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Lost Children de Tomomi Sumiyama

Titre : Lost Children

Auteur : Tomomi Sumiyama

Éditeur vf : Ki-Oon (Seinen)

Années de parution vf : 2018-2023

Nombre de tomes vf : 10 (série terminée)

Histoire : Ran, spécialiste de l’arme blanche, est un soldat embarqué dans un groupe de rebelles. Dans une société régie par un système de castes, les Gathiya sont voués à une vie de misère. Ils placent leurs espoirs de changement dans l’armée révolutionnaire à laquelle appartient le jeune garçon. Mais lui rêve d’autre chose : retrouver Yuri, son frère de cœur, sa seule famille…
Loin des combats qui rythment le quotidien de Ran, Yuri mène une vie de recueillement dans un village sacré caché au cœur de la jungle. Mais il est lui aussi confronté à la violence des hommes qui s’entre-déchirent dans des luttes de pouvoir. Dans toute cette folie, il ne peut oublier l’existence de son ami.
Ils sont nés dans des milieux opposés, et rien n’aurait dû les rapprocher. Pourtant, le destin a créé entre eux un lien plus fort que tout… avant de les séparer dans de cruelles circonstances. Sans le savoir, ils sont au cœur d’une révolution qui bouleversera tout un royaume !

Mes avis :

Tome 1

Découverte lors de la sortie des premières pages dans le mag de Ki-Oon, j’avais trouvé la série intéressante mais je n’avais pas une envie énorme non plus de me jeter dessus. Il a fallu l’avis plus qu’enthousiaste des Voyages de Ly pour finalement me lancer et ce n’est pas plus mal parce que le tome 2 ne devrait pas tarder à arriver comme ça ^^

Lost Children est un titre assez surprenant qui se déroule dans une Asie imaginaire, dans un pays à feu et à sang à cause d’une Révolution de ses plus basses castes contre l’élite. On est donc plongés dans une ambiance rappelant les Printemps arabes mais aussi les guerres de décolonisation, le tout sur fond de conflit religieux également. Cela donne un mélange assez complexe mais surtout rude et violent.

Ce premier tome est une introduction à cet univers et surtout aux deux héros qui nous permettront de le découvrir. On suit ainsi, le rebelle, Ran, dans le premier chapitre, celui qui est entré dans la résistance et se bat pour la liberté et l’égalité. Dans le deuxième chapitre, on fait la connaissance de Yuri, son cadet, un jeune garçon rudement marqué par les conflits qui vit dans une société religieuse étrange au sein d’une épaisse forêt. Enfin, le dernier chapitre revient sur leur rencontre et les jours d’avant. Rien, donc, pour le moment ne nous laisse deviner véritablement vers quoi va tendre la série à part une probable réunion entre les deux au milieu de ce combat pour l’égalité des individus.

Je reste par contre un peu sur ma faim concernant justement les personnages que je trouve assez fades et caricaturaux pour le moment. Je jubile juste de trouver les femmes bien plus charismatiques que les hommes dans ce titre pour le moment, que ce soit la mère de Yuri, sa copine dans la forêt, ou la chef de Ran, qui est d’ailleurs magnifique avec ses tatouages/peintures de guerre.

L’autrice pour cela alterne moments posés et situations tendues et nerveuses. Son trait assez rond est pourtant très incisif. J’aime beaucoup la façon dont elle retranscrit en images les différents peuples, castes, clans avec leurs codes culturels, vestimentaires, religieux. Les planches sont riches et détaillées avec des décors assez réalistes les remplissant bien comme dans tout bon seinen. Les explications à la fin sur les influences de l’autrice et son processus créatifs sont les bienvenus.

Pour un premier manga publié, c’est une belle réussite qui s’étale sous nos yeux avec ce titre politique vraiment d’actualité.

Tome 2

L’autrice nous avait laissé avec un premier tome très sombre et très politisé où révolution et pouvoir religieux se mélangeaient. Dans cette suite, on revient sur la genèse de l’histoire en découvrant le passé commun des deux héros : Ran et Yuri, et par leur biais la personnalité des deux femmes fortes en couverture : Mame Lelyssa et la mère de Yuri. La première est une femme politique de premier ordre, et la seconde une femme magnifique, tellement forte et généreuse. Ça fait plaisir de voir deux personnages féminins de cet acabit en couverture (et non dénudées lol) !

