Livres - Mangas / Manhwa / Manhua

La Danse du Soleil et de la Lune de Daruma Matsuura

Titre : La Danse du Soleil et de la Lune

Auteur : Daruma Matsuura

Traduction : Géraldine Oudin

Éditeur vf : Ki-Oon (seinen)

Années de parution vf : Depuis 2022

Nombre de tomes vf : 6 (en cours)

Histoire : Pour un samouraï, l’honneur est plus important que tout. Konosuke aspire à vivre selon les valeurs de sa caste, mais un secret honteux l’en empêche : le métal se tord à proximité de sa peau ! Impossible pour lui d’utiliser la moindre lame, hormis celle de son sabre en bois…
Avec un tel handicap, Konosuke ne peut prétendre à un travail digne de son rang. Pire, il est vu comme un lâche qui a peur de se battre dans les règles ! Seul et désargenté, il n’a plus qu’un désir : mourir honorablement par le sabre. Il provoque des pairs au combat, mais son pouvoir écarte leurs armes… Roué de coups et jeté dans une rivière, il glisse lentement vers la mort, quand il sent une étrange présence féminine…
Il se réveille chez lui, hagard et déboussolé. C’est alors qu’un vieil homme difforme frappe à sa porte et lui annonce qu’il est demandé en mariage par une jeune femme à la beauté ensorcelante ! Qui est-elle et pourquoi l’a-t-elle choisi, lui, le samouraï raté ?

Mon avis :

Tome 1

Ki-Oon frappe un grand coup en ce début d’année avec le retour de Dramu Matsuura, autrice de Kasane chez je retrouve plusieurs de mes obsessions réunies dans sa nouvelle série toujours en cours au Japon : La Danse du soleil et de la Lune.

Avec sa précédente oeuvre que l’éditeur publiait déjà, j’avais eu des débuts difficiles, un premier tome que j’avais d’abord abandonné avant d’y revenir sur les bons conseils d’une amie qui avait su voir plus loin et me conseiller. Elle avait totalement raison. Ici, pas besoin de conseil, j’ai été soufflée dès les premières pages.

En effet, l’art de la mise en scène que Daruma Matsuura a affûté tout au long des 14 tomes de Kasane, elle en fait usage dès les toutes premières cases avec un découpage sobre et dramatique tout droit sorti des meilleures tragédies shakespearienne, ma référence ! Et la suite de ce premier tome n’est qu’une confirmation. J’ai rarement été aussi emballée par la narration d’un premier tome, en tout cas, pas depuis un moment avec les nouveautés que nous sortent les éditeurs.

Pourquoi ai-je tant aimé ? Parce que la mangaka propose un mélange détonnant entre Japon d’autrefois avec ses codes autour du port du sabre et de l’honneur, comme dans les séries historiques que j’affectionne tant (L’Habitant de l’infini, Le chef de Nobunaga ou encore le Pavillon des hommes) et questions intimes et actuelles sur le fait de vivre dans une société qui peine à nous correspondre quand on est différent. Comme dans les oeuvres que j’ai citées, on ressent ici les mêmes vibrations autour d’un Japon des samouraïs en fin de règne, sur le point de disparaître ou en tout cas ayant la nécessité d’évoluer, et j’ai adoré cela. On ressent aussi, comme dans sa précédente oeuvre, Kasane, le même malaise face à une société si peu inclusive et la même colère bouillonnante de celui vivant ces injustices et souhaitant s’en sortir. C’est magique !

Tout cela est conté de main de maître pour une autrice pénétrante qui met en scène un héros qui a tout du looser au début, tant il fait sale et négligé. C’est l’image même du pauvre type sans emploi comme on pourrait, à tort, se la faire même actuellement. Puis, une rencontre brutale et inattendue va le pousser à évoluer : celle d’une femme mystérieuse qui va vouloir l’épouser. C’est un rebondissement un peu grossier mais l’autrice le fait rapidement oublier face aux enjeux qu’elle introduit autour des codes de la vie du samouraï, du port du sabre, de la vie de couple et des mystères de cette jeune femme. Mélangeant tout du long scènes d’un quotidien d’autrefois daté avec questionnements actuels sur la différence, elle surprend. Et quand en plus vient se mêler subrepticement une touche de fantastique sans qu’on s’y attente, c’est le jackpot !

