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Mars de Fuyumi Soryo

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Titre : Mars

Auteur : Fuyumi Soryo

Editeur vf : Panini

Années de parution vf : 2003-2005

Nombre de tomes vf  : 15 + un hors série (série terminée)

Résumé : Kira Asou est une jeune fille réservée et solitaire, Rei Kashino lui est la coqueluche des filles du lycée et vit au jour le jour. Mais lorsque ces deux âmes se rencontrent, elle allument un brasier dans les ténèbres de la solitude. Ainsi commence l’histoire d’un amour absolu.

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Mes avis :

Tome 1

Après relu l’intégrale de l’oeuvre d’Ai Yazawa, je me suis dit qu’il était temps de relire petit à petit les séries préférées de ma bibliothèques car ce serait trop dommage de leur laisser prendre la poussière et surtout de ne pas vous en parler. Pour cela, j’ai choisi l’un des premiers shojos avec presque exclusivement de la romance lycéenne que j’ai lu quand j’étais moi-même au lycée : Mars de Fuyumi Soryo.

Série terminée en 15 tomes + 1 hors série (à lire à la fin), ce fut un gros coup de coeur pour moi à l’époque et c’est encore un gros coup de coeur actuellement avec cette relecture plus de 15 ans après. Certaines scènes étaient restées gravées en moi, elles le sont toujours. J’avais également regardé et adoré l’adaptation en drama par les taïwanais (avec Vic Zhou !) et j’ai retrouvé cette ambiance avec plaisir.

Pour se lancer dans cette superbe histoire, il ne faut surtout pas se fier aux couvertures des premiers tomes qui ont un dessin un peu vieillot et des compositions pas des plus attrayantes pour certaines. L’intérieur est également un peu vintage, à l’image des premiers titres d’Ai Yazawa que j’aime tant. Le dessin y est doux et parfois même assez sensuel. Contrairement à ce que fait l’autrice actuelle sur Cesare, elle a une belle palette d’émotion derrière l’impression de froideur qu’elle peut donner.

Mais surtout Mars est une histoire terriblement émouvante, pas juste une romance lycéenne et on le sent très vite. On y fait la rencontre de deux âmes blessées et pures. Rei, le fan de moto, de vitesse, qui vit comme s’il n’avait plus rien à perdre. Qu’a-t-il vécu pour arriver là ? Au lycée, c’est le petit branleur avec qui toutes les filles veulent sortir/coucher. Il est sportif, drôle, déconneur et ne se prend pas la tête, mais il peut aussi être très froid et peut vite partir et monter très haut en terme de violence. Il fait froid dans le dos. A l’inverse, Kira est une jeune fille très douce, limite effacée, au point que ça donne envie selon l’autrice (mais n’importe quoi !) aux autres de la martyriser. Certains ne s’en privent pas, il y a même un prof qui essaie d’aller plus loin avec elle sans son consentement, voyant en elle une proie facile. Mais Kira est passionnée de dessin et très douée pour ça.

Lors de sa rencontre avec Rei, le dessin qu’il y a au dos du plan qu’elle lui dessine le touche et il n’en faut pas plus pour l’intriguer. Rei se sent pousser vers elle, il veut la remercier en jouant les protecteurs. Kira est fascinée par lui, par sa liberté, son audace. Les deux s’attirent sans s’en rendre bien compte. Ce n’est pas le cas des autres. Le meilleur ami de Rei craque pour Kira et une fille qui connait Rei depuis longtemps craque pour ce dernier et note l’intérêt qu’il porte à Kira ce qui ne lui plait pas.

L’autrice mêle astucieusement à ce cadre lycéen connu des thèmes contemporains comme le harcèlement scolaire, le harcèlement sexuel, le deuil, les tendances suicidaires… Cela donne un récit dont on sent très vite la puissance cachée. Le mal être des héros affleure dès le début, il leur est arrivé quelque chose pour qu’ils soient comme ça et on veut savoir quoi. Ils semblent se faire du bien l’un l’autre et on veut voir ça se concrétiser. Ils sont comme l’huile et le feu et pourtant s’entendent à merveille, on veut voir ça et plus encore.

Les dessins si particuliers de l’autrice sont un mélange de ceux des shojos des années 90 et de sa propre patte assez sobre et claire. Le résultat est souvent très doux et presque sensuel même lors de certaines scène. Il concrétise superbement ces sentiments naissants chez les héros par un jeu de regard, une science du cadrage très poétiques ou tout reste pur malgré la violence de certaines scènes et/ou propos. L’art et la vitesse sont au coeur de l’histoire grâce aux passions des deux héros et cela se retrouve dans son trait. Tout comme le mal être des héros est bien présent dans le dessin froid quasi analytique de l’autrice qui semble décrypter la folie sous-jacente de certains personnages. Ça met mal à l’aise et c’est voulu mais c’est réaliste. L’autrice porte ainsi à son paroxysme les sentiments des héros pour une histoire poignante qui subjugue.

Le ton est donc à la fois mélancolique, un peu triste et poétique, parfois dur mais à d’autre moment très doux et pur. Fuyumi Soryo n’oublie pas l’humour dans sa série, celui-ci est présent en belle quantité grâce à Rei et son meilleur ami qui sont de sacrés phénomènes. Rei ne se laisse pas abattre par ce qu’il a vécu et choisi de vivre sa vie pleinement aussi bien dans le malaise que dans l’euphorie. Cela a un petit côté Hartley coeur à vif dans son portrait de la vie au lycée que j’ai beaucoup aimé vu que c’était l’une de mes séries phare ado.

Ainsi, même si je peine un peu à le retranscrire, la relecture de ce premier tome fut un gros coup de coeur. J’ai tout aimé, le ton, l’ambiance, les dessins, les thèmes et surtout les personnages qui me touchent en plein coeur. Ce premier tome est celui d’une rencontre, une rencontre qui peut sembler anodine, mais qui va changer la trajectoire de deux êtres qui vont mal. Cela ne va sûrement pas se faire sans heurt, cela va même faire mal, mais on a espoir que ce soit pour un futur lumineux pour chacun.

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Tome 2

Après mon coup de foudre pour l’ambiance et les personnages du tome 1, je les ai retrouvé avec bonheur dans un deuxième tome paradoxalement plus léger malgré les traumatismes des héros qui commencent à être abordés.

En effet, il s’ouvre sur une légèreté apparente qui accompagne une grande partie du récit, notamment grâce à des répliques très drôles pendant lesquelles Rei et Kida, son meilleur ami, aiment bien se vanner. De plus, maintenant qu’il semble être un fait établi que Rei et Kira sont attirés l’un par l’autre, voir leur rapprochement s’opérer est doux et tendre. On assiste à de jolis moments de vie au lycée quand Rei pose pour Kira, quand il étudie à la bibliothèque, quand Kida donne des conseils amoureux à Kira ou encore quand celle-ci fait ses premiers pas amicaux envers Harumi, sa rivale du premier tome qui ne le sera pas restée longtemps. C’est vraiment mignon tout plein.

