Livres - Contemporain

Blackwater de Michael McDowell

Titre : Blackwater

Auteur : Michael McDowell

Traduction : Yoko Lacour et Hélène Charrier

Éditeur : Monsieur Toussaint Louverture

Année de parution vf : 2022

Nombre de tomes : 6

HistoireAlors que les flots sombres et menaçants de la rivière submergent Perdido, une petite ville du sud de l’Alabama, les Caskey, une riche famille de propriétaires, doivent faire face aux innombrables dégâts provoqués par la crue. Mené par Mary-Love, la puissante matriarcale, et par Oscar, son fils dévoué, le clan s’apprête à se relever. Maus c’est compter sans l’apparition, aussi soudaine que mystérieuse, d’Elinor Dammert, jeune femme séduisante au passé trouble, dont le seul dessein semble être de s’immiscer au cœur de la famille Caskey.

Mon avis :

Tome 1 : La Crue 

Gros phénomène éditorial aux Etats-Unis à son époque, le jeune éditeur girondin Monsieur Toussaint Louverture a décidé en ce milieu d’année de se lancer dans l’aventure à son tour. Pour cela, il fait le pari osé d’une publication en épisodes rapprochés, un tome toutes les deux semaines, dans un format poche presque deluxe qui claque et attire l’attention. Pari réussi ? Tout à fait, le succès est de suite au rendez-vous et ne pouvait qu’attirer la lectrice curieuse d’imaginaire et d’étrangeté que je suis.

Je vais être honnête, si j’ai d’abord acheté ce livre, c’est parce que je connais et soutiens l’entreprise de l’éditeur français à qui on doit également la nouvelle édition en grand format d’Anne de Green Gable dans des objets juste magnifiques. C’est un petit éditeur qui sait offrir de beaux objets et écouter ses lecteurs. Il ne m’en faut pas plus pour m’attacher et me fidéliser à leurs publications.

En plus, seconde confession, j’ai toujours été amatrice de beaux objets et ici le format poche de ces romans d’un peu plus de 200 est juste à tomber, avec cette composition juste pour nous des couvertures, qui donne un effet gravure à l’ancienne des plus saisissant, rappelant une certaine esthétique américaine qu’on peut trouver dans les entrées, notamment, des grattes ciel de leur âge d’or. Chaque tome a une couverture unique, rappelant ce qui se passe dans son tome, mais l’ensemble a une belle esthétique collection. J’adore !

Concernant l’histoire, j’ai été plus difficile à convaincre. Je savais que le monsieur avait une certaine réputation. J’en ai vu plusieurs le comparer à Stephen King, sur les adaptations duquel il a travaillé au cinéma. Mais moi, c’est plutôt sa collaboration avec Tim Burton que j’ai eu envie de retenir, n’ayant jamais été une grande fan du premier. Je m’attendais donc à une ambiance étrange, décalée, un brin fantastique voire gothique directement visible et accessible. Quelle ne fut pas ma surprise de trouver l’inverse et d’avoir à l’inverse entre les mains un texte où l’immersion va monter monter peu à peu comme une crue justement, titre qu’il porte !

Les premières pages furent donc un peu difficile à lire. Non pas que ce soit mal écrit, mais il ne se passait pas grand-chose et l’immersion n’était pas totalement. Découvrir la petite ville de Perdido avec ces deux cours d’eau, celui ayant donné son nom à la ville et celui ayant donné son nom à la saga, me semblait un peu fade. Certes, une crue venait d’avoir lieu, bouleversant les habitants et amenant une nouvelle dans la ville, Elinor, professeure de son état, mais ça ne me suffisait. Les petites histoires des uns et des autres ne me semblaient pas percutantes et je ne voyais pas trop l’intérêt de ce que je lisais.

Cependant petit à petit au fil des pages et des chapitres, des détails insidieux sont venus titiller ma curiosité et mon imagination. Elle était quand même mystérieuse cette Elinor que personne ne connaissait, qui venait dont ne sait où et qui avait perdu toutes ses affaires. Elle parvenait à faire pousser des arbres là où rien ne poussait. Elle réussissait à se faire héberger chez un homme élevant seul sa fille depuis que sa femme était partie et à se faire faire la cour par le fils fils à sa maman de la mégère du coin. C’était étrange. Mais accaparée par les histoires de famille et de voisinage, je m’étais un peu arrêtée là.

