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L’Eden des sorcières de Yumeji

Titre : L’Eden des sorcières

Auteur : Yumeji

Editeur vf : Ki-Oon (seinen)

Année de parution vf : Depuis 2021

Nombre de tomes vf  : 6 (en cours)

Résumé : Autrefois, plantes et animaux vivaient en harmonie… jusqu’à l’arrivée de l’homme. Incapable de coexister avec les autres espèces, il les a détruites sans remords. Faune et flore ont alors décidé de fuir et de se cacher… Voilà des centaines d’années que le monde n’est plus qu’une vaste étendue désolée. Pourtant, il existe encore de rares enclos de verdure : ce sont les repaires secrets des sorcières, ces femmes d’exception sensibles à l’appel des plantes. Rendues responsables de leur disparition, elles sont la cible de la haine des humains…
Pilly a grandi dans un de ces sanctuaires. Élevée par la puissante Toura, elle tente de développer ses pouvoirs… sans succès ! Pour l’encourager, la vieille femme lui offre une graine qui doit la mener un jour vers l’Éden, un jardin verdoyant réservé à l’élite de leur communauté. La jeune apprentie n’a aucune envie de partir et préférerait passer sa vie à l’abri des regards. Mais son monde s’écroule le jour où des hommes en armes s’introduisent dans sa cachette ! Face à la violence des envahisseurs, tout semble perdu… quand soudain la graine de Pilly donne naissance à un énorme loup, mi-animal mi-végétal ! Serait-il le guide vers la terre des élues ?

Mon avis :

Tome 1

Découvert dans le Ki-Oon Mag, ce titre avait d’emblée attiré mon regard grâce à ces superbes compositions graphiques qui n’étaient pas sans me rappeler, de loin, le travail de Kamome Shirahama dans l’Atelier des sorciers. J’attendais donc de pied ferme le premier tome relié de cette création originale et je remercie Ki-Oon de me l’avoir envoyé.

L’Eden des sorcières est donc une création originale de Yumeji pour Ki-Oon. Ceux-ci l’ont directement débauchée au Japon séduit par son style graphique déjà très marqué et l’ambiance de son titre qui n’était pas sans rappeler certains autres titres de l’éditeur. Je n’ai donc pas été surprise de retrouver la même charte-objet que pour Bride Stories, Magus of the Library ou Isabella Bird dans son format et la forme prise par le livre. On sent vraiment qu’on est dans la même gamme de titres et c’est plutôt bon signe vu que j’adore ces derniers.

Le titre s’ouvre comme un vieux grimoire ou un vieux livre de contes et nous plonge directement dans le récit d’un ancien mythe qui sera ensuite la base de tout l’univers que nous allons suivre. Avec cette ambiance rétro fantastique teintée de fantasy, l’autrice nous embarque dans un très beau voyage, mais un voyage âpre et douloureux parfois, dont on sent que le cheminement n’aura rien de simple.

Tout commence sur une Terre ravagée. Les humains se sont tellement mal comportés qu’ils ont fait fuir la nature et les créatures qui la peuplaient. La terre est donc désormais désertique et les humains ont du mal à survivre. Mais au milieu de tout ça, il y a des femmes qui sont parvenues à survivre grâce à leurs liens privilégiés avec la nature : ce sont les sorcières. Celles-ci sont cependant pourchassées pour être éliminées ou étudiées. Le jour où Pilly, une jeune apprentie, voit sa maîtresse malade, elle n’a d’autre choix que d’aller dans la ville des hommes chercher de l’aide, mais sa grande naïveté va malheureusement lui jouer des tours et elle va se faire remarquer par les mauvais individus. S’en suit une brève mais violente chasse aux sorcières dont sa maîtresse et elle seront victimes.