Mais ça ne va pas le rester longtemps et ça va vite déraper. Le mal être et la violence de Rei vont nous exploser au visage. Rei n’est pas juste la figure classique du Bad Boy que les filles adorent, son mal être et sa violence signifient vraiment quelque chose, ont vraiment une origine et l’autrice va s’y attarder longuement pour nous expliquer les raisons de tout ça.

En parallèle, les personnages évoluent gagnant en consistance et s’éloignant peut-être du topos que chacun représentait. Kira, qui avait l’image d’une sainte nitouche, évolue, s’ouvre, prend confiance en elle et s’affirme au contact de Rei pour le soutenir notamment. Rei, lui, s’adoucit en sa présence, elle le freine dans descente infernale et sa violence. Il nait vraiment une belle complicité entre eux et l’évolution de leur relation est mignonne et tendre. C’est la découverte des sentiments amoureux pour tous les deux, même si lui est plus expérimenté sur le papier vu son succès avec les filles, mais les sentiments amoureux, ça, il ne connaissait pas. Du coup, comme promis, ils se font du bien l’un l’autre, se guérissent, s’avouent une partie de leurs traumas, ce qui leur permet d’avancer et c’est très beau.

Le titre regorge cependant de noirceur. Il a un drôle de rapport à la mort. Il évoque avec force des sujets lourds comme le suicide du frère de Rei ou la mort accidentelle du père de Kira, deux décès brutaux auxquels ni l’un ni l’autre n’était préparé. Mais ce ne sont pas les seuls sujets difficiles du titre. Dans ce tome, l’autrice traite aussi de différentes formes de pression ressenties par les ados : la pression sociale, la pression scolaire et bien sûr la pression parentale. Normal après qu’ils soient déglingués.

Alors qu’on pourrait y voir une série pleine de drames et de pathos, Fuyumi Soryo au contraire s’en sort avec un titre vraiment lumineux où il fait bon suivre des personnages certes cabossés mais extrêmement purs. 

Tome 3

Le couple étant bel et bien établi, il est temps maintenant pour l’autrice de creuser le reste de son histoire que ce soient leurs traumatismes, en particulier celui de Rei, ou bien leurs passions respectives.

On revient d’ailleurs longuement sur celles-ci tout au long du temps, ce qui une fois de plus permet de rendre le titre lumineux malgré la grisaille qui persiste au-dessus de la tête des héros. Nous suivons ainsi en parallèle Kira qui veut peindre Rei pour une exposition et Rei qui prépare sa participation aux 8h, une course dont il rêve. Chacun est absorbé par sa passion mais aucun n’oublie l’autre, ils parviennent à faire tout coexister en harmonie, c’est assez rare pour le souligner, et cela tient à ce qu’aucun n’étouffe l’autre et chacun écoute l’autre et transmet sa propre passion. C’est un très bel équilibre.

Équilibre que j’ai retrouvé également entre l’ombre et la lumière, le titre surfant toujours entre les deux. L’autrice traite ainsi de la relation entre Rei et son frère jumeau Sei. Elle défriche tout juste ce que leur enfance et adolescence a été, le lien qui les unissait et le drame qui a eu lieu. C’est l’occasion d’aborder le traumatisme lié à un suicide, un deuil mal fait, la perte de son jumeau et donc l’image de sa propre mort, mais aussi la dépendance à l’autre, des thèmes complexes mais que l’autrice traite avec justesse en avançant pas à pas sans en faire trop. Et pour contrebalancer, elle nous offre à voir la construction d’un amour beau et sincère, très pur entre Rei et Kira grâce à une mise en scène très pure et romantique, elle aussi. c’est archi émouvant.

Mais comme toujours, la mangaka ne se contente pas de ça, elle cherche également à enrichir son récit et pour cela, en plus de suivre la peinture du portrait de Rei, on assiste à LA course de Rei, celle qu’il attendait tant ! On la vit comme si on y était, au plus proche de lui. Et là, on sent combien l’autrice a dû se documenter car c’est juste passionnant à suivre. On se croirait dans un titre sportif. Les motos sont archi réalistes pour l’amatrice que je suis, les scènes de courses sont archi vivantes et on frissonne tout du long avec Rei et sa comparse Kyoko qui le connait depuis longtemps et court avec lui. Les scènes sont rythmées, les cadrages parfaits pour nous faire sentir la dangerosité de cette course mais aussi sa puissance et le génie fou de Rei. C’était palpitant à vivre !

Avec ce troisième opus, l’autrice nous offre un superbe développement de l’histoire et presque un accomplissement de celle-ci. Elle nous montre un couple qui a su se trouver, qui a su tirer de la force l’un de l’autre pour vivre sa passion. Honnêtement, à l’époque, la série aurait-elle dû s’arrêter là que je n’aurais pas trop eu de regret, exception faite de l’ultime page qui relance l’histoire, tant ce tome semble conçu pour clore la première partie de ce qu’elle avait à dire.

Tome 4

Alors qu’il y avait une belle harmonie et une belle montée en puissance dramatique et émotionnelle dans les trois premiers tomes qui formaient vraiment un tout, j’ai eu l’impression en lisant ce tome d’un basculement vers quelque chose de plus délayé et trop dramatique…

Sans connaitre l’histoire de la prépublication de la série, j’ai l’impression que celle-ci était plus conçu pour être en 3 tomes et que l’autrice a eu ensuite la surprise de pouvoir continuer, ce qui expliquerait ce sentiment d’une intrigue plus étirée, et ce avec des procédés un peu trop artificiels et récurrents.

Alors que Rei et Kira sont enfin ensemble et que chacun s’est accompli dans son domaine : la peinture pour Kira, la moto pour Rei, voilà pas qu’une figure du passé de Rei fait son apparition. Avec l’arrivée de Shiori beaucoup de choses sont chamboulées et l’histoire devient un peu trop mélodramatique pour moi. Elle perd aussi parfois en cohérence, pour quelque chose de plus flou et alambiqué, ce que j’ai regretté. Je n’ai jamais été fan du schéma de l’ex qui revient pour semer la zizanie et ça n’y coupe pas ici, même si Shiori apporte quelque chose au récit par son lien avec les jumeaux.

