Livres - Mangas / Manhwa / Manhua

Designs de Daisuke Igarashi

 

Titre : Designs

Auteur : Daisuke Igarashi

Traduction : Yukari Maeda et Patrick Honnoré

Éditeur vf : Noeve Grafx

Années de parution vf :  2023-2024

Nombre de tomes vf : 3 / 5 (série en cours)

Résumé : Et si la science était parvenue à hybrider humains et animaux ? C’est le cas des “Humanized Animals”, dont les gènes sont maintenant une affaire de design, voué à leur octroyer des capacités spécifiques. Utilisés à des fins discutables, créés dans un but mystérieux, les HA pourraient-ils faire partie d’un vaste plan influençant le futur de l’humanité toute entière ?

Mon avis :

Tome 1

Passionnant, fascinant, dérangeant ! Voilà direct les trois mots qui me viennent pour résumer le retour de Daisuke Igarashi avec le puissant Designs, fable scientifique et futuriste qui envoûte dès les premières pages. 

L’auteur fut connu chez nous il y a quelques années pour ses titres aux ambiances un peu mystiques : Sorcières, Les Enfants de la mer, SaruIl revient en force cette année avec une réédition chez Delcourt-Tonkam (on change d’éditeur au passage) de son succès porté au cinéma :   Les Enfants de la meret donc cette nouvelle série en 5 tomes chez Noeve.

Celle-ci indique la couleur dès la couverture, ce sera perturbant et percutant. Nous voilà propulsé dans un monde futuriste où une organisation s’amuse à créer des êtres mi-hommes mi-animaux pour en faire des machines de guerre. Mais de guerre contre qui et à quel prix ? 

Sans filet, Igarashi nous entraîne dans cet univers singulier où l’on suit ces sortes de prototypes vivants lors d’expérimentations en situations réelles dans lesquelles leurs adversaires ne sont pas prévenus. Pour l’instant, les tenants et aboutissants sont très flous mais cela participe à l’aura très mystérieuse de la série, ce qui la rend fascinante à suivre. 

Les créatures et les missions sont variées. On suit une grenouille et des panthères modifiées en pleine jungle. On croise un banc de dauphins sur une base militaire. Et l’une de ses créatures perd le contrôle et s’échappe du labo pour attaquer en pleine ville. Le lecteur est totalement happé par ce qu’il se passe. Il se retrouve fasciné et mal à l’aise face à la description de ces avancées scientifiques qui ont conduit à ces créatures. Il en voit et en apprend même plus que ce qu’il désirerait savoir parfois, avec des scènes très dures à la fois moralement et visuellement. L’auteur frappe fort pour un premier tome. 

Le dessin d’Igarashi est d’ailleurs saisissant. On y retrouve sa touche mystique si immersive et presque onirique où réalité et rêve se confondent. Ses planches fascinent par leur richesse et leur profondeur avec cette multitudes de traits parallèles qui en font sa marque de fabrique. Le design des créatures est fascinant et dérangeant à la fois. Il suffit de voir celles en couverture et encore en action c’est encore plus déstabilisant. Mais l’auteur ne s’arrête pas là, ses inventions sont multiples et participent à cette fascination malsaine qu’on ressent. 

Thématiques de Hard SF autour de la recherche scientifique et l’amélioration des individus et des armes, enfants de la guerre, colonies spatiales, clan dirigeant mystérieux, scientifiques fous ! La série fait le plein des ingrédients pour accrocher et scotcher le lecteur. Ajoutez un zeste de mysticisme, d’aura malsaine et des dessins fascinants et vous aussi vous serez saisi par cette lecture addictive qui passionne et met mal à l’aise tout à la fois. Quelle introduction efficace !

Tome 2

J‘aime les SF organiques et celle de Design me fascine complètement mais j’ai aussi besoin d’une ligne directrice un semblant claire dans le récit et ici le flou fut assez dur à percer.

J’avais frôlé le coup de coeur lors de ma lecture du tome 1 de Designs avec cette ambiance de SF militaire sur fond de créatures imaginées par manipulations génétiques et étant un mélange d’humains et d’animaux. J’attendais donc avec impatience de les retrouver.

Grâce à une narration percutante et remplie de mystères, l’auteur m’a à nouveau happée dans son univers, pour m’emmener toujours plus loin dans les méandres de la société à l’origine de cette expérience et de ces créatures étranges qui nous interpellent.

J’ai aimé retrouver le discours critique d’Igarashi sur l’évolution de la science et ses dérives. Il fait ainsi s’affronter des créatures sous la coupe de leur créateur et d’autres s’en étant échappées. Il nous emmène à la rencontre d’un jeune savant fou effrayant qui se place dans une continuité familiale de fascination pour le « progrès ». Il nous fait également croiser de potentiels investisseurs cherchant à comprendre ce que ça cache. Et il y a toujours cette organisation qui s’est infiltrée par bien des moyens et qui cherche également à en apprendre plus.