J’ai beaucoup aimé le ton un peu post-apocalyptique du récit. Cela donnait d’emblée une teinte sombre et rude au récit. La suite de l’histoire n’a fait que le confirmer avec cette chasse aux sorcières dont l’héroïne est victime. Nous sommes dans un univers âpre où la terre désolée n’est pas la seule épreuve que l’héroïne devra surmontée.

J’ai donc été ravie de voir également un peu d’espoir poindre avec la quête dans laquelle elle se jette d’emblée à la fin du deuxième chapitre et qui reprend le titre de la série. En effet, avec un familier né d’une graine, elle se lance à la recherche de l’Eden des sorcières, cette terre promise où elle pourra enfin être en symbiose avec sa nature profonde et la nature tout court. Pour cela, elle se lance sur les routes dans un périple qui lui fera découvrir le monde qui l’entoure, ceux qui le peuple, et sûrement bien plus.

Ce premier tome n’est donc qu’une belle mise en bouche. L’autrice pose d’abord les bases de la mythologie de son univers avec la terre ravagée, les sorcières, les graines, les inquisiteurs, etc. Elle expose le drame qui sera à l’origine de la quête de l’héroïne et on voit les premiers pas et premières rencontres de celle-ci sur les routes.

Tout cela, du dessin jusqu’à la mise en scène et l’ambiance, m’a rappelé de célèbres titres que j’ai beaucoup aimés comme l’Atelier des sorciers (pour son héroïne naïve, le basculement dans le fantastique et bien sûr les dessins), mais Nausicaa aussi (pour le côté aventure et rapport à la nature) ou encore To your eternity (avec le voyage de l’héroïne et son rapport à son familier ainsi que les rencontres qu’elle fait). De très bonnes références.

Les dessins avec leur aura d’anciennes gravures sont vraiment l’atout charme du titre en plus de son univers décrit plus haut. J’adore la finesse et la richesse du trait qui semble être fait à la plume. C’est moins prodigieux que sous la plume de Kamome Shirahama mais cela reste superbe, plein de poésie et de mélancolie avec une touche de noirceur saisissante et enivrante parfois. Le titre mélange en plus ambiance occidentale et orientale avec ce rapport shintoïste à la nature qu’on retrouve fortement dans Oak, le familier de l’héroïne. La peinture de celle-ci est fabuleuse, la nature coure de partout et semble nous envelopper autant que nous étouffer, cherchant à se venger de ce qu’on lui a fait subir.

Voici donc une belle première incursion dans ce titre qui a le mérite de revisiter avec une jolie dose d’originalité le mythe de la sorcière et le récit post-apocalyptique avec voyage initiatique. L’autrice semble avoir pris plein de choses qui lui plaisaient pour les secouer et les mélanger afin de faire ressortir cette oeuvre très humaine dont l’âpreté pique mais stimule aussi l’imagination et la réflexion. Je demande juste à ce que la suite prenne le bon chemin comme ce fut le cas pour To your eternity qui démarrait tout aussi mystérieusement et timidement et qui a produit une superbe fresque philosophique.

(Merci à Ki-Oon pour cette lecture)

>> N’hésitez pas à lire également les avis de : l’Apprenti Otaku, Les voyages de Ly, La pomme qui rougit, Alfaric, Vous ?

Tome 2

Sous ses dehors d’aventure fantasy assez classique, L’Eden des sorcières recèle de petits trésors cachés qui rendent le récit fort prenant à lire.

Yumeji continue dans ce tome de nous plonger dans une ambiance post-apo version magie tout à fait saisissante. Que l’héroïne soit seule ou accompagnée, la désolation est sans cesse là près de nous à presque nous étouffer. Le dessin particulièrement immersif de la mangaka fait vraiment forte impression. Ses nombreux détails ont le don de nous glacer le sang dans cet univers désertique et aussi bien les créatures anima-végétale que les êtres humains font souvent froid dans le dos. C’est particulièrement réussi.