J’ai vraiment adoré cette construction tellement efficace qui nous attrape dès le début pour ne plus nous lâcher, qui nous emmène de voies classiques vers d’autres plus inattendues, le tout dans un dessin vraiment superbe. J’avais eu des doutes lors de ma lecture de Kasane où les couvertures étaient souvent plus belles que le trait proposé à l’intérieur. Ici, ce n’est pas le cas, tout se tient, tout est de qualité égale. Si vous êtes subjugué par cette sublime mariée en couverture, vous le serez également par celle qui peuple les pages et happe le regard du lecteur par son aura mystérieuse. L’autrice maîtrise à merveille le décalage entre le look débraillé de son héros et celui plus évanescent de sa compagne. Elle sait aussi bien proposer un ton humoristique, qu’un ton sérieux, un décor historique, qu’un décor fantastique. Que dire de plus si ce n’est que j’ai été totalement conquise et que je n’ai pas vu la moindre brèche.

Alors, je remercie grandement Ki-Oon d’avoir sorti ce titre, de me l’avoir envoyé, et Billy Batmobile avec qui j’ai fait cette lecture commune, ce qui m’a poussée à me jeter encore plus rapidement dessus, car si j’avais aimé Kasane, la fin m’avait laissée mitigée et j’avais quelques appréhensions. Mais ici, nous sommes face à un début parfait pour moi. L’autrice concilie tout ce que j’aime : drame, poésie, mystère, fantastique et thématiques de société qui sont transposables à notre époque. Je suis totalement sous le charme et au vu des ultimes pages et de l’accélération de tempo choisi par Matsuura, je suis plus qu’impatiente de lire la suite. En fait, le seul bémol de la série : c’est qu’elle n’a que 3 tomes au Japon, on va donc rapidement la rattraper et l’attente va être longue…

(Merci à Ki-oon pour cette lecture et leur confiance)

(Cliquez sur l’image pour lire la Chronique de BillyBatmobile)

> N’hésitez pas à lire aussi les avis de : L’Apprenti Otaku, Les voyages de Ly, Enairolf, Vous ?

Tome 2

Après un premier tome ocup de coeur dont j’avais tout aimé de l’ambiance, à la composition des pages, à l’histoire tragique, j’attendais beaucoup de la suite. Celle-ci bien qu’étant un cran en-dessous, il faut l’avouer, fut tout de même une lecture surprenante car nous amenant dans les méandres de la vie des pauvres bougres japonais pendant l’époque des samouraïs.

Je dois commencer par les bémols. J’ai été surprise de ne pas recevoir la même claque graphique que lors du premier tome. J’ai trouvé l’autrice plus discrète, plus conventionnelle aussi dans son écriture graphique de l’histoire avec moins d’envolées lyriques dans ses compositions. Alors je vous arrête de suite, je ne dis pas que ce n’est pas beau, loin de là, j’aime toujours son style mais je n’ai pas trouvé les fulgurances, avec ces pages s’imprimant longtemps dans la rétine, qu’il y avait eu dans le premier tome.

On quitte également la dynamique installée dans le premier tome avec ce samouraï ne pouvant se servir du moindre métal et son épouse mystérieuse, esprit issu des légendes anciennes japonaises, pour se retrouver avec une histoire moins fantastique dans l’ensemble et plus concrète. Là où le premier tome nous faisait lentement basculer dans le fantastique, ce deuxième tome ne nous l’apporte que par quelques touches discrètes. C’est différent.

Enfin, on ne suit plus le couple, désormais séparé par le destin, mais plutôt chaque membre de son côté et encore assez chichement pour moi, car l’autrice a fait le choix d’introduire un nouveau personnage féminin : Aki, une voyante aveugle. Ce sera elle qu’on retiendra dans ce tome et c’est son histoire qui est mise en avant tout comme sa figure sur la couverture, en rouge. Avec elle, nous plongeons dans la vie plus réaliste des mendiants dans l’ancien temps au Japon, on voit les métiers de saltimbanques qu’ils pratiquent, on apprend comment fonctionnent ces prescripteurs de divinations dont on entend souvent parler. Tout comme cela avait été le cas dans le premier tome avec le héros, l’autrice s’attarde également longuement sur la vie de misère de toute une frange de la population et des drames auxquels cela peut les conduire. C’est poignant.