Les mystères sont partout : de l’origine de ces créatures, en passant par leur but final ainsi que celui de leurs opposants. Les mystères touchent aussi bien les hommes et femmes, créatures, que le processus scientifique engagé. Cependant à vouloir faire plein de mystères, on se retrouve avec une intrigue assez obscure dont on peine à percer les enjeux et le but. J’ai eu l’impression de suivre plusieurs tableaux en me laissant totalement porter mais en restant dans le flou complet. C’est assez déstabilisant et surtout très glissant car cela peut facilement avoir un effet « pétard mouillé » au final.

Heureusement que la mise en scène et les dessins crayonnés très vifs d’Igarashi me fascinent. J’adore la façon dont il pose ainsi cette ambiance inquiétante et dérangeante. Les combats dans lesquels il s’engage sont tranchants et organiques. Les designs qu’il imagine des H.A (créatures mi-humaines, mi-animales) sont plein d’imagination et proches des mythes et légendes. On se retrouve scotché devant l’ensemble.

Série toujours aussi fascinante mais un peu plus obscure dans ce tome. Elle nous plonge au coeur d’un projet eugénique fou où ce n’est pas tant l’homme qui est modifié que l’animal porté au sommet de ce qu’il pourrait être par un diable de savant fou. Fascinant et dérangeant, il interroge sur notre rapport à la science et au progrès. Qu’entend-t-on par là ? Que souhaite-t-on ? Où est la morale ?

Tome 3

OMG, ce tome ! Déjà dans la situation actuelle, nous sommes entourés de violence mais ici Daisuke Igarashi décrit et critique cela avec une implacabilité froide qui ne peut que percuter et perturber le lecteur !

Avec sa dystopie où ça y est, on expérimente sur les êtres humains et les animaux pour créer de nouvelles armes d’un autre niveau, il frappait déjà fort depuis les débuts de la série. Mais ici, dans ce tome, en nous collant aux basques d’un de ces guerriers d’un nouveau genre en pleine mission en Afrique, il passe au niveau supérieur et c’est effrayant de réalisme malheureusement ! J’aurais cependant aimé quelques avertissements qui je crois sont nécessaires ici au vu de la violence.

C’est donc un des Dauphins que nous suivons, ce groupe d’humain-animaux génétiquement modifiés qui peuvent communiquer par la pensée et qui sont envoyés dans une mission de guérilla en Afrique. Celui que nous suivons, Kihi, dégoupille complètement lors de la mission. C’est parfaitement mis en scène par un auteur qui ne nous épargne rien. Nous suivons aussi bien les tourments de cet être de chair et de sang si différent et pas tellement de nous, qui ne comprend pas la violence aveugle et folle dont on est capable, et il a bien raison. Très attaché à la figure maternelle, Kihi n’a de cesse de tomber sur des femmes malmenées par la violence des hommes et lui, il ne l’accepte pas.

J’ai beaucoup aimé suivre ce personnage étrange témoin et révélateur de notre folle société où des hommes massacrent des hommes sous des prétextes de pureté ethnique, où d’autres utilisent des enfants comme armes, etc. C’est dur, c’est violent, c’est effrayant. Il y a plusieurs scènes qui m’ont retourné l’estomac, énormément d’autres qui m’ont mise en colère et révoltée. C’était très dur comme tome. Heureusement, il y a aussi chez Igarashi cette capacité à nous subjuguer par la relation qu’il établit entre nous, ses personnages et la nature, et ici dans la faune africaine, c’est sublime, ancestral et presque cardinal.

J’ai ainsi oscillé au cours de cette lecture entre dégoût, frémissement et horreur, et moments plus doux, contemplatifs, où je me perdais dans cette nature cette dangereuse mais moins nocive pour l’homme, qui est lui son prédateur au final. J’ai adoré en cela les développements philosophiques de l’auteur et je suis fascinée par sa manière de conter cette histoire futuriste de fabrication d’armes évoluées humaines et animales à la fois. C’est perturbant mais extrêmement riche et les petites scènes qu’on a, qui viennent entrecouper le fil de l’histoire de Kihi, qui relate ce que pensent et font les dirigeants de cette institution sont aussi glaçantes que prometteuses du point de vue de l’intrigue à venir.

Conteur hors paire, Igarashi nous mène dans un univers sombre et violent qui ne peut que faire écho à ce qui se joue en ce moment dans le Proche-Orient. C’est avec force et un imaginaire puissant qu’il dénonce ainsi les horreurs et absurdités des guerres sous toutes leurs formes à travers cette fois le regard d’un enfant innocent qui ne pense qu’à sa mère absente. C’est violent, c’est révoltant mais c’est nécessaire.

Ce diaporama nécessite JavaScript.

6 commentaires sur “Designs de Daisuke Igarashi

  1. Je reconnais que la couverture m’avait assez rebutée pour que je ne cherche pas à en savoir plus alors qu’après lecture de ton avis, le manga pourrait me plaire. Je trouve cette idée d’hybride animaux/humains aussi fascinante que malsaine et horrible, un contraste qui semble se retrouver dans le manga même. Merci pour cet avis qui me rappelle de ne pas (toujours) me fier à la couverture d’un livre !

    Aimé par 1 personne

Laisser un commentaire