Sauf que l’auteur a été malin et il a tout bouleversé dans les ultimes chapitres, avec une tension qui est montée brutalement, comme lorsque l’eau monte d’un coup lors d’une crue. Le lecteur a alors perçu tout le potentiel étrange de cette Elinor, qui pour ma part m’a beaucoup fait penser à ces Femmes des neiges des contes japonais, créatures fantastiques représentant l’hiver et s’immisçant dans la vie des hommes pour s’en faire aimer, mais avec des destins souvent tragiques. J’ai adoré ce final explosif et terrible, assez implacable. Je ne peux que saluer le talent de l’auteur pour un tel renversement.

Blackwater fut donc une lecture singulière, qui a démarré assez mollement me faisant craindre une déception, car sa description de la vie tranquille dans une bourgade de l’Amérique profonde, avec très peu de relief, me faisait craindre l’ennui. J’ai cependant été ravie de voir un certain fantastique s’immiscer discrètement, peu à peu, dans l’histoire jusqu’à un final presque explosif ou qui du moins bouleverse le lecteur et lui donne envie de se jeter sur la suite pour voir ce que ces changements vont bien pouvoir provoquer et s’ils ne vont pas être suivis par d’autres. Un beau tour de force narratif, en plus dans un écrin sublime !

>> N’hésitez pas à lire également les avis de : En tournant les pages, Le Syndrome Quickson, Lady livre, Entre les pages, Carolivre, Marie Juillet, Juju, Analire, Vous ?

Couverture Blackwater, tome 2 : La Digue

Tome 2 : La Digue

J’aurai mis un an à revenir vers cette série et je ne comprends pas pourquoi, car vraiment, comme la première fois j’ai été totalement immergé dans la petite vie de la ville de Perdido sous la plume si étrangement calme mais addictive et étrange de Michael McDowell.

Peut-être était-ce parce que je n’avais pas exactement trouvé le fantastique que j’attendais dans le tome 1 à part lors d’une scène mémorable, je gardais le souvenir d’une saga qui pouvait potentiellement me décevoir et j’avais peur d’y revenir. Pourtant dès les premières pages, j’ai été saisie par la facilité que j’avais à me couler dans la vie des habitants de cette petite ville américaine fictive pourtant si typique, telle les rivières de Perdido et de Blackwater qui la traversent.

J’ai à nouveau adoré suivre la vie de la famille Caskey, ainsi que celle des Sapp. L’écriture de Michael McDowell est vraiment envoûtante. Elle n’est pas pleinement fantastique mais elle glisse plein de petits éléments étranges, dérangeants et inquiétants autour de la figure d’Elinor et de ses relations à sa belle-mère et à ses filles qui rendent la lecture perturbante et fascinante. On se demande vraiment quand est-ce qu’elle va rompre la digue et les laisser le torrent l’emporter et emporter tout ce qui lui déplaît sur son passage.

En attendant, c’est la vie des habitants de la ville qui nous passionne et cette fois cela se concentre autour de la construction, non désirée par Elinor, d’une digue pour éviter une nouvelle crue ravageuse. L’occasion pour Sister, la belle-soeur d’Elinor, de sortir enfin de la coupe de sa mère. L’occasion aussi d’une distraction pour les autres. Mais surtout l’occasion pour le lecteur d’offrir un nouveau panorama où suivre la vie banale de ses habitants entre amitié interraciale qui dérange, drame autour d’un enfant attardé, mari violent qui revient le temps de profondément blesser sa femme, etc. Ce n’est pas une Amérique enjolivée qu’on nous décrit mais une Amérique âpre où il arrive bien des drames même si nous avons aussi des moments heureux qui mettent du baume au coeur. Et l’air de rien, au fil des pages qui défilent à toute vitesse sous cette plume simple et addictive, on s’attache énormément à ses personnages qu’on voit grandir.

Un chapitre important de l’histoire de la ville s’écrit dans ce tome, avec de nouvelles relations qui se font et défont, donnant hâte de découvrir le prochain qui s’annonce tout aussi borderline : inquiétant et dérangeant, humain et âpre. Après la Digue qui reconfigure la ville, place la prochaine fois à la Maison qui s’annonce encore plus intime.

Couverture Blackwater, tome 3 : La Maison

Tome 3 : La Maison

Je suis la première surprise, car je sors totalement de ma zone de confort avec cette saga, mais je me régale de cette histoire légèrement fantastique se déroulant dans l’Amérique profonde des années 30, un peu comme quand je me délectais des sagas de l’été à la télé étant petite. J’ai la même addiction pour elle !