Cependant, il est légitime au bout d’un moment de se poser la question du lien entre ces différentes histoires car nous suivons Kinnosuke d’un côté, qui a oublié dans un premier temps la femme qu’il aimait, Tsuki de l’autre, sa femme qui a été enlevée on ne sait trop à quel dessein, et enfin la petite nouvelle Aki, prêtresse itinérante. Quel lien entre ces trois histoires ? C’est ce que va lentement et minutieusement mettre en place l’autrice au fil des chapitres, l’air de rien, de manière insidieuse mais tout à fait fascinante et dramatique, notamment dans les dernières pages.

Ainsi bien que différent du premier tome et de son huis clos, du premier tome et de son fantastique plus prégnant, ce deuxième tome passionne et fascine également. Il n’a pas la puissance graphique évocatrice du premier car il n’a pas sa puissance romantico-dramatique, cependant il développe l’univers de manière toujours aussi sombre et tragique, et avec beaucoup de finesse et d’astuce de la part de l’autrice pour nous garder captif de ce récit sensible, humain et mystérieux à la fois. Je reste conquise.

Tome 3

Première incursion de l’autrice dans la fiction historique et on sent à quel point cela la passionne et la fascine à chaque page. Elle nous transmet cela à merveille avec une intrigue puissante, poignante et parfaitement rythmée qui passionne également dans ce Japon des samouraïs et des miséreux.

Konosuke poursuit sa quête avec la prêtresse Aki qui l’a rejoint pour retrouver sa femme Tsuki qui a été enlevée. A leurs côtés, à chaque chapitre nous échappons à un danger, danger souvent puisé dans les récits historiques de ce Japon lointain. C’est extrêmement bien fait et raconté grâce au trait singulier de l’autrice et à son verbe puissant. Tout comme dans Kasane, sa précédente série, nous sommes dans quelque chose s’approchant du drame shakespearien qui bouleverse vraiment le lecteur.

Après la figure du ronin, puis celle de la prêtresse, c’est au tour de celle de la « sorcière » d’apparaître dans ce tome. L’autrice semble puiser dans le folklore humain de l’Histoire japonaise pour mettre en scène à chaque fois une figure historique populaire. Encore une fois, avec la femme aux insectes, nous sommes avec un personnage douloureusement plein de nuances. Pas de vraie méchante ni de gentille cachée, juste une femme meurtrie par la vie et les hommes qui l’ont entouré depuis toujours la transformant en cette caricature d’elle-même qui dévoie son « don ». Elle m’a attendrie et fascinée, me rappelant Kasane, justement, l’héroïne de sa précédente série éponyme. C’était tragique de suivre son destin.

Konnosuke continue d’évoluer, lui, aux côté d’Aki et à force de devoir se défendre, il en apprend plus sur son don. Bien qu’accidentellement, il découvre une nouvelle façon encore plus puissante et surtout bien plus utile d’en user. L’autrice met cela en scène avec une certaine maladresse touchante rappelant son héros. C’est heurté, c’est vif, c’est suppurant mais c’est bien là et ça lui permettra peut-être d’atteindre son but : retrouver sa femme. C’est fou comme toute la puissance de cet amour pourtant singulier, né de moments assez brefs, transpire de toutes les pages et démontre combien la solitude, quand elle est comblée, peut pousser au plus vif et profond des sentiments.

J’ai à nouveau beaucoup aimé retrouver le décor historique de cette série, enrichi à chaque tournant de chapitre pour une petite fiche explicative sur un type de personnage : domestiques des samouraïs, musiciennes aveugles, manzai, prêtresses itinérantes, ou sur un lieu, comme celui des exécutions où l’on est passé. L’autrice nous gâte associant ses recherches, la passion qu’elles ont fait naître en lui, et le besoin de les partager avec nous à travers son récit. Ainsi jusque dans son trait il rend hommage à cette ambiance des récits des samouraïs, des récits du Japon d’autrefois, avec ses décors pauvre et miséreux, avec ses personnages populaires et âpres, avec sa tragédie à tous les coins de pistes. Ça me touche énormément et m’immerge totalement dans l’histoire, tel un acteur de théâtre m’entraînant dans son univers.  Daruma Matsuura est vraiment un excellent conteur !