Le talent de l’autrice, ressenti dans les tomes précédents, n’a pas disparu et elle fait heureusement un très beau pont entre l’arrivée de Shiori, personnage juste détestable au premier abord par son côté princesse pourrie gâtée, et la psyché compliquée de Rei. En effet, avec elle, nous revenons sur l’étrange relation que ce dernier entretenait avec son frère, une relation par trop fusionnelle. On revient également sur leurs années collège et la figure de Sei, qui n’était pas le garçon fragile que tout le monde croyait. On revient aussi sur la relation actuelle que Rei entretient avec Kira et qui est perturbante tant il y a parfois des similitudes entre elle et Sei. Enfin, on revient sur la famille des jumeaux qui est elle aussi faite de figures tortueuses. Vous voyez, il y a de quoi faire !

La force du titre est bien sûre l’écriture au scalpel des pensées et de la psyché des personnages. Kira, sous ses airs de petite amie soumise – ce que je déteste…- est surtout une fille passionnée et très sensible, très à l’écoute des autres et prête à tout pour les aider. Sa passivité n’en est donc pas vraiment, elle cherche plutôt à aider sans s’imposer, ce qui est tout à son honneur, malgré les revers que cela peut occasionner. Rei, lui, est vraiment tout cabossé par la vie qu’il a connu et surtout la perte de son frère. Il ne sait toujours pas comment gérer l’après et ses souvenirs sont d’ailleurs bien brouillés autour de cet événement, ce n’est pas pour rien. Alors forcément, il ne sait pas vraiment comment traiter Shiori qui souffle le chaud et le froid dans cette histoire, tentant à nouveau de s’immiscer sous sa peau, comme elle voulait le faire entre les deux jumeaux sans y être parvenue. C’est compliqué. Heureusement que nos héros peuvent tous compter sur leurs amis pour les soutenir : Kida, Harumi et Takemura sont des modèles du genre.

Ainsi, même si j’ai eu du mal avec la dramatisation trop importante prise par l’histoire avec l’arrivée de Shiori, un personne que je ne pourrai jamais vraiment aimer, je reste tout de même convaincue que nous sommes en présence d’un grand titre, où l’autrice fait preuve de beaucoup de justesse dans sa description de l’acceptation du suicide et donc de la perte d’un être cher. C’est dur, ça fait mal, mais c’est beau !

Tome 5

Fuyumi Soryo poursuit son décryptage des relations amoureuses sur fond de perte d’un être cher avec un tome encore plein d’émotion et de déchirement.

L’autrice a décidé de revenir longuement dans ce tome sur la relation complexe que Rei entretenait avec son frère jumeau Sei. Tout est flou, tout est brouillon, rien n’est clair, car leur situation familiale n’a rien de simple non plus. L’autrice nous fait ainsi le récit de deux jumeaux qui n’ont toujours pu compter que l’un sur l’autre, rejetés par leur père adoptif, sauf que sans le savoir vraiment ils en ont chacun beaucoup souffert. Rei en est même venu à développer un rapport très complexe à son frère, entre amour inconditionnel et rejet total, voire haine pour celui-ci. Il aurait tout fait pour lui. Il l’a toujours aidé et protégé. Et en même temps, il détestait l’image totalement différente de lui qu’il lui renvoyait. Il détestait se sentir étouffer, au point de ne pas avoir de lieux à lui pour pleurer car trop étouffé par ce frère à protéger. C’était dur et l’autrice parfait parfaitement à retranscrire ce malaise et cette part de noirceur chez son héros. C’est superbe !

Kira se révèle alors être une oreille très attentive. Sa relation avec Rei s’approfondit à cette occasion. Il s’ouvre totalement à elle et elle devient une part essentielle de sa vie, celle qu’il cherchait depuis toujours pour être son havre de paix. C’est particulièrement touchant et poignant. Je regrette juste que pour le moment celle-ci semble encore tellement sur la réserve.

Cela s’en ressent grandement dans la nouvelle partie de l’histoire qui s’ouvre après qu’on ait refermé ce pan sur Sei. Rei cherche à faire évoluer sa relation avec Kira, après tout il est sûr de ses sentiments et l’aime beaucoup. Mais Kira est bien dans cette relation platonique où les rapports charnels n’ont pas lieu d’être. Juste être avec lui, parler, partager leurs passions lui suffit. Elle semble même particulièrement sur la réserve dès que ça va un peu plus loin, se figeant d’un coup. Pourtant paradoxalement, elle nous a fait part de son désir pour lui en tant qu’homme et corps masculin ce qui est d’autant plus étrange.

Heureusement comme dans chaque partie de l’histoire, l’autrice utilise intelligemment les amis de nos héros pour les faire parler, se confier et tenter de leur ouvrir les yeux. Il est amusant de Rei, l’ancien tombeur de ses dames qu’on appelait « Le Truc » confier ses galères à Tatsuya. Il est touchant de voir Harumi tenter d’ouvrir les yeux à Kira sur le bonheur d’être dans les bras de celui qu’on aime. Ce sont de petits instantanés de vie qui nous remmène des années en arrière et qui nous font du bien à nous lecteurs. En plus, les sentiments décrits sont vraiment positifs, on n’est pas avec un garçon voulant imposer ses désirs, on est avec de futurs jeunes adultes réfléchissants vraiment aux envies de l’autre et à ce qu’ils ressentent eux-mêmes.

Ainsi après avoir terminé son arc très mélodramatique, et c’est normal vu le sujet, autour de la mort de Sei, l’autrice nous embarque désormais plus à l’intérieur du couple formé par Kira et Rei, qui s’ils ont toujours été là l’un pour l’autre dans leurs déboires n’ont jamais encore vraiment pensé à ce qu’être ensemble signifiait. J’ai hâte de voir ce que ça va donner.

Tome 6

Fuyumi Soryo a encore eu l’art et la manière de me surprendre avec un tome non pas orienté vers la romance comme je le croyais mais qui vire au contraire en thriller psychologique à la Banana Fish. Excellent !

Je pensais vraiment vu la fin du tome précédent que nous allions enfin voir des avancées dans le couple Kira – Rei et que la question du sexe allait être sérieuse décortiquée. C’était mal connaître l’autrice. A la place, elle introduit dans l’histoire un nouveau personnage très trouble qui prend le relais après Shiori. A nouveau, celui-ci a un lien avec le passé de Rei et est l’occasion de traité d’un certain trait de caractère de celui-ci : sa noire folie.

J’ai été surprise du basculement de l’histoire avec l’arrivée de Makio, ce garçon aux allures de filles qui déclare être amoureux de Rei. Il semble tout faiblard au début et Rei tient même des propos abjects sur lui. Mais en fait, il cache bien son jeu et Rei voit clair derrière le masque qu’il porte. C’est un psychopathe. J’ai vraiment frissonné face à ce changement d’ambiance. Avec Makio, on se retrouve dans une histoire dont les ressorts n’ont rien à envier à la noirceur de Banana Fish que l’éditeur ressort justement en ce moment. On retrouve d’ailleurs une narration et une mise en scène aussi serrées et percutantes que dans ce dernier lors de certains passages.