Que n’ai-je poursuivi plus tôt la lecture de cette saga ? J’avais trouvé le premier tome un peu tiède, cela ne fait que se réchauffer depuis et ce tome est une petite apothéose en soit. Du fantastique, de l’action, des histoires de famille, du drame, c’était parfait ! J’ai aimé de bout en bout les aventures de la famille Caskey et de la rivalité entre Elinor et Mary-Love qui entraînent toute leur famille derrière elles.

Dans ce tome, on est vraiment en plein dans leurs tensions communes. Après un bref détour par la situation de Queenie et son affreux époux Carl, qui permet de dénoncer à nouveau les violences conjugales et l’inaction de la police avant que le pire n’arrive, on se concentre à nouveau sur ce qui oppose les deux femmes : le rôle de chef de famille, les affaires de la scierie et leurs enfants. Passionnant et étrange. Étrange car le fantastique se retrouve de plus en plus mêlé à l’histoire dans ce tome sobrement intitulé « Maison » et qui porte si bien son nom car tout est parti de là. L’auteur tisse à merveille sa toile avec l’étrange placard de cette demeure d’un côté, les terribles maladies qui y frappent certains de ses habitants, et la rétrocession des droits que Mary-Love tarde à faire. C’est la maison de tous les drames et toutes les convoitises.

Michael McDoweel nous passionne ainsi, dans ce cadre lointain d’Amérique des années 30 où le crack boursier a lieu, pour les histoires de famille de nos héros. Cela va des relations des adultes avec les filles Caskey. Cela passe par les désirs de rester à flots et de faire fructifier les biens de la famille en ces temps compliqués. Il y a également les tensions entre les antagonistes de l’histoire et le mystérieux fleuve Perdido aux vertus surprenantes. Tout cela tisse une toile entêtante dans ce huis clos loin de tout où les échos extérieurs semblent peiner à se faire un chemin. Ce sont leurs histoires, leur quotidien, qui prévalent et ça se comprend pour l’époque, mais le relent étrange introduit par Elinor perturbe tout, insidieusement, sans que les habitants s’en rendent compte.

J’ai en tout cas adoré la plume de Michael McDowell sur ce tome. En dehors de ce fantastique qu’il parvient à glisser discrètement l’air de rien, quand on ne s’y attend pas, dans les interstices de l’histoire. Il faut preuve également d’un talent certain lors de l’écriture des scènes d’action, que ce soit lors des violences de Carl ou lors des réponses d’Elinor. C’est assez glaçant à lire et très cinématographique. On se croirait dans un Westeria Lane (Desperate Housewives) fantastique ! Mais il est tout autant doué pour la douceur, quand il décrit les relations entre Elinor et sa famille lorsqu’il s’agit de la soigner longuement ou juste quand il décrit et raconte cette dernière à la vie si différente de sa soeur aîné. Il m’a beaucoup touchée.

Série surprenante, lecture addictive, Blackwater est en passe de devenir ma saga des prochains mois, comme l’avait prévu son éditeur à sa sortie, ce que j’aurais dû écouter. Avec ce tome, le fantastique commence à pénétrer par l’ensemble des pores de l’histoire et c’est aussi fascinant qu’inquiétant et entêtant. Les Caskey n’ont pas fini de nous surprendre je le crois et je repartirai volontiers découvrir le sort que leur réserve ces prochaines années.

Tome 4 : La Guerre

Après avoir atteint son apothéose dans le tome précédent avec la fin de la guerre Mary Love – Elinor, nous étions en droit de nous demander ce que l’auteur allait pouvoir nous raconter. S’appuyant plus sur la grande Histoire se déroulant autour de ses héros, il relance ici pour la nouvelle génération avec une efficacité ravageuse.

Sous ses dehors de page turner assez simple, j’aime l’efficacité de la plume de McDowell. Elle ne brille pas mais elle est ravageuse. On a l’impression de ne suivre que des choses banales et pourtant on n’arrive pas à s’en défaire. Ainsi les 250 pages du roman passent à toute allure et on s’immerge totalement dans les histoires de la famille Caskey, cette fois pendant le tournant des années 30 et 40, avec les filles du couple désormais à l’aube de l’âge adulte.