Pourtant, le temps de la narration est tranquille. L’autrice prend son temps pour nous conter le voyage initiatique de son héroïne. Entre rencontre avec une sorcière solitaire se transformant en manuel de survie, discussion à deux avec sa mystère créature qui donne un air métaphysique à l’histoire, et découverte d’un autre clan de sorcières fort différent de ce qu’elle a connu, on ne s’ennuie pas. Pourtant, le rythme est lent et posé malgré les avancées qu’elle connaît. Peut-être parce que les mystères sont partout et qu’on ne s’en dépatouille pas.

Autant l’héroïne est très franche et se lit comme un livre ouvert, autant tous ceux qui gravitent autour renferment des secrets. Oak en sait bien plus long qu’il ne le dit et poursuit son propre agenda. Zakum fait froid dans le dos dans le Palais impérial et en dehors de son évidente chasse aux sorcières, on se demande ce qu’il recherche vraiment, le dessin morbide de l’autrice, nous poussant à croire le pire. Mais tout cela rend la lecture fort prenante tandis que l’on cherche péniblement des indices à travers les pages.

On se retrouve ainsi à refermer le tome totalement sous le charme de cette ambiance atypique propre au récit imaginé par Yumeji entre influence post-apo, écologique et ésotérique. J’ai trouvé que son dessin avait gagné en force et précision, tout en prolongeant la belle ambiance immersive et différente du titre. Mais surtout, elle nous happe par son récit simple sur le principe mais profond et intriguant par le propos. L’autrice sait tenir son lecteur en haleine et ce n’est pas le terrible cliffhanger final qui me démentira.

Tome 3

La plongée dans l’univers sombre et dramatiquement poétique de L’Eden des sorcières n’en finit pas de me séduire malgré ses dessins et sa narration parfois maladroite, car l’ambiance est vraiment belle dans son âpreté et sa rudesse envers ses femmes.

La poésie de la plume de Yumeji qui continue de me séduire énormément dans ce nouveau tome mettant en scène encore bien des déboires de nos amies sorcières pourchassées par les hommes du roi. Un schéma classique, déjà mainte fois vue dans ce type d’histoire, mais qui fonctionne toujours aussi bien et surtout qui est couplé avec un univers sombre et aride assez singulier, mélange de Nausicaä et de récit un peu désertique comme dans la Terre Fracturée. J’adore l’ambiance.

Tout se passe comme si cet univers n’était quasiment pas peuplé à part quelques poches de-ci de-là, et ce sont justement ces poches que l’on va visiter au fil des aventures de l’héroïne, Pilly, et de son compagnon canin, Oak, qui sont à la recherche d’un paradis pour les sorcières. C’est très étrange, cela donne une fausse sensation de huis clos à chaque étape, et en même temps, Pilly va à la rencontre de sorcières comme elles qui vivent leur vie en autarcie mais pas réellement seule. On y découvre toute une société de femme sur le thème de la solidarité en mode sororité mais ce n’est pas sans conséquences parfois sombre, puisque l’homme est après tout un loup pour l’homme.

Avec ces beaux dessins, parfois maladroit quand même comme dans le dessin d’un certain nouveau personnage aux proportions ratées au niveau de la gorge ^^!, l’autrice nous immerge dans un monde à l’ancienne peuplé de sorcières et de chasseurs de celle-ci. On est en plein dans un univers inspiré des contes à l’ancienne, que ce soit par le trait rappelant les gravures, ou les décors et costumes. C’est assez immersif et j’ai de plus en plus l’impression d’un mélange encore sorcières et Nausicaä, notamment du côté de l’héroïne quand ses pouvoirs se manifestent et ceux-ci le font plusieurs fois ici.

Car il faut reconnaître que cela bouge dans ce tome. Il y a d’abord la fin de la rencontre avec les sorcières cachées derrière ce puits d’eau avec l’attaque des soldats. Pilly va devoir faire un choix terrible mais c’est son grand coeur qui lui dicte. Cela va la conduire à faire une rencontre des plus singulières avec le nouveau personnage indiqué en couverture qui en cache long. Cette nouvelle sorcière diffère totalement des précédentes, elle est inquiétante, dérangeante et intrigante aussi bien de part ses actes que sa place, et interroge sur le devenir des sorcières pour moi. Pilly va donc se confronter à un nouveau modèle et vivre encore des aventures surprenantes.

