passées. J’espère donc vraiment que le masque de Midori qui m’agace tant va finir par voler en éclat et que Makimura, dont la fadeur me pèse, va se réveiller, pour que je puisse pleinement apprécier le beau travail de l’autrice sur l’âge adulte et la place de l’homosexualité dans la société japonaise, car ça, elle le fait très bien !

Tome 3 – Fin

Je questionnais au début de cette publication l’intérêt de sortir un titre aussi similaire qu’un autre du catalogue de l’éditeur. C’est dans la précipitation de ce dernier volume que m’est apparu son intérêt par rapport à son jumeau Si nous étions adultes.

Tandis que thèmes et dessins se faisaient extrêmement similaires au fil des chapitres, c’est l’apparition de cet homme-mari violent qui vient s’ajouter aux moments complexes vécus par les jeunes héroïnes de cette histoire, qui a permis de lui donner sa propre teinte. En effet, jusqu’à présent, un récit sur des jeunes femmes déjà prises se rendant compte de leur homosexualité et vivant tout de même quelque chose malgré les difficultés que ça peut occasionner, on a eu. Le profil d’un mari violent qui est toxique envers sa femme avant même le premier coup, non, on ne l’avait pas eu dans ce contexte. C’était donc nouveau.

Le problème, c’est que le manque de pages restantes à l’autrice vient gâcher tout ce développement. La série devant vite se conclure, Battan précipite tout et comme cela ne semblait pas être prévu, forcément cela se sent dans le rythme de l’histoire assez lente jusque là et cela donne un sentiment de bâclage dommageable. Le trope de la femme battue, c’est quelque chose qui m’intéresse et qu’on ne voit que trop peu en manga, c’est donc vraiment dommage que cela ait été écourté, car une fois de plus l’homme « s’en tire » à moindre frais malgré ce qu’il a pu faire, alors qu’une vraie étude du phénomène serait très intéressante et pertinente à l’heure où il y a tant de féminicides sur notre territoire et ailleurs.

Mais l’autrice préfère se concentrer sur la beauté du geste. Quel geste ? Celui de la quête d’émancipation de Midori, cette femme qui a toujours été bridée dans ses sentiments et se découvre à l’âge adulte le pouvoir de faire ce qu’elle veut si elle le décide. J’ai aimé ce souffle de fraîcheur qu’elle fait sentir sur toutes les pages où elle prend son envol. Cela a rendu le dessin de Battan rayonnant et entraînant, permettant de terminer cette lecture sur une jolie note positive, mais c’est à peu près tout ce que je garde malheureusement.

Car il faut bien reconnaître que la narration pêche énormément et que les dessins manquent de personnalité, empruntant bien trop à Takako Shimura (Si nous étions adultes) qui a plus de bouteille qu’elle. Ainsi l’autrice ne développe pas la question de la grossesse de Midori qui aurait été bien intéressante. Elle ne donne pas réellement d’incarnation à Makimura qui reste juste la compagne, celle qui déclenche cette envie de renouveau. Elle prend également des passages éculés pour faire avancer son récit, comme leur séjour dans les sources thermales et la rencontre avec un personnage déclencheur, sans parler de la méchante rivale qui n’a rien compris. Bref, j’ai connu mieux question écriture.

Je suis donc à la fois déçue de la brièveté de cette série et déçue de la façon dont elle a été menée. Je ne suis pas convaincue que l’autrice aurait fait mieux, même avec plus de pages. Je la trouve encore jeune, encore à se chercher, avec des sujets à raconter mais pas encore assez l’assise pour le faire. Je la suivrai quand même avec curiosité sur sa nouvelle série disponible chez nous : Jalouses, juste trouvable en numérique pour le moment mais prochainement en tomes reliés.

 

4 commentaires sur “Entre nos mains de Battan

  1. Ton avis est très intéressant, je n’ai pas encore commencé la série mais ça ne saurais tarder.
    J’ai aussi parfois cette crainte que Akata ne se mette à tourner en ronds à force de vouloir mettre en avant des thématiques semblables. Pour l’instant, je n’ai pas l’impression que cela soit un problème et j’espère que cela ne va pas le devenir

    Aimé par 1 personne

    1. J’attends donc ton retour avec curiosité pour voir s’il fait écho au mien ou pas.
      J’aimerais bien que l’éditeur se renouvelle, aille voir un peu ailleurs. Il y a encore tant de titres à faire découvrir dans le shojo/josei ou les titres juste écrits par des femmes.

      Aimé par 1 personne

      1. Je l’ai commandé en librairie je vais bientôt pouvoir faire un retour^^
        Je te rejoins, Akata a beau beaucoup contribué à la représentation des autrices en France, leur ligne éditoriale participe un peu au manque de diversité (moins que d’autres éditeurs mais bon)

        Aimé par 1 personne

Laisser un commentaire