Peut-être moins punchy que le précédent, ce tome offre une transition vers la fin de la saga et la nouvelle génération qui va prendre la relève. Les liens familiaux sont donc encore une fois, et peut-être plus même, au coeur de l’histoire. L’auteur nous fait découvrir comment cette famille va renaître et trouver une nouvelle dynamique sans Mary Love. J’ai beaucoup aimé suivre les filles du couple dans cette optique et voir ce dernier plus en retrait, laissant la place à ces dernières de s’affirmer et construire leur histoire. On les voit totalement différemment de la Frances souffreteuse et de la Miriam sous la coupe de sa grand-mère, ce sont des jeunes filles désormais et elles vont apporter leurs propres problématiques à l’histoire, l’enrichissant par là-même.

L’auteur a d’ailleurs senti qu’il fallait faire évoluer son récit. Le cadre historique était assez lointain dans les premiers tomes, même lors de la Grande Dépression qui avait eu lieu dans le précédent, mais ici avec la Guerre qui approche puis est là, l’auteur n’y a pas coupé et s’en est enfin servi pour enrichir son récit. J’ai aimé que cette indication temporelle soit présente car cela permet au fantastique d’avoir encore plus de poids quand il apparaît. On date enfin les comportements, les attitudes, les relations, que ce soit les bêtises de certains garnements, les actes plus odieux comme un certain viol, les actions plus banales avec les filles allant à l’université ou les actions plus héroïques comme la façon dont Miriam va se rapprocher de l’entreprise de son père et aider ce dernier quand il en aura besoin.

Un certain féminisme, également, ou peut-être devrais-je dire une certaine sororité, apparaît également de plus en plus dans la série. Celle-ci a toujours été un combat de femmes, entre femmes et pour les femmes, Elinor et Mary Love nous l’ont montré, tout comme Queenie. C’est au tour de Miriam, Frances, Lucille et Grace, la nouvelle génération. On parle ainsi avec elle de relations homosexuelles, de poursuite d’étude pour les filles, de travail à responsabilité pour les femmes, mais aussi de vision plus moderne du mariage, de parentalité ou encore d’agression sexuelle. C’est riche et puissant à lire, notamment dans la concrétisation de la relation entre Elinor et ses filles et du passage de témoin qu’elle fait. Un moment des plus surprenants de la saga.

Car Blackwater est une saga qui porte bien son nom. Elle est sombre, elle est fluide, elle est saisissante et étrange. Le rôle des cours d’eau, le Perdido et le Blackwater, est encore une fois saisissant dans ce volume. Dangereux, meurtrier mais nourricier également, ils fascinent et dérangent, apportant la juste dose de fantastique, avec un petit quelque chose d’étrange que j’adore et qui me fait penser à une certaine partie du folklore japonais (les kappas qu’on voit dans Pakka). J’ai beaucoup aimé cette plongée dans l’étrangeté humide et quasi visqueuse des eaux de Perdido.

Récit familial, récit fantastique, récit de femmes et désormais un peu récit historique, Blackwater met de plus en plus de cordes à son arc à l’heure de passer le relais entre Elinor et ses enfants. La simplicité de la plume de Michael McDowell est toujours au service d’une lecture puissante et addictive où on évoque l’évolution des possibilités offertes aux femmes dans une petite ville américaine des années 30-40. Peut-être moins percutant et dangereux que le précédent, il augure cependant d’une suite où les jeunes auront définitivement leur mot à dire dans ce nouvel ordre.

Couverture Blackwater, tome 5 : La Fortune

Tome 5 : La Fortune

Véritable lien entre récit fantastique et récit du quotidien ce tome nous plonge encore plus dans l’intimité de la famille Caskey à l’heure sacrés bouleversements !

Avec sa couverture plus sobre en détails narratifs que les précédentes, ce 5e et avant-dernier tome m’interpelait. Qu’allait-il pouvoir raconter avec les révélations et coups de poing du dernier ? L’auteur m’a à nouveau soufflée par sa réponse, alors que nous avons peut-être ici également l’un des tomes les plus calmes en terme d’événements.

Tandis que la guerre se termine, il s’agit pour la famille Caskey de rebondir et trouver une nouvelle voie. La nouvelle génération est là et épaulée par les intuitions d’Elinor, celle-ci va encore prospérer d’où le titre. Cependant, et c’est peut-être la première fois, malgré leur présence de partout, j’ai trouvé les personnages assez lointains et peu incarnés dans ce volume, comme si un voile se mettait entre eux et nous pour les éloigner. C’est en découvrant le destin de Frances, fille la plus proche d’Elinor, que j’en ai compris les raisons.