J’ai beaucoup aimé ce nouveau tome qui sous prétexte d’une ambiance moins lourde et plus porteuse d’espoir, nous assène tout de même par moment de terribles déconvenues car la violence du monde réel n’est jamais bien loin. On découvre ainsi combien la peur de l’autre et les préjugés peuvent conduire à une violence froide, gratuite et sans concession. Les meilleures intentions sont aussi malheureusement sources de graves répercussions pour les gens bienveillants dans ce milieu tellement hiérarchisé et délétère. L’ambiance s’alourdit donc à nouveau au fil des pages pour aboutir à un final révolutionnaire qui sonne comme un coup de tonnerre.

Ce deuxième tome, assez différent du premier, était nécessaire pour comprendre un peu l’origine de cette haine envers les Gathiya (cf, les propos de Dame Lelyssa), mais aussi pour voir s’épanouir la relation entre les deux héros et comprendre un peu mieux leurs motivations respectives dans le présent. J’attends maintenant le tome 3 de pieds fermes.

Tome 3

Dans la lignée du précédent, ce tome revient sur le passé de Ran et Yuri pour nous ramener aux premiers instants de l’histoire et comprendre comment ils ont été pris dans ce mouvement de foule et cette panique qui avait saisi tout le monde.

L’univers dépeint par Tomomi Sumiyama est toujours aussi cruel. On continue à voir les ravages de sa discrimination et de la ségrégation poussés à leur extrême avec un régime qui se veut pour le peuple mais qui est en fait contre le peuple. L’autrice montre comment une religion d’Etat peut être source d’un véritable endoctrinement poussant aux pires extrémités.

C’est donc sous le signe de la tragédie que se place ce tome où l’on assiste impuissants au bouleversement de la vie de nos héros et en particulier du jeune Yuri. C’est poignant de voir ce petit bonhomme, rejeté de part et d’autre, perdre ses attaches une à une jusqu’à ce final tragique qui emporte tout.

J’ai beaucoup aimé le souffle épique et dramatique que j’ai ressenti dans ce tome et j’espère le recroiser par la suite. Je voudrais juste qu’on ne reste pas trop longtemps dans le passé et qu’on retourne un peu dans le présent parce que je suis un peu déçue de l’insertion classique de cette trame narrative.

Tome 4

Après un très bon début, cette série m’avait laissée un peu dubitative voire sur ma faim dans les tomes suivants, mais celui-ci m’a fait prendre un virage à 180°.

Tout d’abord, je l’ai trouvé étonnamment bien rythmé et bien narré, alternant parfaitement les chapitres consacrés à l’un ou l’autre des garçons ou aux deux ensemble. Ensuite, la mythologie du titre se met de plus en plus en place. On découvre comment ils ont été séparés et surtout comment chacun d’eux s’est fait embrigadé et c’est glaçant. On voit la mécanique qui est en jeu et qui appuie sur les failles de chacun. On découvre les lieux et les gens qui vont avoir une importance pour eux et les entraîner dans ces nouveaux mondes, que ce soit la guerre, la révolution pour l’un, ou la croyance, la religion pour l’autre. Dans les deux cas, on ressent une grande empathie pour la souffrance de ces personnages, à l’image de celle qu’on ressentirait de nos jours pour les enfants soldats ou les enfants victimes de la guerre en général. En cela, c’est vraiment de la très bonne fantasy – uchronie dont il me tarde vraiment de lire la suite !

Tome 5

Bien qu’elle ne paie pas de mine et que le titre sorte assez confidentiellement je trouve, quelle qualité dans cette série ! C’est fascinant de suivre l’embrigadement parallèle de deux jeunes garçons, l’un dans une religion, l’autre dans une guérilla, pour en faire un enfant-gourou et un enfant-soldat.

L’autrice continue à nous raconter le passé de ces deux héros, alternant les moments sur l’un et l’autre pour que nous comprenions ce qui les a menés à la situation dans laquelle ils étaient dans le tome 1. J’ai trouvé très triste dans les deux cas le leur effondrement dans ce tome. Le premier, Yuri, a été trop traumatisé par l’attaque de sa ville et tout ce qu’il y a perdu. Il ne veut plus se lier avec qui que ce soit et cherche à éloigner les autres tout en se murant dans le rôle de « gourou » que la communauté qui l’a accueilli semble lui offrir. Cette dernière est d’ailleurs glauque au possible. On découvre peu à peu tout ce qu’elle cache derrière ce cadre idyllique et ça fait froid dans le dos. Pour autant, je suis fascinée, fascinée par l’emprise qu’ils ont les uns sur les autres dans leur société terriblement hiérarchisée, et fascinée par la façon dont Yuri utilise ses « dons » pour s’y faire une place.

