Livres - Fantasy / Fantastique

La Maison aux pattes de poulet de GennaRose Nethercott

Titre : La Maison aux pattes de poulet

Auteur : GennaRose Nethercott

Traduction : Anne-Sylvie Homassel

Éditeur : Albin Michel Imaginaire

Année de parution : 2024

Nombre de pages : 520

Histoire : Séparés depuis l’enfance, Bellatine et Isaac Yaga pensaient ne jamais se revoir. Mais lorsque tous deux apprennent qu’ils vont hériter de leur grand-mère ukrainienne, frère et sœur acceptent de se rencontrer. Ils découvrent alors que leur legs n’est ni une propriété ni de l’argent, mais quelque chose de bien étrange : une maison intelligente juchée sur des pattes de poulet.
Arrivée de Kyiv, foyer ancestral de la famille Yaga, l’isba est traquée par une entité maléfique : Ombrelongue, qui ne reculera devant aucun acte de violence pour détruire l’héritage de Baba Yaga.

Mon avis :

Avec en signature une couverture d’Anouck Faure qui m’a chamboulée l’an dernier avec son roman la Cité Diaphane, La maison aux pattes de poulet ne pouvait que m’interpeler. En effet, elle comporte tout ce que j’aime : une ambiance de conte, un côté inquiétant et rassurant à la fois et surtout plein de détail qui appellent à être significatif. Le pigeon, pardon le lecteur, est ferré !

Avec l’imagination digne de la poétesse qu’elle est, et qui a fondé le Traveling Poetry Emporium pour louer ses services avec une équipe de poètes, GennaRose Nethercott nous offre un récit à la croisée des genres, qui bien que comportant de nombreuses longueurs, offre aussi un message puissant dans un écrin original, qui parlera à tous les amateurs de contes.

La maison aux pattes de poulet est en effet un texte fortement inspiré du folklore russe et plus particulièrement des Juifs de Russie, qui rappellera le travail de Katherine Arden pour populariser leurs mythes et légendes. Laissant de côtés les petits esprits et autres démons, elle s’attaque plutôt à la figure de Baba Yaga, célèbre sorcière à la maison telle que décrite dans le titre. Nous suivons ici les descendants de celle-ci avec leurs singuliers pouvoirs tandis qu’une sombre menace les poursuit alors qu’ils viennent d’hériter de la maison ancestrale. Avec un récit mélangeant dénonciation de l’antisémitisme et des violences faites aux Juifs, dénonciation de l’effacement et la réécriture de l’Histoire, ambiance de saltimbanques et de voleurs, quête de soi et touche LGBT, on peut dire que l’autrice touche à plein de genre et tisse un patchwork qui se révélera des plus étranges mais chaleureux.

Avec une narration assez chargée, l’autrice faisant gonfler et gonfler son intrigue au fil des chapitres, sans toujours que cela ait un intérêt pour l’ensemble, elle nous embarque tout de même dans une aventure riche et trépidante où je me suis plu à voyager entre les différents lieux et temporalités afin de rassembler les pans de ce patchwork et d’imaginer la couverture que cela allait donner. Elle use pour cela d’une astuce vieille comme le monde : deux frère et soeur séparés qui se retrouvent dans l’adversité et dont les différences vont devenir un atout pour s’en sortir. Avec sa fragilité et ses peurs, je me suis rapidement attachée à Bellatine d’ailleurs. Elle fut avec la Maison (LE grand personnage de l’histoire) et Baba Yaga, mon moteur pour avancer dans cette histoire, tant j’ai peiné malheureusement avec son frère Isaac que je n’ai jamais trouvé sympathique mais dont le talent d’imitation m’a fascinée. Récit à plusieurs voix, ce roman fut aussi une aventure à plusieurs niveaux et les personnages ont parfaitement représenté cela.

Il fut assez simple de suivre leurs multiples aventures, notamment dans cette Amérique contemporaine parfaitement capturée par l’autrice dans son essence grâce à une plume très « terroir américain » avec ses grands espaces, ces voies ferrées, son racisme et sa violence âpre, qui faisait très Steinbeck. Mais également dans cette Russie passée où les violences contre les Juifs montent et montent, rappelant bien trop notre propre actualité, tout proportion gardée bien sûr. Elle mélange avec aisance les codes du conte et les codes du roman de société. Que ses narrateurs soient les jeunes Yaga ou la maison, on a à chaque fois envie de découvrir la suite et surtout de comprendre les enjeux de ce conte moderne étrange où un saltimbanque peut prendre l’apparence des gens qu’il observe, où une ébéniste pour littéralement donner vie à des marionnettes ou des cadavres, tandis qu’ils voyagent à l’intérieur d’une maison à pattes de poulet et fuit un mystérieux serial killer surnommé Ombrelongue.