Dans ce volume, l’auteur peut sembler faire plaisir aux fans de fantastique, mettant celui-ci à l’honneur en décrivant par le menu le destin des femmes de la famille d’Elinor, à travers le destin de Frances et ses filles, reflet de celui d’Elinor et des siennes et de celui de celle-ci et sa soeur. Michael McDowell n’hésite plus à nous donner des détails sur qui elles sont, à quoi elles ressemblent, ce qui leur arrive et les rend si différentes, etc. Cependant, en même temps, je n’ai pu m’empêcher de me dire que plus qu’un récit fantastique, nous avions ici celui d’une femme souffrant de dépression post-partum et que le fantastique n’était qu’un habillage pour rendre ceci pour joyeux à lire, si on peut dire…

Ainsi, j’ai adoré ce travail psychologique fait autour de Frances et de ses proches, mère, époux, soeur, père. On sent l’impuissance de ces derniers face aux changements qui s’opèrent en elle et on assiste nous aussi impuissants à la tragédie qui s’écrit inéluctablement. C’est rageant mais remis dans son époque, les années 50, c’est parfaitement compréhensible vu qu’on ne connaissait pas bien se phénomène. C’est donc logique de voir les événements se dérouler ainsi même si cela peut agacer. L’auteur ne commet ainsi pas d’anachronisme et fait vraiment vivre cette époque et l’ambiance si particulière de cette petite ville perdue des Etats-Unis.

Mais au-delà de l’histoire de Frances, Blackwater est l’histoire d’une famille et j’ai pris plaisir à voir Miriam grandir encore dans ce tome et devenir une vraie femme d’affaire. J’ai été émue par le rôle de matriarche endossée par Elinor qui protège et aide ses deux filles au final. Je trouve juste, encore et toujours, les hommes bien en retrait, comme soumis à une forme de matriarcat, ce qui a tendance à me gêner, aimant l’égalité. Ici, je les trouve bien malmenés et délaissés par leurs femmes, même si ça permet de glisser, sans mettre les mots dessus, vers des thèmes comme l’aromantisme ou l’asexualité, après avoir parlé d’homosexualité dans le tome précédent. L’auteur montre qu’il existe plus d’une voie en plus du couple hétéronormé et c’est bien.

Tome cependant de transition, La Fortune est moins marquant que ne le furent les précédents et fut plutôt la chronique d’un drame annoncé, plongeant le lecteur dans une ambiance un peu morose alors qu’avec l’euphorie de la fin de la guerre, on aurait dû ressentir un vent de fraîcheur. Surprenant, il nous emmène là où on ne l’attend pas avec une coloration fantastique étrange pour parler du sujet de société pourtant réel et important : le dépression post-partum. J’aime où Michael McDowell nous emmène.

Couverture Blackwater, tome 6 : Pluie

Tome 6 : Pluie – Fin

L‘heure de tourner la page sur cette étrange saga familiale est arrivée et à l’image des crédits finaux de l’éditeur si parfaitement écrits, j’aimerais trouver les mots pour lui rendre hommage.

Quand je me suis embarquée dans l’aventure Blackwater, je n’avais aucune idée de ce sur quoi j’allais tomber. C’est la singularité du projet chez nous à l’heure actuelle qui a attisé ma curiosité ainsi que les magnifiques couvertures – puzzles scénaristiques de l’éditeur. Dès le premier chapitre, j’ai découvert une saga ancrée dans la littérature américaine avec cette ambiance tranquille, provinciale, presque apathique. Mais j’ai aimé cela. Au fil des tomes, je me suis beaucoup attachée à la petite vie de ces familles vivant dans la ville fictive de Perdido, élément central, comme savait parfois le faire Lovecraft dans ses écrits. Puis une touche fantastique et horrifique est venue percuter l’histoire, discrètement, mais de plus en plus insidieusement voire ouvertement dans les derniers tomes et cela a achevé de me convaincre. J’étais face à une saga unique et superbement écrite.

Il fallait donc savoir la refermer correctement. La couverture, une fois de plus, nous donnait déjà quelques indices. Un titre en un seul mot cette fois « Pluie », déjà bien révélateur quand on se rappelait des mots d’Elinor concernant la ville et la digue. Puis une Ophélie à la mode Shakespeare flottant au milieu des vagues et d’une nature redevenue sauvage. Il y avait ensuite cet oeil piqué d’une épingle sur le dos et ce cercueil imposant en 4e accompagné d’une bague en diamant, d’ampoules brisées et de campanules. La messe était dite. L’heure de la première génération était terminée, à voir comment elle allait nous quitter.