Avec son ambiance de quête aussi bien intérieure que dépaysante, ce nouveau tome de l’Eden des sorcières nous décoiffe encore. Pilly n’a pas fini de faire de sacrées découvertes et de nous montrer le triste sort des femmes différentes dans cet univers fantastique fortement inspiré des contes d’autrefois. L’aura féministe mais aussi écologique du titre frotte et gêne aux entournures, poussant à réfléchir. J’ai aimé l’évolution de l’héroïne, ses rencontres et sa relation fusionnelle avec Oak, témoignage de ses pouvoirs enfouis. L’aventure est au rendez-vous tout comme l’expérience humaine. Un titre à la fois beau et singulier.

Tome 4

Avec sa couverture qui tranche par rapport aux précédentes, l’autrice semble vouloir nous emmener dans un nouvel aspect de son histoire, un aspect peut-être plus bestial, mais qui se révèle également très poétique. J’ai été complètement séduite.

Pilly notre jeune sorcière a su se sortir du piège dans lequel elle était tomber et échapper aux griffes Zakum et son envie de la capturer pour l’étudier à l’aide de sa chère sorcière dévoyée. Nous avons grâce à cela un tome qui offre une belle pause dans l’oeuvre et permet de nouvelles rencontres importantes pour la construction de l’héroïne.

Cet homme qui m’avait tant surpris en couverture, qui me donnait presque l’impression d’être un loup-garou avec cette barbe envahissante et cette épée en plein milieu le révélant autre, se révèle en fait être l’atout majeur du tome. En poursuivant sa quête, Pilly fait sa rencontre dans une forêt anciennement entretenue par une sorcière qui n’y est plus et qui a été remplacée par ce mystérieux soldat. A travers leur rencontre beaucoup de choses se jouent. On découvre dans le passé de cet homme, Aster, une autre façon encore de cohabiter entre sorcière et humain, tout comme dans la relation qu’il va tisser avec Pilly et c’est très émouvant.

L’autrice joue à merveille sur nos sentiments grâce à une très jolie mise en scène où on la sent bien plus à l’aise qu’avant. Elle mélange la quête de Pilly avec cette rencontre, le passé d’Aster, les aspirations à s’endurcir de l’héroïne et la relation de confiance qu’elle va devoir nouer avec sa nouvelle compagne de voyage ainsi que celle complexe qu’elle a déjà avec sa créature, Oak. C’est foisonnant et très intéressant. L’alternance entre scènes percutantes et légers flashbacks en marge pour montrer que chaque action rappelle des souvenirs aux uns et aux autres est très bien fait. J’ai beaucoup aimé voir Pilly prendre les rênes. C’était chouette de la voir comment elle allait approcher Aster et en tirer profit. J’ai aimé qu’on arrête d’avoir une héroïne attentiste se laissant porter par les autres et les circonstances mais qui veut prendre son destin entre ses mains et se battre.

Mais comme je le disais plus haut, ce sont surtout ceux l’accompagnant qui m’ont intéressé. L’histoire d’Aster est très touchante. Ancien soldat soigné par une sorcière, il s’est tellement attaché à elle, qu’il continue à veiller pour elle sur ses plantes et à partager + répandre ses idéaux. C’est émouvant de voir l’amour dans le regard de ce vieil homme. Grâce à lui, on découvre également une autre sorcière en quête de ce fameux Eden et ça nous donne de l’espoir pour notre héroïne mais aussi le sentiment de peur que tout ça ne soit illusoire vu qu’elle n’est jamais revenue… Quant à sa compagne d’aventure, elle rappelle Pilly aux débuts. Elle agace un peu par ses craintes, ses peurs, mais on apprécie que notre héroïne ait désormais une compagne de voyage autre que Oak, car ça la poussera à se dépasser.