En parallèle, nous suivons donc le destin de Ran, un peu plus en retrait dans ce tome peut-être, qui peine à accepter la violence du groupe dans lequel il se retrouve. Il sait qu’il doit parfois lutter et tuer pour survivre mais ce n’est pas son désir premier. Cependant, il suffit d’un moment charnière pour tout changer : la perte de son père adoptif et la terrible révélation sur ses parents d’origine. J’ai eu vraiment mal pour lui et j’ai trouvé que l’autrice frappait fort ici.

Ainsi avec une construction lente et classique, la mangaka nous amène peu à peu à mieux cerner les personnalités des héros et la trajectoire qu’ils ont eu depuis leur rencontre. C’est dur, c’est violent, c’est dérangeant mais tellement puissant !

Tome 6

La série a définitivement pris son rythme de croisière comme le démontre ce 6e tome assez surprenant par ce qu’il révèle et met en scène.

Comme souvent dans la série, je me suis demandée qui figurait sur la couverture et quel serait le rôle de ces femmes dans l’histoire. Je n’avais pas reconnu les jeunes Tahn et Lelyssa, deux soeurs de mères différentes qui vont avoir un destin qui aurait très bien pu les éloigner mais qui va les rapprocher ici.

Dans ce nouveau tome, l’auteur nous propose de parachever la révolte menée par Tahn à Dakhna avec Ran. On découvre ainsi son passé et ce qui l’a amené à une telle destinée. C’est très classique mais ce n’est pas faible pour autant. Sur fond de racisme, de lutte de pouvoir et de génocide, nous nous retrouvons avec un récit très dense et compact qui a un lourd impact. J’ai beaucoup aimé cela. J’ai été frappée par son histoire, par les choix forts qu’elle a fait si jeune et encore après. L’auteur en allant droit à l’essentiel dans cette situation montre la maîtrise qu’il a de son récit et de son personnage.

Place donc à la révolution, un thème cher à Tomomi Sumiyama et qui est au coeur de sa série. Mais elle ne se contente pas de la mettre en scène, elle la théorise aussi et en présente plusieurs variante plus ou moins « bonne » moralement. On assiste ainsi à une révolution sur des bases racistes puis à une autre sur des bases vengeresse mais avec une volonté de libération. Pour autant, il y a toujours des victimes, ce que rappelle très bien la mangaka, notamment grâce à la rencontre avec un personnage partisan de la révolte pacifique, qui va peut-être changer la destinée de Ran, du moins je l’espère.

En parallèle de cet affrontement direct qu’on attendait entre Dakhna et Ishra Aram, en toute fin de tome, l’autrice n’oublie pas Yuri, vers qui l’histoire va probablement se tourner désormais. Serait-on dans un tournant de l’histoire qui amènerait à la fin prochaine de celle-ci ? Toujours est-il que l’amie la plus proche de Yuri découvre le terrible rôle qu’il joue en temps que kussuf, ce qui la bouleverse. Nous, lecteurs, nous découvrons le rôle trouble de la tribu avec l’exploitant d’une mine, qui n’est qu’un terrible camp de travail. Soit je n’ai pas de mémoire (et c’est possible), soit c’est un nouveau développement intéressant pour enfin complexifier et nourrir l’intrigue du village d’Alhuma qui restait bien mystérieux.

Avec le talent certain qui est le sien, l’autrice conclut avec force et terreur le pan de l’histoire consacrée à la révolution des Dakhna et de Ran. Ce fut un moment dur mais nécessaire, qui rappelle les pires moments de notre histoire. Mais ce n’est que pour mieux ouvrir l’intrigue consacrée à Yuri au village d’Alhuma vers lequel va se rendre Ran et son nouvel ami pacifiste. Je croise donc les doigts pour que cette histoire se termine mieux.