La plongée dans la folie de ces jeunes marquées par la vie : abandon, deuil, suicide, sévices, harcèlements, est vraiment terrible. Fuyumi Soryo avec son trait assez froid parfois rend à merveille leurs tourments et la difficulté pour ceux-ci de s’insérer dans la société qui n’est pas faite pour eux. Les maladies mentales font peur, aussi bien pour celui qui en souffre que pour celui qui est en face, l’autrice ose nous le montrer dans toute sa crudité et avec tout l’espoir que l’on peut aussi ressentir en voyant ce que Rei devient au contact de Kira. Le contraste entre lui et Makio est ainsi d’autant plus fort.

C’est un nouveau tournant intéressant et inattendu dans l’histoire. On avait déjà vu la face sombre de Rei, mais il est rejoint ici par encore plus fou que lui. L’autrice a bien du courage d’oser aborder frontalement ce genre de question. Elle a surtout une belle dose de justesse en en montrant aussi bien les pires turpitudes que la lumière possible au bout du tunnel. Mars est toujours un superbe titre d’une rare émotion.

Tome 7

Toujours autant de beauté et de puissance dans ce titre qui va décidément bien plus loin que la romance lycéenne pour laquelle il semblait avoir été écrit au début.

L’autrice approfondit toujours plus le sombre psyché complexe de ses personnages. La figure en miroir de Rei et de Makio est saisissante. C’est une plongée en enfer dans les psychoses de la folie et de la dépression. Elle décortique très bien ce qui a conduit chacun là où il est maintenant et les mécanismes qui peuvent mettre en branle leur folie respective. C’est fascinant et glaçant à la fois.

Dans le cas de Makio, ça fait même vraiment peur. Il s’en prend à la vie des autres avec une telle facilité et un regard tellement froid et inhumain, comme s’il regardait tout ça de loin. On en tremble. Dans le cas de Rei, c’est plus compliqué car s’il a pu être comme ça, il a eu la chance de faire les bonnes rencontres pour changer et s’en sortir. Comme quoi, tout n’est pas inné même la folie. Quand on croise le chemin des bonnes personnes, qu’on reçoit la bonne aide, on peut s’en sortir. En tout cas, c’est un superbe travail que l’autrice a fait ici.

Pour nous raconter cela, elle met en scène une histoire racée, stressante et éprouvante, avec un rythme et un découpage très proche des thrillers et du travail qu’elle a ensuite pu faire dans des seinen comme ES : Eternal Sabbath et Cesare. Il y a même quelques ressemblances dans la retranscription de la folie de Makio avec ce qu’a pu faire au même moment Sho-U Tajima dans MPD Psycho et avec Akimi Yoshida et son célèbre Banana Fish pour la représentation des crimes en milieu urbain.

Elle creuse donc de plus en plus son titre dans la voix d’un shojo psychologique où ses traverses une vie avec bien des épreuves. D’ailleurs à peine ce volet refermé, que voilà celui que j’attendais le plus autour de Kira entrouvert. On tourne autour depuis le début, il était temps de s’y consacrer mais je sens que ça va être encore plus rude et douloureux si j’en crois les quelques bribes croisés qui m’ont mis le coeur au bord des lèvres. J’ai hâte d’y recroiser la même force et justesse que jusqu’à présent.

Je me rappelais surtout Mars pour sa très belle romance poignante entre Rei et Kira qui leur permettait de surmonter tous les obstacles sur leur chemin. Je suis heureuse de retrouver ça mais de redécouvrir aussi un titre très fouillé et puissant pour ce qui est de décrire les traumatismes et maladies mentales. C’est sombre, c’est âpre, c’est très noir, ça fait mal, mais c’est de la bonne souffrance car cela permet de mieux comprendre ces êtres-là. Bouleversant.

Tome 8

Je savais pourtant ce que ce tome allait raconter mais je n’étais pas prête. Je me suis à nouveau pris une claque monumentale et j’ai fini en larmes…

Fuyumi Soryo est une autrice qui ose. Elle a déjà parlé dans cette série de suicide, de maladie mentale, de famille dysfonctionnelle. C’est autour du viol désormais et ça fait mal ! En revenant sur le traumatisme de Kira que tout le monde avait deviné elle pose les mots justes. Elle offre à la fois une vision précise de ce que ça peut être pour les victimes avec toute la complexité qu’il y a autour. Elle présente aussi la vision des personnes proches de celle-ci qui réagissent face à cette horreur. C’est saisissant ! Tout sonne juste et c’est ce qui fait d’autant plus mal.

Pour autant, elle ne s’apitoie pas et c’est la force de ce titre. Elle montre une héroïne toujours traumatisée mais en reconstruction, qui cherche à accepter son passé et à aller de l’avant. Elle est pour cela épaulée par des amis et un petit ami sensationnels. Ils ne font pas toujours les bons choix, en particulier Rei qui se montre bien maladroit à plusieurs reprise, mais ils lui offrent ce cadre sécurisant qui permet aux victimes de parler, et c’est ça le plus important.

Poser les mots n’est cependant pas tout et dans ce tome, l’autrice offre des moments d’une rare force et poésie. Son dessin fin et délicat met ces moments rares en apesanteur, flottant hors du temps, alors qu’avec ses mots elle les raccroche bien à notre réalité. C’est magnifique, puissant et terriblement émouvant. Que ce soit l’épisode révélateur, la confrontation, les retrouvailles à la plage ou ce pur moment de bonheur entre amis, tous sont superbes et marquants. Bravo à elle !

Malheureusement chez Fuyumi Soryo les choses ont souvent besoin d’empirer avant de trouver ce moment parfait et la dernière partie de l’histoire est juste glaçante, avec le retour de ce pervers criminels dans l’histoire qui vient à nouveau tout bouleversé alors qu’on pensait avoir trouvé notre point d’équilibre. Ça montre bien que ce genre de situation n’a rien de facile, pour la victime mais aussi pour son entourage, que certains schémas viennent un peu trop à se répéter, les prédateurs profitant de la moindre fragilité. Bon sang que c’est réaliste, j’en tremble encore !

Je peine à trouver les mots pour parler de mon émotion mais ce tome est vraiment l’un des points d’orgue de la série et l’une des raisons pour lesquelles je me rappelle encore de lui près de 20 ans après. Oser parler de viol avec une telle justesse dans tous ces aspects dans une série ado, c’est fort !

Tome 9

Fuyumi Soryo continue de traiter avec brio et dramaturgie le trauma de Kira suite à son viol commis autrefois par son beau-père, le temps d’un tome bouleversant et poignant !