Ce dernier tome fut un superbe moment de lecture où j’ai aimé me faire accompagner dans cette lente mais inéluctable transition par l’auteur. Il reprend ce qu’on a aimé dans la série, les voir changer, évoluer, grandir. Ici, c’est au tour de la petite fille restante d’Elinor, qui suscite à nouveau rivalité entre deux femmes qui veulent se l’accaparer. Et voici le thème de l’enfant enlevé à ses parents renouvelé. Mais on s’éloigne aussi du schéma d’autrefois avec des enfants devenus adultes s’éloignant enfin, créant leur propre famille ailleurs, ainsi qu’ayant des ambitions propres. La reproduction sociale à Perdido est terminée ! C’est donc la fin de ce lieu.

Pour y mettre un terme, l’auteur enchaîne les disparitions dans ce tome, tantôt calme et paisible mais inéluctable comme la dernière, mais le plus souvent bien plus tragique et violente, comme celle d’Oscar qui restera un moment dans ma mémoire, mais il n’est pas le seul et je vous laisse découvrir l’imagination tordue que l’auteur a mis en branle pour cela. Fantômes, macchabées et autres être vengeurs étaient au rendez-vous pour nous glacer d’effroi dans des moments inattendus, brefs, angoissants et particulièrement violents dans leur finalité. Mais c’est aussi ce qu’on pouvait attendre dans cette saga où ce n’est pas la première fois que cela arrive depuis le tome 1.

Ce n’est donc nullement déçue que je conclus cette série. Moi qui l’avais mis en pause après un tome 1 sympathique mais pas assez convaincant, je ne regrette pas de l’avoir repris sous les encouragements d’une amie. Ce fut vraiment une saga familiale et fantastique surprenante où j’ai aimé la plume très américaine de l’auteur et sa vision de l’horreur. De très beaux écrins pour une riche et belle histoire sur plusieurs décennies. Merci à Michael McDowell et Monsieur Toussaint Louverture de m’avoir fait renouer avec le genre !

12 commentaires sur “Blackwater de Michael McDowell

  1. Merci pour ton avis assez nuancé pour me dire que j’ai peut-être bien fait pour ne pas craquer à mon tour pour ce phénomène que je vois partout.
    J’aurais bien envie de soutenir aussi cette ME mais je ne suis vraiment pas certain de faire partie de la cible éditoriale. Déjà et comme tu le sais, le cadre n’est pas celui que je préfère et l’aspect fantastique me semble assez too much même si les derniers chapitres n’ont cessé de t’achever.
    Je suis donc toujours aussi perdu et je préfère encore attendre avant de craquer voir comment ton avis évoluera sur la question 🙂

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    1. Avec plaisir, j’avoue que sans l’avis des copines, je ne serais peut-être pas aller jusqu’au bout tant le fantastique est ténu. Je préfère vraiment quand il y en a plus. Donc j’entends ta réserve et je t’en dirai sûrement plus cet été 😉

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  2. Toutes les librairies devant lesquelles je suis passée dernièrement avait la collection en vitrine ! Autant dire que je vais bientôt craquer. Merci pour cette chronique en tous cas, elle me donne un peu plus envie de me plonger dans cette histoire.

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  3. J’avais vu la couverture dans une librairie et j’avais été totalement attiré par son aspect atypique… Pourtant après plusieurs lectures de critiques (dont la tienne qui est très intéressante d’ailleurs), je me rends compte que ce n’est pas forcément le genre de livres que j’aime lire… Mais j’ai tout de même hâte de lire ton avis sur le reste de la saga 😉

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    1. Je comprends tout à fait ton ambivalence. C’est une très bonne lecture mais pas le coup de coeur ni la lecture addictive que j’attendais et j’espère être plus emballée par la suite avec un fantastique peut-être plus présent 🤞
      Mais en tout cas le travail sur la couverture ne peut que mettre tout le monde d’accord. Ça sort vraiment du lot !

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    1. C’est bon signe pour moi pour les tomes qui suivent directement mais j’espère ne pas avoir un pétard mouillé sur la fin. Du coup, je vais peut-être attendre quelques avis sur celle-ci au cas où ^^!

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