Avec toujours la même puissance graphique immersive et le même génie dans la composition de pages et éléments graphiques impactant, Daruma Matsuura conduit son récit tragique de mains de maître, faisant poursuivre de manière toujours aussi forte la quête de son héros. C’est lent, immersif et âpre, mais tellement beau et déchirant. Les rencontres que l’ont fait sont marquantes et pleines de nuances, nous faisant le portrait d’un Japon d’autrefois décidément rude, où la misère peut aussi bien faire succomber que transcender les hommes et femmes. Une superbe façon de raconter cette époque en y associant un conte tragique à la Shakespeare !

Tome 4

Quatrième tome, quatrième sans faute pour cette plongée dans le Japon ésotérique et populeux d’autrefois. C’est âpre, c’est doucement sombre et magiquement envoûtant. Que j’aime aller à la rencontre de ces laissés pour compte.

Dans cette saga, Daruma Matsuura nous invite à chaque à aller à la rencontre d’un nouvelle personne mal aimée ou mal dans sa peau à cause de sa différence. Comme le suggère la sublime couverture offerte encore ici à nos yeux, c’est vers Haretake, jeune maître de yin et de yang, que nous allons nous tourner. On pourrait se demander au début ce qu’il vient faire là dans notre histoire d’enlèvement à la Shakespeare où notre héros est à la poursuite des ravisseurs de sa belle. Tout fait sens justement car les liens s’établissent peu à peu entre ce jeune Haretake et ses pouvoirs et ceux de Tsuki qui pourrait les compléter.

J’ai beaucoup aimé ce flou des trames scénaristiques ici. On ne comprend pas bien au début comment chaque va s’agencer avec l’autre et puis tout prend sens au final. Chacune fait écho à l’autre en plus par son aspect dramatique et bouleversant, que ce soit Tsuki poussée dans les retranchements tragique de son pouvoir dont on découvre ici l’ampleur ; que ce soit Konosuke et la jeune prêtresse Aki qui vont se retrouver emportés par le pouvoir de voir l’avenir de cette dernière et sauvés de justesse par un mystérieux maître proche des Tengus ; ou justement Haretake dont on va découvrir le passé à travers le regard de ce mentor qui a assisté à sa transformation.

La thématique des pouvoirs qui dépassent leur utilisateur et les affectent dramatiquement est plus que jamais au coeur de l’histoire. On en apprend énormément sur le rôle central des maître du yin et du yang et leur surveillance et bienveillance envers les autres utilisateurs de pouvoirs qu’ils prennent sous leur aile. Ainsi tout se lie peu à peu. La tragique destinée du jeune Haretake semble peut-être être l’élément déclencheur de l’ensemble des événements qui ont eu lieu depuis le début de l’histoire. Son désir de protéger tous ces êtres dotés de pouvoirs et mal aimés par ceux qui n’en ont pas semble être le moteur des drames à venir. C’est poignant.

L’autrice met tragiquement en scène le dévoiement de pouvoirs d’abord prévus et utilisés pour faire le bien, qui vont se transformer en quelque chose de bien plus égoïste, conduisant à des drames lourds de conséquences. C’est très beau. Ça remue. Et sa façon de retranscrire cela dans un Japon d’autrefois avec une reconstitution fidèle des décors passés, des us et coutumes, des habitudes des populations, donne encore plus de corps à son histoire et rend celle-ci encore plus attachante et poignante pour moi. J’aime sa traduction d’une fresque historique en fresque humaine et ésotérique.

La danse du Soleil et de la Lune est une lecture qui sait me surprendre et m’émouvoir à chaque tome et où je retrouve avec bonheur les discours incisifs de l’autrice sur les gens différents qui se sentent rejetés et mal dans leur peau à cause de cela. C’est poignant. Et sublimé ici sous son trait plus historique, cela a encore plus de force ! Un très beau tome centré sur le destin déchirant et tragique d’Haretake.