Pour ma part, je suis de plus en plus agréablement surprise par la qualité de ce récit qui se bonifie de tome en tome. Malgré une narration classique et plusieurs topos du genre, je prends vraiment plaisir à suivre les destinées des personnages, à écouter les valeurs qu’ils défendent et à les voir évoluer. Une excellente série de fantasy réaliste sous fond de racisme, génocide et de géopolitique.

Tome 7

Les volumes et les années passent et le titre de la série prend de plus en plus son sens. L’auteur m’a vraiment impressionnée dans la façon il relie tous les fils de l’intrigue lancés précédemment.

Comme depuis le début de la série, le récit oscille entre ce qui se passe dans les troupes de Dakhna avec Ran et dans la forêt mystérieuse de Yuri. Mais souvent, on ne voyait pas bien le lien entre les deux en dehors des deux jeunes garçons s’étant connus autrefois. Ce n’est plus la même chose ici. L’auteur commence à emprunter le chemin qui reliera à nouveau leur destinée.

J’ai été frappée par le développement de la mythologie autour du Kussuf des Alhuma. C’est sombre, froid, cruel et implacable. Alors quel bonheur de voir Harui et ses amis se rebeller contre cet état de fait archaïque. Il faut dire que le récit d’une des précédentes Kussuf qu’a connu Uro aide bien à se rendre compte de l’ampleur de l’horreur et de l’emprise de cette religion archaïque au sein de cette forêt coupée du monde. Nous avons tous les éléments pour un très beau drame qui ne manque pas de se jouer.

On pourrait croire que l’histoire s’arrêterait là quand on a basculé ensuite dans un récit tout aussi tendu mais encore plus rythmé lorsqu’on est retourné aux côtés de Ran et de Dakhna, mais en attaquant une base ennemie, ils font une terrible découverte : celle d’une drogue employée pour manipuler les foules. Dakhna et Ran vont alors enquêter pour comprendre qui fait ça, d’où ça vient, et cela va tout droit les mener à Yuri et aux Alhuma. La boucle est bouclée !

L’auteur fait preuve d’une belle science de la narration avec une première partie tendue mais mystique, avec de faire monter la pression pour une suite pleine de rythme qui avance au fur et à mesure des combats de Ran et ses alliés, ainsi que de leurs découvertes. Une fois de plus politique et religion se marient très bien pour un récit au cadre vraiment riche qui sonne juste.

Ça fait du bien d’y voir désormais des personnages devenus adultes. Les années ont passé pour chacun. Ran est devenu un vrai guerrier essentiel aux Dakhna et plus posé. Yuri, lui, semble plus coincé dans la posture qu’il a adopté et dont il ne veut pas sortir de peur de perdre encore des être chers. Il préfère garder sa figure de garçon sacrificiel. C’est dont Harui qui porte le récit de ce côté-là de l’intrigue et j’aime beaucoup la femme qu’elle est devenue, qui ressemble de plus en plus à la cheffe de Dakhna. L’auteur a tissé un beau groupe, certes restreint, de fidèles autour d’elle démontrant tout le charisme dont elle fait preuve. Le récit a beau avoir deux héros masculins, les personnages féminins sont aussi très très bien écrits.

Ainsi dans ce nouveau tome qui s’ouvrait sur un terrible drame, la révélation tant attendue est tombée pour enfin relier l’ensemble de l’histoire et former un tout cohérent. C’est le genre de moment que j’apprécie beaucoup dans une histoire, comme quand les nuages s’écartent de devant le soleil. L’histoire est cependant loin d’être terminée et ce n’est qu’un premier pas. Vers quoi, je me demande. Mais probablement une nouvelle révolution.

Tome 8

A chaque tome, la série s’affirme un peu plus comme excellente, complexe, riche et émouvante. Une très belle uchronie sur fond de junte militaire cherchant l’épuration ethnique, de groupe révolutionnaire voulant rétablir la paix et de pauvres bougres ballottés au milieu de cela.

Depuis le début les deux lignes scénaristiques de Ran et Yuri se suivaient en parallèle nous faisant découvrir deux pans très distincts de l’univers de Lost Children mais enfin l’autrice en est arrivée au point de pouvoir les faire se télescoper et cela donne une toute autre ampleur au récit. Éminemment complexe depuis le début, nous avions eu des clés de compréhension au fil des volumes mais ce n’est qu’ici que les mystères s’éclairent et que tout prend sens, et mon dieu que ça fait !

