Livres - Mangas / Manhwa / Manhua·Livres - Science-Fiction

2001 Nights stories de Yukinobu Hoshino

Titre :  2001 Nights stories

Auteur : Yukinobu Hoshino

Éditeur vf : Glénat (seinen)

Année de parution vf : 2023 (pour cette réédition)

Nombre de tomes vf : 2 (série terminée)

Résumé : Après avoir surmonté une guerre nucléaire totale, l’humanité découvre un morceau de météorite géante aux abords d’une base lunaire. C’est le début d’une ruée vers de nouvelles ressources naturelles et d’un merveilleux voyage dans l’immensité de l’univers. Depuis les planètes du système solaire jusqu’aux galaxies les plus éloignées, vous croiserez les vestiges d’antiques civilisations extraterrestres, découvrirez des systèmes d’évolution distincts de l’homme et rencontrerez ceux que l’on nomme les « semailles d’étoiles »…

Mon avis :

Tome 1

Grande amatrice de SF, j’ai été frustrée il y a quelques années quand Glénat avait sorti cette oeuvre majeure dans une version inabordable à la plupart des lecteurs dont moi. Je suis donc ravie de leur initiative de ressortir l’oeuvre dans un format toujours deluxe mais plus abordable cette fois, permettant enfin de découvrir l’adaptation japonaise de 2001 l’Odyssée de l’espace de Clarke par Yukinobu Hoshino.

Je connaissais déjà Yukinobu Hoshino par son étrange titre de SF ésotérique : Rain Man, qui m’avait fascinée à l’époque chez Panini. J’aime sa patte à l’ancienne pour dessiner, représenter et mettre en scène des thématiques de SF pure. Je me doutais bien que ce serait également le cas dans cette oeuvre et je le confirme. Parue pourtant au milieu des années 80 au Japon, elle n’a pas pris une ride pour qui aime ce genre d’ambiance de SF « à la papa » et ce fut donc un régal de la découvrir dans cette version reliée, grand format, avec jaquette et pages couleurs + cahier d’illustrations et mini-interview à la fin. Le grand format convient à merveille aux planches vertigineuses du vaste espace imaginé par Hoshino.

Comme son nom l’indique, l’auteur nous propose ici une sorte de recueil de 2001 nuits dans le ciel obscur de l’espace. Reprenant les bases du scénario du roman d’Arthur C. Clarke, 2001 l’Odyssée de l’espace, Hoshino nous fait vivre une série de variations autour de cette vie en apesanteur. Depuis la rencontre d’homme d’état au sommet en secret, jusqu’à une mystérieuse météorite découverte sur la Lune, en passant par un projet de procréation assistée dans l’espace pour peupler de future planète, sans parler de la construction d’une intelligence artificielle commandant de vaisseau pour aller à la rencontre d’autres espèces, de la visite d’une mystérieuse 10e planète dans notre système ou de l’invention d’une méthode de propulsion permettant d’améliorer comme jamais notre vitesse de voyage. Chaque histoire peu sembler détachée, séparée des autres, mais elles forment un tout, comme c’était le cas dans la tête d’Arthur C. Clarke à qui l’auteur a pris la plupart de ses idées, et cela donne le vertige.

Dans un trait très typique années 80, l’auteur nous fait voyager dans cet espace vertigineux et nous fait à merveille ressentir son vide, sa grandeur infinie et sa solitude. Plus que la dimension science-fictionesque de l’oeuvre et ses apports scientifiques qui m’ont fait rêver, c’est la dimension humaine qui en est venue à me toucher. J’ai été frappée par les nombreux conflits intérieurs des personnages croisés, la justesse avec laquelle ils étaient écris en quelques pages à peine et la profondeur de leurs histoires. Nous croisons tour à tour des personnages héroïques, égoïstes, altruistes, aventureux, peureux, etc. J’ai beaucoup aimé nombre d’entre eux et certains vont me rester un moment en mémoire. Je pense à cette soeur qui part sur les traces de son frère sur la Lune (me rappelant Space Brothers), ou encore à ce couple abandonnant ses ovules et spermatozoïdes dans l’espace pour créer une future colonie, la colonie en question et ses parents de substitution fut une très belle trouvaille. Il y a eu bien sûr cette scientifique donnant vie à l’IA KARC, ou encore la fille de ce scientifique qui a perdu sa famille à cause de son obsession pour la science. Des personnages variées aux destinées souvent un tantinet dramatique parfaitement incarnés ici.