Cette respiration fut donc vraiment riche et intéressante et le fait qu’elle se soit joué en pleine nature était merveilleux pour donner libre court aux pouvoirs de nos héroïnes sous le trait toujours aussi poétique de Yumeji, qui décidément capture fort joliment cette nature à peine domestiquée.

En revanche, tous ces jolis progrès s’effondrent un peu quand Yumeji reproduit la même narration maladroite qu’à ses débuts dès que Pilly et sa compagne reprenne la route. Le rebondissement qui leur tombe dessus est téléphoné comme pas deux et même tiré par les cheveux, donc absolument pas crédible et ça m’a peinée après tous les progrès déployés précédemment. Là, on retrouve des sentiments totalement exagérés, un enchaînement d’action maladroit, des choix pas crédibles, et j’en passe. Certes, cela apporte de l’action, mais à quel prix ! J’aimerais tellement que l’autrice ait une narration aussi qualitative lors des phases d’action que lorsqu’elle développe ses personnages.

Très joliment surprise par le personnage en couverture et tout ce qu’il apporte dans ce tome à l’héroïne et sa quête, j’ai eu une douche froide avec le rebondissement final qui fut bien trop « gros » pour être crédible et me laisse donc sur un mauvais sentiment, alors que tout le reste était merveilleux. J’aime cependant la direction prise par l’héroïne et l’histoire et je trouve l’autrice de plus en plus à l’aise pour joliment développer ses personnages. C’est vraiment un beau titre pour un premier essai.

Tome 5

La recherche de l’Eden des sorcières est toujours de mise et nous emmène encore une fois dans une quête humaine riche et bouleversante où notre héroïne grandit de plus en plus en affrontant les vicissitudes de la vie et en s’ouvrant au monde.

Série de fantasy par excellence, L’Eden des sorcières reprend à merveille les codes classiques de celles-ci en l’agrémentant d’une touche « sorcière » des plus savoureuses. L’univers est ainsi âpre, sombre, écorchant et poétique aussi dans sa noirceur et sa tristesse de monde en déliquescence où la nature fuit l’homme qui l’a agressée à de trop nombreuses reprises.

Dans ce tome, Pilly se lance à la rescousse d’Oak, capturé par ses ennemis et emmené dans le château de la capitale pour être étudié mais surtout pour servir d’appât et la faire venir. Ne se doutant de rien, et quand bien même voulant sauver cet être magique qui est devenu un membre de sa famille pour elle, Pilly se lance à l’assaut de la ville avec son amie Karen.

J’ai beaucoup aimé ce tome plein d’aventure et surtout plus urbain que d’habitude. L’autrice nous avait emmenés par monts et par vaux sur les routes de son monde, mais on avait peu croisé de cités et de communautés. C’est l’occasion ici de découvrir l’une d’elle grâce au médecin qui aide nos héroïnes à s’introduire dans la ville. Avec ses allures moyenâgeuses, elle est superbe. L’autrice flirte allègrement avec ce pan très classique de la fantasy fait d’influence de cette époque, de chevalier, de sorciers/sorcières et de méchants inquisiteurs, mais ça fonctionne très bien !

Voir Pilly se lancer dans cette quête donne un nouvel élan à la série. L’autrice semble enfin lui donner une ligne plus claire, avec cette sorcière se réclamant comme sa mère la cherchant, ce grand inquisiteur qui travaille avec elle qui veut utiliser Oak pour l’attirer, et ainsi cette toile qui se tisse entre eux tous sur fond de nobles désœuvrés face au recul de la nature, qui accusent les sorcières de cet état de fait et les pourchassent. Tout prend sens. De notre côté, on apprécie le plan imaginé par l’héroïne, classique mais efficace. On prend plaisir aux nouvelles rencontres qu’elle fait et aux interactions qu’elle noue, même si ça a un je ne sais quoi de Jeanne d’Arc dans l’âme. Les promesses sont là pour une suite qui la confrontera à ses pires démons : la chasse aux sorcières, la maltraitance des Amurds et de leurs gardiens.