Nous découvrons enfin vraiment dans quel monde les héros évoluent et surtout quel est le plan du groupe militaire au pouvoir. Un classique dans les aventures politico-ethnique mais cela n’empêche pas un rude coup quand on y est confronté frontalement comme ici. Le plan de manipulation de la population en utilisant une drogue inspirée du culte d’un clan est un trope souvent utilisé mais toujours efficace, de même que celui de l’épuration d’un peuple comme l’avait fait les nazis. Tout y est pour nous glacer le sang.

Cependant, l’autrice pense à ses lecteurs et n’offre pas juste un monde très sombre, elle propose aussi un espoir, espoir porté par Ran. Ainsi de sa rencontre avec le peuple ayant recueilli Yuri, il gagne une compréhension plus fine de la situation et surtout de nouveaux alliés, pour, avec ses collègues révolutionnaires, tenter de contrecarrer cela. Entre mission d’information, mission d’espionnage, révélation sur les mécanismes régissant la région d’Alhuma, le lecteur ne s’ennuie pas une seconde dans ce tome riche en révélation.

Pour autant, l’autrice n’oublie pas ses personnages derrière cette vaste fresque. Avec beaucoup de sensibilité, elle nous fait connaître la rage de Ran mélangée à ce grand désir de liberté qui serre le coeur vue la situation. Elle nous montre aussi une belle évolution d’Harui, la cheffe du village qui a de plus en plus une stature de femme forte comme on aimerait en voire plus et pas seulement dans le camp des révolutionnaires. Puis nous croisons également avec tristesse le jeune Yuri qui a l’air tellement résigné, tout comme les hommes du village qui ont été embrigadés pour travailler dans le camp de l’armée, et on espère fort fort que la fougue de nos révolutionnaires saura les toucher, les réveiller et leur donner espoir.

Entre noirceur et rayon de lumière, ce huitième tome de Lost Children amorce une phase clé de l’histoire, celle du voile qui se lève et de la révolte qui s’intensifie. Tout y est insidieux, caché, mais les mystères n’en sont plus et la connaissance et la compréhension de ce qui se passe vraiment ravage, tout comme elle interpelle et donne espoir pour une révolution efficace pour renverser cela. On a hâte de voir ces militaires défaits !

Tome 9

Depuis le début, je salue le travail de Tomomi Sumiyama sur cette oeuvre de politique x religion fiction. Elle atteint l’un de ses climax ici avec une mise sous tension à couper le souffle grâce à une attaque en règle générale ultra dense et rythmée !

Ayant percé le secret des Alhuma, le lecteur se doutait de ce qui allait leur advenir. Le jonction ainsi entre leur religion, les expériences menée par l’armée d’Etat et la révolte menée par le groupe rebelle Dakhna ne pouvait qu’avoir lieu très rapidement. C’est le cas ici et c’est explosif.

Alors que le danger est imminent, l’autrice montre les mécanismes de défense de l’ensemble des camps : l’attaque inconsidérée pour l’un, la folie religieuse pour l’autre et la défense à tout prix de ce qui compte pour nous pour les autres. Cela donne un tome poignant où la violence aveugle déchire les regards aussi bien que les corps.

La mise en scène de l’autrice est assez spectaculaire. Elle dessine cette guérilla, non urbaine, mais en plein paysage naturel de manière saisissante. On s’y croirait presque. Elle alterne entre beaux moments héroïques portés par des figures clés de l’histoire et moments sales, violents et bordéliques où tout explose, tout se déchire, tout tombe. C’est la mort qui est là.

Et tout ça pour quoi ? La vacuité de ce qui se passe nous apparaît également lors de rares moments de confrontation entre ceux qui ont une foi aveugle, en la religion, en la science, en l’Etat ou en leurs proches même, et se voient abandonnés. Le message est rude. L’espoir existe cependant dans cette résistance organisée au début avec trois bouts de ficelle mais qui finit par porter ses fruits grâce à un courage indéniable. Ainsi une figure comme Harui est transfigurée ici et Ran montre tout son potentiel. Ce sont de vrais leader, pas forcément beaux mais douloureux, douloureux dans leur façon unique, chacun, de mener leurs hommes et leur combat.