Tome 5

A chaque tome, j’ai l’impression de faire une magnifique mais dramatique plongée dans le temps de cet ancien Japon et ses superstitions à travers la quête émouvante de ce samouraï sans sabre voulant à tout prix retrouver sa femme.

Dans un tome plus centré sur l’action que bien d’autres, l’autrice continue de nous charmer par les portraits âpres des gens marginaux qu’elle nous fait croiser. Tous ont des pouvoirs mais aucun ne semble heureux avec, ce sont plus des malédictions qui les tirent vers le bas où les ravagent. C’est bien triste. Mais de cette tristesse, elle tire une belle force pour rendre ce récit puissant, marquant et émouvant.

Cette fois, nous démarrons avec l’instigateur de toute cette histoire que l’on rencontre enfin et dont on nous dévoile le passé et le but : Haretake, jeune mystique issu d’une riche famille qui va vriller lorsqu’un esprit va s’installer dans son corps. Enfin grâce à cette rencontre, les tenants et les aboutissants de l’histoire s’éclairent et ça fait du bien. On prend plaisir à découvrir les prémices de sa destinée tragique magnifiquement dessinés par l’autrice qui sait y faire dans le manga en costume d’époque et les créatures folklorique comme ce tengu qui l’accompagne.

Mais ce tome est également le début de l’aventure pour Konosuke, lui, qui s’est vu enlever sa femme depuis le début mais n’a pas fait grand-chose jusqu’à présent. L’arrivée chez lui de Katsuma le tengu va lui apprendre enfin ce qu’il doit faire et nous allons le voir enfin bouger et partir à la recherche de sa femme, un mouvement nécessaire pour éviter que l’histoire continue à faire du surplace. Il n’y a rien de spectaculaire dans l’écriture choisit par Daruma Matsuura mais enfin elle bouge son héros et lui faire voir du pays aux côtés d’une fine équipe composée d’une petite aveugle et d’un enfant portant un masque de monstre, pas la plus fiable des équipes. D’ailleurs, il ne tombe pas là où il devrait tomber, bien sûr !

Cette quête d’Aki, la femme de Konosuke, va être l’un des moteurs de l’histoire, comme il l’est depuis le début, mais de manière plus active. Il n’en sera pas le seul, puisque demeure cette dynamique de rencontre d’esprits (et non de gueules) cassés. L’autrice nous fait faire le tour des marginaux du Japon d’autrefois et après la devineresse aveugle sur les routes, le jeune mystique de bonne famille, place au joueur invétéré qui voit le futur dans son oeil droit. Une nouvelle figure, un nouveau personnage, un nouveau destin et celui-ci semble aussi rude que les précédents. Tenroku semble détaché de tout. C’est la figure du parieur, tricheur, par excellence. On se demande jusque dans quelles profondeurs il va attirer le héros dont il menace à son tour la femme. Un peu répétitif mais toujours si savoureusement sombre.

Cette danse du soleil et de la lune n’en finit décidément pas et nous propose toujours un portrait plein de contrastes sur le Japon d’autrefois et ses personnages en marge de la société à cause de leurs particularités. Avec un fantastique savamment dosé, des compositions graphiques envoûtantes et des sentiments à fleur de peau, Daruma continue de nous proposer un voyage des plus âpres mais sensibles pour libérer ces âmes troublées.

Tome 6

Couverture sublime, histoire poignante, je pourrais le dire à chaque volume mais c’est encore plus le cas ici, avec une très belle utilisation d’un fait de l’Histoire japonaise pour extrapoler et imaginer l’histoire d’une vie bouleversante. Coup de coeur !

J’ai d’abord été surprise dans un premier temps, au vu des personnages de la couverture, d’être face à une intrigue prenant autant de place au tripot, alors que je pensais voir celle-ci rapidement évacuée pour repartir sur les routes à la suite de Tsuki. Mais comme toujours avec Daruma Matsuura les détours ne sont pas là pour rien et ils valent le détour !

Ainsi, nous avons été plongés avec bonheur dans le drame que fut la vie de Tenroku, ce petit mafieux à la chance insolente que Konosuke affronte aux dés. Dans une explosion de pouvoirs, l’autrice raconte ce dont chacun est capable mais également ce que chacun a vécu et c’est à la fois magique et bouleversant. On découvre un Bokutake assez cruel dans sa manière de soigner les âmes, un Tenroku plus suicidaire que méchant et un Konosuke qui a encore bien des choses à dévoiler. Je suis vraiment très fan de cette gestion des mystères et du fantastique dans une ambiance historique et ésotérique traditionnelle renouvelée.