Chaque histoire avait aussi son ambiance, permettant un dépaysement certain et une plongée dans cette avancée de la science par saccades. On a ainsi eu droit à des aventures +/- politiques, un peu d’espionnage, du forage, des aventures extra-spatiales, mais aussi la vie à bord des vaisseaux avec une ambiance polar à la Nous sommes 11 de Moto Hagio, sans parler d’exploration planétaire comme dans tout bon planet opera avec des questions +/- futuristes. J’ai moins aimé en revanche quand on a mélangé religion et science lors d’une longue longue histoire. Je vois ce que l’auteur a voulu faire, il y est plutôt bien arrivé en restant sans cesse sur le fil du rasoir, mais étant une athée convaincue et acharnée, ça m’a bien trop souvent sortie de l’histoire ^^!

La dimension purement SF est passionnante puisque de nombreuses questions sont posées quand à notre vision de l’avenir et de l’exploration spatiale. On parle aussi bien de l’énergie nécessaire, de la survie des équipages, de procréation, de colonisation, de compréhension de la création de l’univers et des énergies qui le peuple. C’est passionnant fascinant, souvent riche, avec une représentation puissante de cet imaginaire, ses concepts et ses engins. Par contre une façon de nous apporter des informations un peu lourde narrativement. On est vraiment, souvent, dans de l‘info bombing et c’est dommage que ce ne soit pas mieux intégré à l’histoire. En plus, cela a un côté catalogue au vu du concept du titre : une sorte d’anthologie de la SF, donc ça pourrait en freiner plus d’un, ou au contraire vous rendre curieux et vous poussez ensuite à explorer chaque genre dans d’autres oeuvres.

Malgré un investissement conséquent, je ne regrette nullement cette lecture que j’ai longuement attendue. Je suis fan de l’interprétation de l’oeuvre d’Arthur C. Clarke par Yukinobu Hoshino dans ce grand format vertigineux en plus qui rend à merveille la profondeur de l’oeuvre et des idées portées. C’est un vrai voyage spatial qui nous est proposé, une vraie revisite des 1001 nuits version SF avec des histoires riches et variées qui représentent à merveille tout ce que la SF a à offrir. Une lecture indispensable pour tous les amateurs du genre dans un très bel écrin.

Tome 2

L’anthologie dantesque imaginée par Hoshino en hommage de l’oeuvre de Clarke se poursuit dans ce second tome tout aussi, si ce n’est plus, indispensable avec des histoires cette fois datant de 1985-1986 où la nature, l’univers est au centre. Accrochez vos ceintures !

Dans un volume tout aussi riche, une édition tout aussi qualitative, les deux tomes étant parus en même temps chez nous, on retrouve l’auteur et sa volonté de nous conter sa vision de l’espace, de la Sf, de l’exploration spatiale et des rencontres. C’est à nouveau riche, puissant, vertigineux et très philosophique. Mais aussi totalement décousu dans la forme avec 9 histoires qui, si elles forment un tout, ne se suivent que rarement et explorent des environnements et dynamiques totalement différentes. C’est aussi ça qui fait la force de 2001 nights stories.

Après un tome où l’humain était au coeur des histoires, j’ai trouvé que l’auteur faisait bien plus place à la nature dans ce second volume. Celle-ci se montre bien plus implacable face à des hommes qui tentent de la dompter et d’y imposer leur vue. Ça fait donc plaisir de la voir leur répondre, leur tenir tête et souvent l’emporter dramatiquement. Non la colonisation n’est pas la réponse. Voici donc nos explorateurs confrontés à un monde pétrifié dans l’orbite d’une étoile binaire, puis face à une planète consciente mais primitive, établis sur une planète où la nature va leur imposer d’entrer en symbiose, face à une planète dont la nature a développé une manière bien singulière de se défendre en imitant l’être dominant, sur des planètes où ils auraient dû plus écouter et observer les animaux comme ces singuliers oiseaux qui y vivaient avant eux, dans un monde où les plantes ont pris le dessus et développée « une science » égale à la nôtre, ou encore à la rencontre d’objets célestes singuliers.