Avec ce tome centré sur une guerre inévitable, l’autrice continue de nous montrer l’absurdité de certains mouvements initiés par les hommes, cette impossibilité de retour en arrière quand on est allé aussi loin dans la volonté de détruire l’autre. C’est puissant, c’est actuel et ça fait froid dans le dos. Mais c’est aussi un très beau moment de BD car la mise en scène de l’autrice est vraiment impactante et quand on découvre ses illustrations bonus, en prime, à la fin, on rêve de la voir également utiliser de la couleur autre que le noir & blanc. Nul doute que le résultat serait tout aussi entêtant. Une oeuvre discrète mais pourtant très puissante.

Tome 10 – Fin

Enthousiasmée depuis le début par cette série, ce n’est pas sans émotion que je l’ai refermée grâce à une autrice qui a su offrir un très belle fable âpre et réaliste avec une touche d’espoir quand même sur notre monde encore et toujours en guerre.

Pour être tout à fait honnête, quand j’ai vu la pagination de ce dernier tome, j’ai d’abord eu un peu peur. Même pas 150 pages pour conclure, ça me paraissait un peu juste. Les premiers chapitres me donnaient raison en plus avec un rythme un peu trop heurté et précipité pour moi qui, même s’il correspondait à l’ambiance de chaos ambiant de l’histoire, me semblait surtout rempli de raccourcis. Puis, je me suis laissée prendre par l’émotion et j’ai été très touchée par ce final.

Depuis le début, l’autrice nous dépeint la guerre avec réalisme, en nous mettant dans la peau de ces enfants soldats, enfants prophètes. Le monde que Tomomi Sumiyama a imaginé est à la fois proche de nous et terriblement glaçant également avec cette guerre ethnique qui ne peut que faire écho avec ce qui se passe en ce moment dans le monde. Ce fut donc une histoire assez rude et âpre à lire. Elle ne nous épargne pas non plus dans ce dernier tome où l’on voit les ravages que ce conflit peut faire sur une zone préservée.

Mais le coeur de l’histoire tient peut-être plus à cette relation unique qui unit Yuri et Ran. Et si la première partie, la guerre, fut racontée un peu trop rapidement, le seconde, celle mettant en scène nos deux jeunes amis, elle, apporta l’émotion nécessaire pour tout emporter. Leurs retrouvailles furent vraiment poignantes et traduisirent à merveille tous les ravages qu’un tel conflit peut faire sur de jeunes esprits. Yuri a toujours vécu avec la culpabilité de la mort de ses parents dont il n’est pourtant en rien responsable. Quant à Ran, il a vécu avec le poids, la responsabilité, de retrouver cet ami perdu. Aucun n’a jamais été libre dans sa tête. La fin du conflit leur apportera cette délivrance, ici, très joliment mise en scène avec une poésie âpre par la mangaka, à l’aide de planches vraiment saisissantes.

J’ai donc aimé voir cette lueur d’espoir après des moments si sombres et la description d’un après pas si simple pour autant puisque même si l’autrice passe assez vite dessus, elle nous montre que les braises d’un futur enflammement sont toujours là et que nos héros, chantres de paix, auront toujours maille à faire pour que la paix perdure. C’est très juste. Cependant, c’est plus le message d’espoir apporté par nos deux garçons que j’ai envie de retenir. Cette paix et cette liberté que chacun a fini par trouver, souvent tragiquement, mais qui leur permet de sortir de cet engrenage et de ne pas rester enfermé dans ce statut de victime de guerre. C’est très beau.

Lors des quelques pages finales, par son message, par la force de ses dessins et par son émotion, Tomomi Sumiyama m’a fait frôler le coup de coeur. J’ai rarement vu un manga, en dehors d’Eden d’Hiroki Endo et peut-être de Larme Ultime de Shin Takahashi, mettre aussi bien en scène les conséquences de la guerre sur les jeunes esprits. C’est peut-être rude, sombre, terrible et violent, mais c’est aussi beau, lumineux et plein d’espoir. J’ai été soufflée par l’émotion finale et je suis ravie que l’autrice, qui a fait ce projet original pour Ki-Oon, puisse être publiée également au Japon désormais. J’attends sa prochaine oeuvre avec curiosité et envie !

(Merci à Ki-Oon pour ces lectures)

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4 commentaires sur “Lost Children de Tomomi Sumiyama

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