C’est graphiquement toujours aussi séduisant. S’il y a quelques petits ratés parfois montrant la jeunesse de l’autrice avec des cases s’enchaînant mal et figeant la narration, il y a aussi de vrais coups de génie poétique lors de certaines séquences, que ce soit quand on voit Oak capturé, quand l’Inquisiteur montre ses aspirations démesurées de grandeurs ou quand la Sorcière avec qui il travaille sort de ses gonds. Ses pages où on voit la nature humaine ou la nature tout court reprendre ses droits sont splendides. De la même façon, j’ai trouvé la représentation de la ville et son ambiance moyenâgeuse très réussies, ce qui a contribué à rendre le récit très immersif.

Véritable aventure qui connecte de plus en plus la quête personnelle de l’héroïne, la nature et les terribles aspirations humaines, L’Eden des sorcières gagne en finesse et intensité dans ce tome où l’action change de place. Après avoir écumé la nature, c’est pertinent de se rapprocher aussi de la source du mal : la ville et les humains. J’ai hâte de voir ce qui va éclore de tout cela.

Tome 6

Voici une série que je trouve fort discrète en librairie et parmi les recommendations des « influenceurs » et pourtant je la trouve excellente. Elle propose un monde des plus nuancés où le bien et le mal sont dans la nature et surtout dans la manière dont on l’envisage.

Fable écolo des plus réussies, L’Eden des sorcières continuent de m’embarquer. Je vais être honnête, il m’a fallu quelques minutes d’adaptation pour me rappeler où en était l’histoire et qui était ce jeune soldat qu’on suivait. Mais l’autrice a le talent nécessaire pour vite reposer les enjeux et proposer une histoire toujours aussi riche de complexité et de noirceur, dans un univers de fantasy où la nature a un rôle essentiel. J’adore.

Pilly est donc désormais soldat sous les ordres de celle même qui l’a oppressée, et pourquoi ? Pour pénétrer dans le château de ses plus grands ennemis avec de retrouver son loup gardien : Oak. Elle va devoir vivre de terribles épreuves qui vont mettre à mal sa morale pour cela. J’ai beaucoup aimé la suivre dans cette terrible aventure où l’autrice nous interroge sur la limite de nos idéaux et des valeurs qu’on défend quand un plus grand désir peut-être se propose. En effet, chasser soi-même des sorcières quand on en est une, participer à toute cette violence, dénoncer des consoeurs, ça heurte quand même énormément l’essence même de Pilly. C’est justement ce qui est bon !

L’autrice développe en effet des personnages plein de contradictions et d’ambivalence qui vont nous serrer le coeur. C’est le cas avec Pilly lors de cette chasse aux sorcières à laquelle elle participe. C’est également le cas de son camarade Adonis que cela torture, alors qu’il voyait dans l’armée sa délivrance après une rude existence d’esclave. C’est encore plus le cas avec sa capitaine, une femme terriblement imposante et effrayante dont on découvre le rude passé. Élevée dans un éden, elle aussi, c’est la violence qui lui a fait quitter et choisir cette fois pleine d’ambivalence qui lui fait renoncer à une forme de ses idéaux pour en embrasser de nouveaux, que nous lecteurs trouvons en contradiction, mais pas elle. Que de personnage intelligemment construits !