Ce sont des rencontres puissantes, souvent dérangeantes, qui nous interrogent sur nos désirs d’exploration qui cachent souvent des désirs de conquêtes. C’est empreint de noirceur, il y a parfois une belle poésie et l’émotion peut nous saisir quand certains héros affrontent leurs erreurs et leurs regrets, c’est donc très humains derrière la façade assez froide et technique qu’il peut y avoir dans ses histoires où la cosmologie et la biologie sont plus présentes qu’avant. J’ai beaucoup apprécié les histoires où on sent une conscience dans la nature des planètes visitées et où celle-ci développe une forme de réflexion face à notre intrusion. J’ai aussi aimé celles où il y avait un dialogue entre nous, comme celle où des champignons entre en symbiose avec nous. Les réflexions sur l’espace et le temps qui peuplent les 2-3 histoires où l’homme est plus au coeur étaient très émouvantes, comme avec cette femme partant retrouver son homme coincé dans un trou noir. Enfin, j’ai parfois été saisi par la violence des histoires. Il y a quelques pages de body horror saisissantes dans l’une d’elle et la nature fait frémir dans d’autres qu’elle s’attaque où non directement à nous. Cela nous renvoie bien l’image qu’à agresseur, agresseur et demi, et que la conquête spatiale n’est pas que rêve d’ailleurs et souvenir de mythologie lointaine.

Le trait d’Hoshino est toujours aussi saisissant dans ce voyage. Il étourdit par la vastitude de l’espace qu’il met en scène. Il émerveille avec ces vaisseaux qu’on a l’impression de connaître mais qui sont si loin de nous. Il fait frémir sur ces planètes hostiles où il rend à merveille le danger dans ces plans séquences. Il émeut aussi tant il retranscrit bien l’émotion de la perte et du lointain qui prend ces explorateur. Écrits et dessinés dans les années 80, c’est de nos jours savoureusement rétro à l’image du poster d’ouverture qui rappelle énormément les affiches de Star Wars et j’aime beaucoup cette esthétique. Je suis d’ailleurs ravie d’avoir eu droit à quelques pages couleurs astucieusement complétées par une belle galerie d’images en fin de volume. C’est également un très bel objet esthétique qui met des images sur nombre de situations lues en romans.

Je remercie donc Glénat d’avoir à nouveau permis la découverte de cette somme à un prix plus abordable qu’autrefois. C’était vraiment l’une de mes grandes frustrations et je suis ravie d’avoir l’objet dans ma bibliothèque. Cette anthologie puisse dans les racines de la SF et on sent l’auteur qui s’est fait et nous fait plaisir mais qui se montre aussi réaliste et critique face à ce qu’il décrit. Ce sont donc des histoires vertigineuses mais également humaines et très philosophiques qu’il nous conte de main de maître dans un beau trait réaliste typique des années 80 avec son filtre cinématographique. C’est une somme mais quel voyage !

PS / Petit détail, mais il manque un signe pour que l’objet soit parfait 😉

 > N’hésitez pas à lire aussi l’avis de : Vous ?

Ce diaporama nécessite JavaScript.

©Yukinobu Hoshino, 2007 / ©2023, Editions Glénat

12 commentaires sur “2001 Nights stories de Yukinobu Hoshino

  1. L’inspiration de Clarke m’effraie un peu (j’ai vu le film 2001 et je l’ai trouvé d’un ennui abyssal), mais malgré certains aspects rébarbatifs que tu soulignes, je suis assez curieuse. Je vais voir si m’a bibliothèque l’a en rayon.

    Aimé par 1 personne

  2. La SF me parle, il y a d’ailleurs de jolies Bd sur ce thème qui me tente aussi comme Frontier, mais là, même si j’ai très souvent entendu parler de ce manga, le prix de 31e le tome est clairement une fin de non recevoir, avec ce prix je peux acheter 3 mangas papiers et au moins 7 en numérique.
    J’espère que ma bibliothèque municipale en fera l’acquisition.

    Aimé par 1 personne

    1. Et je l’entends parfaitement, je n’avais pas acheté la première édition à cause de cela ^^!
      C’est dommage parce que clairement on est sur du très qualité et du bien épais.
      J’ai également beaucoup aimé Frontier que tu cites mais qui est totalement différent dans son approche pour le coup 🙂

      J’aime

  3. Manga, SF… déjà, ça me parle bien que j’en lise peu. Ton retour m’a convaincue ; je n’achèterai probablement pas l’œuvre dans un premier temps (un emprunt, plus probablement) mais, si ça me plaît vraiment, ça rejoindra certainement ma bibliothèque personnelle ^^ Merci pour la découverte !

    Aimé par 1 personne

  4. Cette réédition a également répondu à une de mes grandes frustrations à cause du prix et de l’aspect limité de la première édition (et en effet signet n’aurait pas été de refut!) En tout cas quelle oeuvre puissante et fascinante!

    Aimé par 1 personne

Laisser un commentaire