Être victime d’un viol, c’est un trauma sur le long terme, l’autrice l’a parfaitement montré la dernière fois et continue de le faire ici. Mais être le compagnon d’une victime de viol qui n’a pas osé porter plainte et qui connait son violeur, ce n’est pas simple non plus. Ajoutez à celui un violeur qui utilise la vulnérabilité de la mère de la victime pour se rapprocher à nouveau et vous aurez tous les ingrédients de ce tome explosif.

Même si c’est un peu trop dramatisé parfois, je n’ai pu m’empêcher de me sentir bouleversée à la lecture de ce tome qui s’ouvre avec un Rei qui part à la dérive. Il n’arrive pas à accepte que Kira puisse retourner vivre avec son violeur, c’est trop pour lui, et il préfère tout arrêter. Dans un sens, vu tout ce qu’il a vécu, je le comprends. Pour Kira ce n’est pas simple cependant car si elle supporte tout ça c’est parce qu’il est là. Alors après quelques errements, leurs sentiments les ramènent forcément l’un vers l’autre. C’est beau, c’est fort, c’est puissant et c’est émouvant.

Non ce genre de question n’est pas facile à appréhender, encore moins quand on est un ado pied et poing lié à ses parents, le titre le démontre très bien. On commet des erreurs mais on se retrouve aussi et on sait pardonner heureusement. C’est une belle leçon de vie que Rei et Kira nous offre.

Cependant, il ne faut pas croire qu’un violeur peut être pardonné et je remercie l’autrice de le montrer. Un homme a beau être bien sous tout rapport, ça ne veut pas dire qu’il est quelqu’un de bien et un viol n’est pas un acte anodin qu’on peut oublier, pardonner ou effacer. Alors forcément, cela tourne mal pour Kira. Cet homme n’est pas normal et Kira ne va pas bien. C’était une situation explosive qui forcément allait mal finir. Quand ce fut le cas, cette inéluctabilité m’a tout de même fait mal pour Kira qui est obligée de faire face seule comme tant de jeune victime dont l’un ou les parents sont dans l’aveuglement et la négation. Une fois de plus, heureusement que Rei est là, mais c’est loin d’être simple.

Kira ne peut être que traumatisée par tout ça. Elle ne va pas bien, même une fois partie de cet environnement. Elle n’a pas eu de soin, elle n’a pas été accompagnée et elle en aurait besoin. L’autrice décrypte à merveille la psyché des victimes, les idées sombres qui peut les traverser et les pensées morbides qu’ils peuvent avoir. C’est dur, c’est terrifiant. Kira tient des propos sur ses envies de meurtres qui peuvent glacer le sang. Elle parle aussi des hommes et de leur façon de traiter les femmes d’une façon terrible mais qui fait écho à ce que peut ressentir une femme qui a vécu ce qu’elle a vécu, alors c’est terriblement émouvant.

J’ai vraiment été profondément émue et touchée par ce pan de l’histoire autrefois et aujourd’hui encore. Les personnages ne sont pas parfaits, ils sont définitivement abîmés par ce qu’ils ont connu. Ils font des erreurs (et l’autrice aussi peut-être à la vue des dernières images…) mais ils sont humains et leurs amis aussi sur lesquels ils peuvent tellement compter. Harumi et Tatsuya sont fantastiques dans ce tome, présent, compréhensifs mais sans jamais en faire trop. C’est superbe !

Mars est donc encore et toujours un énorme coup de coeur. Ce manga sait me toucher comme rarement avec des questions qui ont souvent été traitées avec beaucoup de maladresse dans ce média mais qui le sont ici avec une grande justesse malgré le goût pour la dramatisation de l’autrice. C’est définitivement un titre à avoir dans sa bibliothèque !

Tome 10

Après tous les drames qui viennent de se passer, voici enfin un tome qui permet de souffler et de retrouver un peu de légèreté, enfin pas trop quand même, n’oublions pas que nous sommes dans la version manga d’Hartley coeur à vif lol

Après son altercation avec son beau-père qui l’avait violée autrefois, Kira est partie de chez elle pour vivre avec Rei. L’autrice choisit ce moment-là pour faire évoluer les choses entre eux. La question du sexe était déjà centrale depuis un moment, ce qui avait d’ailleurs conduit aux révélations sur le passé de Kira, il y a donc une certaine logique. Toutefois, je ne suis pas 100% convaincue par l’enchaînement qui a eu lieu qui m’a mise un peu mal à l’aise sur la question.

Cependant ce quotidien qui débute entre eux démarre d’une très belle façon. Leur premier fois est juste un moment magique où l’on sent tout l’amour qu’ils ont l’un pour l’autre mais aussi le désir de comprendre et faire plaisir à l’autre. C’est un moment d’une rare sensualité, porté par un trait très doux et très fin où le choix de chaque image est parfaitement réfléchi pour à la fois concrétiser leurs sentiments amoureux réciproques mais aussi aider Kira à surmonter son trauma, magique !

La suite est plus banale et un peu plus irritante parfois. Kira et Rei commence à vivre ensemble avec les problèmes que cela occasionne. Il faut trouver des vêtements (merci le travelo du dessus !). Il faut meubler un peu l’appart’ (merci Hama !). Il faut trouver des sous aussi et c’est là que ça coince un peu. Si l’attitude de Rei est top en général, là je n’ai pas approuvé au début qu’il refuse à Kira de travailler. Celle-ci est également trop soumise et ne se rebiffe pas assez. Heureusement la suite me donne tord mais ce début me dérange.

Cependant ils sont dans leur petite bulle de bonheur quasi marital, avec une Kira qui prépare des paniers repas et se charge des tâches ménagères (bonjour le cliché !), un Rei qui travaille et continue de la protéger au besoin, et des amis toujours là pour eux pour les aider et aller se distraire avec eux. C’est hyper positif et ça fait un bien fou.

Néanmoins, tout à leur bonheur ils semblent bien déconnectés de la réalité et on sent bien que celle-ci va les rattraper. Il va prochainement, c’est sûr, y avoir la question des parents de Kira. Mais il y a déjà celle de leur avenir avec un Rei qui veut arrêter le lycée pour devenir vraiment pilote pro. C’est le moment pour voir revenir sur le devant de la scène la question de son père, une question épineuse dont il me tarde de voir le traitement par l’autrice. Une dynamique incluant leurs parents et leur avenir sera forcément au centre des prochains tomes et j’ai déjà hâte.

L’équilibre trouvé entre Rei et Kira dans ce tome est vraiment du bonheur en barre. Ça m’a fait tellement de bien au coeur de les voir enfin vivre leur amour pleinement sans barrière. Leur sexualité a enfin quelque chose de sain. Leur vie commune a quelque chose d’évident. Il y a juste quelques petits détails dont j’ai parlé plus haut sur l’image un peu trop traditionnelle parfois de la femme qui me titille. Je pense que l’autrice le fait exprès car le discours de Rei sur la question est en général bien plus moderne.