J’ai parfaitement saisi et aimé les messages transmis par l’autrice, qui certes manquent parfois un peu de finesse, mais sont nécessaires pour dénoncer l’engrenage dans lequel peuvent tomber des populations contre d’autres qui leur servent alors de bouc-émissaire. La bascule est très bien décrite même si couvert de conte à l’ancienne, on a parfaitement senti le drame de ce moment. En revanche, j’ai trouvé l’aventure fort longue pour ce qu’elle avait à raconter et ce n’est pas le développement des personnages qui nécessitait cela, ni le message à transmettre. On pourrait facilement couper et se débarrasser de plusieurs bouts de l’aventure sans que ça gêne énormément, notamment du côté d’Isaac, dont le périple passé est assez peu intéressant au vu de l’impact dans le présent. J’ai trouvé le cheminement intérieur de sa soeur bien plus intéressant et j’ai eu le sentiment qu’on lui accordait malheureusement moins de place. Dommage. Effectivement, celle-ci représente à nouveau, femme oblige j’ai envie de dire, la figure de la « sorcière » et elle a été rejetée pour cela par sa famille, ce qui est assez tragique. Cela aurait été intéressant de le développer plus qu’à demi-mots, car c’est un héritage essentiel ici.

Aventure à la fois très américaine et très slave, cette revisite d’actualité du conte Baba Yaga nous emmène dans le sombre univers poétique, dénonciateur, de son autrice, qui met son art de la plume au service d’un propos fort. Si je n’ai pas été entièrement convaincue par sa narration et certains choix scénaristiques, son message lui sur les minorités, l’écriture et le rôle de l’histoire m’a énormément plu. J’ai donc très envie de découvrir son autre texte à paraître en vo cette année : Fifty Beasts to Break Your Heart and Other Stories.

(Merci à Albin Michel Imaginaire pour cette revisite d’un conte de mon enfance)

>> N’hésitez pas à lire aussi les avis de : FeyGirl, Just A Word, FeydRautha, Fantasy à la carte, Gromovar, Le parfum des mots, Vous ?

25 commentaires sur “La Maison aux pattes de poulet de GennaRose Nethercott

  1. Même si le tout manque peut-être parfois de fil conducteur, je t’avoue qu’entre ses inspirations et ses messages ainsi que ton avis, je me note ce titre pour l’hiver prochain si je suis en recherche de lectures nordiques.

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  2. Je l’avais ajouté à ma wish list lors de l’annonce de sa sortie adorant le mythe de la baba Yaga et même s’il y a des passages pas indispensables, l’ambiance conte et le patchwork proposé par l’autrice me tente bien, d’autant que le roman ne semble pas dépourvu de messages !

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    1. Oh, je suis curieuse de voir de quel roman tu parles.
      Clairement je pense que ce texte-ci à de quoi plaire à un public bien large tant il peut parler aussi bien aux fans de fantastique, de conte mais aussi de littérature américaine. J’espère que tu te laisseras tenter un jour 😉

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    1. Haha alors que moi, j’aime les pavés, j’ai toujours l’impression que comme ça, j’aurai plein d’aventures à vivre ^^
      Mais je peux comprendre que ça fasse peur, surtout qu’il y a bien quelques longueurs ici.
      Si jamais plus tard tu le croises en bibliothèque, ce sera peut-être l’occasion d’essayer 😉
      Belle fin de dimanche à toi ^-^

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      1. justement, quand j’emprunte en bib, j’essaye de ne pas prendre des livres trop épais pour avoir le temps de le finir à la date de retour. mais bon, peut etre qu’un jour je serai déraisonnable ou que j’aurai du temps suffisamment devant moi? passe un bon dimanche et à bientôt!

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  3. Malgré quelques potentielles réserves, j’ai très (très très) envie de découvrir ce roman. Il faut dire que je suis une lectrice-pigeonne bien ferrée avec cette couverture et l’atmosphère globale qui semble ce dégager de « La maison aux pattes de poulet » 😊

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