Chaque tome depuis le début met en lumière une sorte de « gueule cassée », un marginal, quelqu’un que la vie n’a pas épargnée et qui a appris à détourner, utiliser son don pour se relever. C’est poignant. L’histoire de Tenroku se pose là d’ailleurs. Se basant sur la vraie famine qui a couru au Japon entre 1833 et 1838, l’autrice met en scène un jeune garçon différent, qui a un oeil étrange, dont les parents et voisins, qui cultivent le ver à soie, vont dépérir dans ce contexte et faire un choix des plus cruels qui va durement l’impacter. Il y a de l’horreur et du désespoir sourd dans cette histoire. Il y a un chemin de vie qui prend aux tripes et bouleverse. Il y a des sentiments puissants et bouleversants, ceux de parents aimant désespérément leurs enfants. Tout y est. J’ai adoré !

Et l’autrice de mettre en scène sous forme de chute inéluctable ce destin tragique avec que Konosuke apparaisse comme le chemin de la rédemption, quelle superbe métaphore ! Notre héros solitaire, notre samouraï ostracisé devient la lanterne dans la nuit, éclairant le chemin des âmes perdues. Superbe ! Et l’autrice nous réserve encore bien des surprises avec lui et sa belle Tsuki, si je décode bien les derniers éléments, totalement inattendus, donnés dans les ultimes pages. Que j’aime cette façon d’écrire une histoire fantastique qui sans cesse renouvelle ses promesses pour aller de plus en plus loin.

L’ambiance entêtante me happe à chaque fois, les dessins me subjuguent, les destins des personnages me frappent. C’est une magnifique écriture du fantastique historico-ésotérique entre émotion, récit de vie et mysticisme guérisseur. L’âme tourmentée de Tenroku m’a bouleversée ici. J’ai adoré la tragique utilisation de cet épisode de famine. Et je suis encore toute émoustillée des promesses quant aux destinées de Konosuke et la belle Tsuki. Quel tome ! Il n’y a pas que la couverture qui est belle ❤

Ce diaporama nécessite JavaScript.

 

26 commentaires sur “La Danse du Soleil et de la Lune de Daruma Matsuura

      1. J’ai l’impression que le titre suscite l’intérêt depuis son annonce. Ne connaissant rien du tout au marché, je sais pas à partir de combien de lecteurs ça devient un succès pour l’éditeur, mais avec Ki-oon, je suis confiant pour que le titre soit supporté et soutenu perso.

        Aimé par 1 personne

      2. Je pense aussi que l’éditeur fera pleinement le job, j’espère juste que les lecteurs se montreront suffisamment curieux car le titre en vaut vraiment le coup. Et ça fait du bien de voir du fantastique de cette qualité chez nous. Si seulement ça pouvait ouvrir la porte pour le retour d’autres grands titres.

        Aimé par 1 personne

  1. Et bien quel enthousiasme! Je suis passé à côté de Kasane car j’ai du mal avec le dessin de l’autrice qui m’attire peu mais à force d’entendre autant de bien de son nouveau manga je risque de tenter le coup tant pis pour le dessin!

    Aimé par 1 personne

    1. Je n’avais pas réussi à dépasser le tome 1 la première fois, c’est lors d’une tentative plus tard que j’ai tout dévorer et retrouvé un peu une vibes à la Glass no Kamen en plus sombre et que j’ai adoré !
      Ici, le trait est maîtrisé d’emblée, je trouve et l’histoire… Elle m’a fascinée ! ><

      Aimé par 1 personne

      1. Glass no kamen est l’un des anime, enfants, qui m’a le plus donné envie de lire ensuite les oeuvres classiques dont il parlait et rien que pour ça je le vénère. Mais en plus, c’était superbe de voir cette passion pour le théâtre.
        Donc animé à découvrir en plus de Kasane et La danse du soleil et de la lune 😉

        Aimé par 1 personne

Laisser un commentaire