Mars est donc définitivement un très beau titre, humain et émouvant, très juste dans sa description et mise en scène des relations de couple avec un dessin aussi doux et puissant que l’histoire.

Tome 11

Voilà le tome du drame annoncé ! Alors forcément, même si ça reste excellent, ce n’est pas mon préféré car j’ai toujours eu du mal avec les dramatisation à l’extrême comme ici qui font vraiment soap opera…

Kira apprend petit à petit à revivre aux côtés de Rei. Elle redevient elle-même. Elle apprend l’indépendance et paradoxalement cette situation, à l’inverse, rend Rei de plus en plus prisonnier. Alors que ça devrait nous faire plaisir de le voir courir vers son rêve, comme les adultes de l’histoire, je n’ai pu m’empêcher d’être inquiète pour lui car il veut endosser un costume d’adulte, ce qu’il n’est pas.

L’autrice nous montre vraiment les ravages que peuvent avoir les situations familiales complexes sur les adolescents et les enfants. Ils cherchent à grandir trop vite, à assumer trop vite des responsabilités qu’ils ne peuvent pas assumer et forcément ça ne peut que finir mal. C’est le cas ici de manière assez spectaculaire quand Fuyumi Soryo accélère tout avec les figures paternelles de l’histoire, figures en miroir puisque l’un est un pourri et l’autre un sauveur.

J’ai eu très peur au moment où tout explose. J’ai vraiment eu peur de retrouver le Rei violent et froid d’autrefois. J’ai vraiment eu peur que ce soit le moment qui ferait basculer Kira dans la folie. Mais finalement, c’est plutôt le moment qui va les sauver malgré le drame qui se joue. Ils parviennent tout deux à surmonter ce qui aurait pu être le déclencheur de leur folie. C’est magnifique, que de chemin parcouru !

Cependant, je dois reconnaitre en même temps que toute cette tragédie fut un peu trop pour moi parfois. L’autrice en fait quand même des tonnes dans la dramaturgie au point d’avoir l’impression de me retrouver dans un soap larmoyant. Les méchants sont très méchants. Les gentils sont très à plaindre. C’est un peu too much. Heureusement que le reste rattrape tout ça.

Avec un tome encore très émouvant, Fuyumi Soryo nous chamboule tout comme elle chamboule nos héros, montrant que non à 17-18 ans on n’a pas encore les épaules pour affronter seul tous les obstacles de la vie, surtout ceux que nos héros ont en face d’eux. C’était dur mais nécessaire et la lumière est toujours présente au bout du chemin.

Tome 12

Fuyumi Soryo n’en finit plus d’explorer le psyché de ses personnages si beaux et si complexes, et elle n’en finit plus de m’émouvoir par la même occasion !

Nouveau coup de coeur pour ce tome de Mars. Je crois qu’on aurait  plus vite fait de compter ce qui ne le sont pas, tant la série est fantastique ! Cette fois, c’est du côté de la famille de Rei que l’histoire s’oriente maintenant qu’a été conclue l’histoire hautement dramatique de Kira. Mais le drame est encore là et il est tout aussi insidieux et sombre.

L’autrice revient avec brio dans un premier temps sur le père de biologique de Rei. J’ai beaucoup aimé la mise en scène de la rencontre entre lui et Kira, qui est non seulement l’occasion de découvrir cet homme mais aussi d’approfondir et introduire les relations complexes de la famille Kashino. Le père de Rei est un taiseux, un homme qu’on peut peiner à comprendre. Avec lui, l’autrice introduit avec brio le thème des problèmes de communication au sein des familles, entre les générations. Rei est totalement différent de son père et se méprend lourdement sur son compte. Celui-ci à l’inverse est extrêmement maladroit et ne sait pas comment prendre ce garçon tellement différent de lui. Ça ne peut conduire qu’à un blocage dont Kira sera probablement la clé.

J’ai beaucoup aimé le portrait de cet homme adulte dans toute sa maladresse. Il m’a beaucoup touché dans son envie de se rapprocher et aider Rei, mais aussi avec les bagages terribles qu’il se traine. C’est une belle âme. Rei, lui, m’a ému aussi par ce côté immature qu’il montre, mais non comme le jeune pris de folie violente comme avant, mais plutôt comme le jeune garçon qui se rebelle mécaniquement contre son daron. C’était mignon.

Il n’en reste que l’autrice n’est pas juste là pour faire le portrait d’un père et d’un fil qui peine à communiquer. Non, Fuyumi Soryo aime explorer les sombres psychés des gens. Elle va donc rapidement revenir aux cas de Sei et de la mère de Rei, et là, on sent que ça va faire mal. Avec douceur et subtilité, l’autrice nous amène petit à petit dans les coulisses de la folie mentale de ces deux personnalités instables. Elle y va tranquillement, en douceur, l’air de rien, dans une sorte de huis clos qui ne dit pas son nom dans l’ancienne maison de Rei, tandis que Kira la découvre. Et d’un coup, on se sent pris à la gorge, enfermés nous aussi dans cette terrible ambiance !

J’ai adoré la narration de ce tome, qui se montre sobre et efficace, mais qui est particulièrement bien pensée entre lenteurs et révélations glaçantes. L’autrice nous conduit vers un dernier arc qui promet de nous retourner encore comme des crêpes pour nous laisser le souffle coupé.

Avec ce tome 12, nous entrons dans la famille de Rei avec tous ces cadavres dans le placard. C’est un moment qui peut avoir l’air tranquille et un peu cocasse même au début mais dont on sent vite le potentiel dramatique. Attention, ça va faire mal !

Tome 13

C’est vraiment toujours aussi beau et aussi âpre ! Ce tome m’a souvent fait osciller entre ces deux sentiments, je ressors donc à nouveau totalement conquise.

Comme prévu, Fuyumi Soryo s’attaque désormais au lourd passé des parents biologiques de Rei. Le temps de pages d’une rare émotion, elle revient avec douceur mais honnêteté et justesse sur les liens complexes qui nouent l’ensemble des parents de Rei et Sei. C’est poignant et déchirant. La mère de Rei était particulièrement fragile depuis toujours, la perte de l’homme qu’elle aimait dans des circonstances tragiques ont tout fait basculer. Puis la suite, c’est son attachement excessif envers ses enfants qui fut à nouveau un terrible déclencheur. La mangaka raconte vraiment tout cela avec beaucoup de compassion envers cette femme tellement fragilisée par la vie.

Cependant, elle n’oublie pas les autres membres de sa famille qui sont ont eux aussi été victimes de cette situation. J’ai été très émue par ce père, trompé par sa femme, obligé d’élever les enfants de son frère, qui en plus est confronté au basculement dans la folie de sa femme. Pauvre homme. Et pauvres enfants qui assistent à tout ça et subissent malgré eux les troubles de leur mère avec les répercussions que ça aura sur eux plus tard. C’était vraiment poignant.

Surtout que Fuyumi Soryo, loin du trait un peu froid qu’on lui connait aujourd’hui dans Cesare, offre ici au contraire, un trait d’une rare douceur. J’ai été fasciné par les visages poupins et purs de Rei et Sei, mais également par celui de leur mère quand la folie s’empare d’elle. Elle dispose d’une palette d’émotions folle, de la pureté enfantine, en passant par la folie, la résignation ou la douceur de l’amour. Car en effet, les pages présentes où Kira et Rei sont ensemble sont juste magiques. Elles dégagent quelque chose d’incroyable sur ce qu’ils représentent l’un pour l’autre qui ne peut que nous étreindre le coeurs comme ils s’étreignent l’un l’autre.

Ainsi la série s’achemine de plus en plus vers sa conclusion, levant les voiles du passé de chacun avec douceur mais franchise, sans plus rien cacher. Reste encore cependant bien des choses à résoudre sur le futur de nos héros. Et une ombre bien connue rode en plus, prête à tout chambouler.

Tome 14

Alors qu’on pourrait s’attendre à une montée en puissance à l’approche de la fin de la série, l’autrice prend le temps d’un tome plus calme cette fois pour aborder la question de l’avenir des personnages. Toujours très bon mais forcément moins intense.

J’ai été un peu surprise de cette parenthèse apaisante. Qu’on ne se trompe pas, la mangaka continue à envoyer du lourd et à aborder des sujets sérieux, mais elle redonne aussi un souffle de légèreté au titre avant un final qui s’annonce plus que sous tension je le crains.

La question de l’avenir de Rei est désormais au centre des préoccupations. Après tout ce qu’il a vécu, il a bien droit lui aussi de réaliser son rêve. Kira s’en rend compte et décide d’aller voir le père de Rei pour lui en parler. En effet, celui-ci n’a rien à faire dans le monde des affaires de son père. Il a beau être plein de charisme, ce n’est pas fait pour lui ce monde plein d’hypocrisie. Rei est trop pur pour ça. Heureusement, malgré ses peurs légitimes, il a perdu son frère lors d’une course automobile, le père de Rei le comprend et lui rend sa liberté.

Ce fut un vrai bonheur dans ce tome de retrouver à la fois l’univers de la moto mais également de revoir un peu la bande d’amis de Rei et de retrouver ainsi leur ambiance chaleureuse. On s’était un peu enfermé dans le drame ces derniers temps et là, retrouver une ambiance simple de jeunes adultes était super agréable. Il faut dire qu’ils ont une super bande d’amis, toujours près pour déconner, mais aussi pour les écouter. C’est beau l’amitié !

Le retour sur les circuits est électrique, lui. Kira découvre vraiment pour la première fois cet univers dont elle n’avait eu qu’un très bref aperçu. L’autrice nous montre la complexité d’être la compagne d’un coureur. En effet, c’est un métier très risqué où les accidents sont nombreux mais quand on aime la vitesse dur de s’en passer. L’autrice ose nous montrer d’anciens coureur accidentés et handicapés. Elle montre donc qu’il y a une vie après, qu’on peut continuer à s’épanouir dans ce sport. Mais ça reste effrayant pour ceux qui y assistent et regardent impuissant comme Kira.

L’image en miroir, elle, est beaucoup plus forte et intense. Rei revit sur sa moto et nous aussi. Ça fait un bien fou de le revoir courir, de le revoir faire un sur un circuit avec une moto. Je trouve à nouveau que l’autrice sait nous faire vibrer dans ses moments grâce à un dessin à la mécanique précise et à l’intensité palpable. On sent qu’elle s’est bien documentée et que ça lui tient à coeur de nous montrer la passion où son héros s’épanouit et est lui-même.

Ainsi ce tome de transition est une sorte de retour aux sources pour les héros après bien des péripéties. Ils ont enfin le droit d’être heureux et de s’épanouir dans leur passion et dans l’avenir qui s’offre à eux, à moins que la dernière ombre qui subsiste ne viennent tout contrarier…

Tome 15

Qu’il est dur à chaque fois de refermer à nouveau une série qu’on a adoré autrefois et qu’on a encore adoré aujourd’hui. Mars m’a fait vivre bien des émotions jusqu’à ce dernier tome où la mort et la vie s’affrontent, tout comme la nuit et la lumière.

Fuyumi Soryo a écrit ici la fin parfaite pour cette superbe série si riche en émotions. Elle alterne les moments de vie chers à notre coeur qui feront se beaux souvenirs plus tard, aux moments décisifs qui sont des tournants dans la vie. Et le tout est juste parfait !

Je me demandais au début pourquoi faire revenir Makio alors que son temps était passé et son histoire bouclée pour moi. J’ai compris en le lisant que c’était un peu la personnification du sombre démon qui rongeait Rei. En effet, Makio revient à un moment où la vie de Rei semble enfin être parfaite : il est revenu à sa passion, il s’est réconcilié avec son père et il a épousé Kira. Mais il lui restait en fait une chose à laquelle il devait se confronter : sa propre mort. Tout comme son jumeau et sa mère son mort, il lui fallait lui aussi affronter ce moment pour enfin être libéré. C’est assez terrible mais tellement bien trouvé de la part de l’autrice et tellement puissant dans sa symbolique. J’en suis ressortie toute bouleversée.

On voit ainsi dans ce dernier tome tout le chemin parcouru par les héros. Ils sont et resteront des êtres imparfaits comme tout un chacun mais ils ont appris à s’aimer mutuellement et l’un l’autre malgré ses imperfections. Kira avoue être encore faible et avoir besoin d’être rassurée par les liens du mariage pour être avec Rei. Rei avoue qu’il devra un jour être à nouveau confronté à la perte d’un être cher et pourtant vivre avec. C’est poignant.

J’ai adoré retrouver à nouveau leurs amis et la famille de Rei dans cet ultime tome. Leurs amis apportent vraiment une caution jeune et chaleureuse qu’on pourrait croire légère et superficielle mais qui au contraire leur apporte l’amour et la stabilité dont ils ont besoin. Ils savent qu’ils peuvent compter sur eux. Le père et la belle-mère de Rei sont également une caution similaire mais à un autre niveau et malgré leurs maladresses réciproques le père et le fils se sont retrouvés.

Les dessins de Fuyumi Soryo ont encore sublimé chacun de ses moments, que ce soit l’amour et l’affection de Rei et Kira, la jeunesse et la fraicheur d’eux et de leurs amis, et bien les liens indéfectibles qui unissent Rei et son père désormais, magnifiés dans une esquisse de Kira, l’artiste. Tout est d’une justesse !

C’est ainsi avec tendresse et émotion qu’on les quitte. Ils ont chacun trouvé leur voie séparément et ensemble. Ils ont appris à s’accepter et à accepter l’autre. Ils ont donc la vie devant eux désormais !

Tome 0 – Bonus

Tome bonus regroupant une histoire relatant la rencontre entre Rei et Tatsuya, ainsi que des histoires indépendantes qui n’ont rien à voir avec l’univers, j’appréhendais un tout petit peu cette lecture, ayant peur de ne pas retrouver l’intensité de la série. Alors certes, c’est plus léger mais l’autrice développe encore des thèmes très forts avec beaucoup de justesse et de poésie.

Ainsi la première partie consacrée à Rei et Tatsuya est celle qui fera le plus plaisir aux fans de la série. On y découvre les deux jeunes hommes lors de leur entrée au lycée. Rien n’était gagné d’avance entre eux non plus. Tatsuya voulait être la star de sa classe, il se fait voler la vedette par Rei, dur de le digérer.

On retrouve ici une dynamique mainte fois vu dans les histoires d’ados avec un héros charismatique qui va finir par charmer celui qui le voyait comme un rival. C’est drôle et attendrissant quand on connait leur histoire. Rei n’a pas encore le grain de folie qu’on lui connait ni sa tchatche auprès des filles mais les prémices sont là. Tatsuya n’est pas encore son acolyte dans tous les mauvais coups. Leur amitié commence à peine. Mais l’autrice nous raconte avec émotion comment Rei débute le lycée et comment Tatsuya va finir par faire attention à lui. Sur le mode de la fureur de vivre, nous avons même droit à une petite séquence tendue avec une bande de motard qui prend Tatsuya en otage le temps d’une course contre Rei. Comme toujours dès qu’il y a une moto, c’est magique ! Une histoire qui fleure bon l’adolescence !

La seconde histoire n’a donc rien à voir avec l’univers de Mars. Dans Le sommeil du Lion, nous rencontrons Isamu, une jeune tête brûlée, qui fait même un peu peur à ses amis par son côté excessif. Il est sans arrêt suivi par une jeune fille, Ayamé, à qui il va finir par prêter attention. Ils se mettent à traîner ensemble et Ayamé va faire émerger le mal être que cache Isamu.

J’ai été émue et surprise par cette histoire dont je n’attendais rien en la démarrant. Elle recèle des trésors d’émotion sur un ado qui regrette de ne pas être intervenu lorsque l’un de ses amis est mort. La culpabilité le ronge et l’a transformé. Son amie va l’aider à retrouver son chemin. Une très belle histoire fantastique sur le remord.

Enfin, la dernière histoire : Un fruit d’un carat, ne paie pas de mine non plus et pourtant interroge avec force sur la place des enfants quand leurs parents se séparent où ont une histoire d’amour. Avec toujours autant d’émotion, Fuyumi Soryo nous fait croiser la route de Nina dont les parents se séparent. Au lycée, Rui, sur qui flashe sa meilleure amie, se met à s’intéresser à elle, ce qui déclenche l’hydre des filles. Rui doit donc marcher sur des oeufs aussi bien au lycée que chez elle. Dur, dur.

J’ai à nouveau été surprise par la délicatesse de cette histoire où l’autrice croque des lycéens observant les amours heureux comme malheureux de leurs parents tout en vivant les leurs. C’est quelque chose de terriblement actuel avec la proportion d’enfants avec des parents séparés. Ici, c’est en plus très émouvant car l’autrice a choisi de mettre en scène des héros très introvertis, qui ont peur de s’ouvrir et s’engager car ils craignent d’être blessés. Fuyumi Soryo a des paroles très justes alors : « En restant à l’écart des autres, tu es triste mais tu ne peux pas être blessée. Tu n’attends rien de personne alors tu n’es jamais trahie. Ce n’est pas très agréable mais tu ne peux pas souffrir. En apparence, tu es forte mais ce n’est qu’une autre face de ta profonde vulnérabilité. » Très émouvant !

Ainsi même si ce recueil n’a pas l’intensité du restant de la série, il reste un bonus fort appréciable puisqu’on y voit l’autrice déjà faire preuve de beaucoup de justesse et de sensibilité dans des histoires écrites plus tôt. Celle consacrée à Tatsuya et Rei est pleine d’une nostalgie rafraichissante et apaise notre coeur après toutes les émotions ressentis à la lecture de la série principale.

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coup de coeur

15 commentaires sur “Mars de Fuyumi Soryo

    1. Exactement ! Tu me vois ravie si je parviens à communiquer mon enthousiasme.
      Quand je me suis lancée dans ma vague de relecture, j’avais peur de ne pas éprouver la même chose et finalement mes coups de coeur ne l’étaient pas pour rien xD

      J’aime

  1. Ce manga est dans mon top trois. Je l’adore depuis ma première lecture. J’ai beau le relire je reste soufflée par cette histoire. Absolument parfait. A noter que lorsque je l’ai lu à sa sortie, j’étais déjà adulte et plus du tout à l’école mais les thématiques abordées sont si fortes qu’elles vous transpercent le coeur.

    Aimé par 1 personne

  2. Coucou ^^ Très belle chronique ! ♥ Comme on en avait parlé sur les réseaux et sur un autre de tes articles, j’ai enfin pu commencer ma collection de Mars. J’espère pouvoir (re)lire la série rapidement (après une case toilettage et rénovation XD)

    En fait j’ai lu le manga il y a quelques années (par des voix disons… ahem… ) et ça avait été une énorme claque. Je n’avais jamais ressenti ça pour un manga à part peut-être Kimi wa pet mais c’est très différent. L’histoire nous prend carrément aux trippes et ça m’a bouleversée.

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    1. Lol la case toilettage/rénovation n’est pas cool mais si ça te permet de lire ce beau titre en physique…

      Effectivement il prend vraiment aux tripes, on s’attache énormément aux personnages d’emblée. L’autrice crée une vraie proximité entre nous et avec tout leur passif on ne peut qu’être touché.

      Je t’en souhaite une belle relecture !

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      1. Clairement non XD Mais ce titre le mérite et vu l’état cosmétique de certains tomes, je préfère les nettoyer un peu car je ne veux pas savoir ce qu’ils ont vécu avant d’arriver dans ma collection.

        C’est tout à fait ça ! Fuyumi Soryô arrive vraiment à nous plonger – littéralement – dans son histoire.

        Merci beaucoup !

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