C’est ainsi d’autant plus surprenant de tomber ensuite sur Zakum, qui est un peu trop la figure archétypale du psychopathe, garçon normal un peu introverti et rejeté qui a vrillé. Mais là où l’écriture était complexe et subtile chez les autres, ici, c’est fait bien trop rapidement, brusquement et cela donne un résultat des plus singuliers avec un revirement brutal et caricatural déclenchant sa haine des sorcières. Je n’ai pas aimé cette caricature de méchant, tout comme je n’aime pas celle de la sorcière qui l’accompagne, qui manque aussi de finesse. C’est mon gros bémol dans une histoire qui me convainc pourtant à 100% (hormis quelques dessins aux proportions assez maladroites ^^!).

Sombre saga de fantasy naturiste, L’Eden des sorcières offre un superbe panel de personnages complexes aux destinées troublées qui viennent questionner leurs idéaux et valeurs lors de situations horribles. C’est intense, c’est torturé et c’est beau. J’aime cette noirceur et je regrette qu’on ne parle pas plus de ce très beau titre de fantasy, classique dans sa forme mais terriblement bien écrit.

(Merci à Ki-oon pour ces lectures et leur confiance)

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33 commentaires sur “L’Eden des sorcières de Yumeji

  1. Je suis très content de voir que tu accroche aussi à ce titre. Pour ma part j’avais peur d’un titre un peu générique comme Alpi qui ne m’a pas conquis comme tu le sais, et au final, je me suis vraiment pris au jeu. Du coup je continuerai avec grand plaisir !

    Bonne soirée au passage, moi je vais reprendre la saison 2 de Beastars !

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    1. Je n’avais pas de grosses appréhensions pour ma part, tu as dû remarquer que j’étais plutôt friande de ce genre d’univers.
      Mais je trouve le côté « écolo » plutôt bien fait ici et je pense qu’il a dû faire partie de ce qui t’a séduit 😉

      Bonne soirée devant Beastars ! (Moi, je suis en plein dans l’univers d’Hannibal Lector, pas si loin que ça finalement ^^)

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      1. Ah, tu regarde/lis quelle oeuvre dans cet univers ?
        J’adore tout particulièrement en film Manhunter et Le Silence des Agneaux, les autres films c’est caca je trouve. J’ai vu la première saison de Hannibal que j’ai beaucoup aimé aussi.

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      2. J’ai commencé par Le Silence des agneaux, j’ai regardé Le sixième sens ensuite, puis Hannibal et je suis devant le Dragon rouge.
        C’est sympa mais ça me fait moins peur que prévu, mais c’est sûrement parce que tout plein de films/séries ont dû s’en inspirer depuis…
        Je n’avais pas pensé à la série, il faut que je me l’ajoute !

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      3. Le Silence des Agneaux fait quand même son petit effet avec Buffalo Bill. Et j’ai un petit faible pour Tom Noonan en méchant (Francis je sais plus quoi de mémoire) dans Manhunter. Puis je dois avouer que je suis vraiment fan hardcore du cinéma de Michael Mann donc ce film pour moi c’est un bijou !

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      4. Je trouve effectivement le dernier quart d’heure du Silence des agneaux avec Clary qui rentre dans cette maison, bien flippant !
        Clair, le méchant des Manhunter est un psychopathe effrayant. J’ai bien aimé sa réinterprétation par Fiennes dans Dragon rouge mais il m’a fait moins flipper que l’original ><
        Il faudrait que je regarde ce que Mann a fait d'autre alors 😉

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      5. Il a fait que des merveilles !
        Heat et Miami Vice sont pour moi ses chefs d’oeuvre. Mais Collateral et Hacker aussi c’est vachement bien (que des polars). Pis Ali et Revelations, dans des genres différents, c’est top également. De toute façon il n’y a rien à jeter dans sa filmo.

        C’est lui qui va faire l’épisode pilote de l’adaptation du bouquin Tokyo Vice, j’ai tellement hâte !

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      6. Yes, il sera adapté en série avec Michael Mann sur le premier épisode, mais je ne sais pas trop quel rôle il aura sur la série dans sa globalité. Mais s’il supervise et qu’il est investi à fond dedans, c’est top.
        Et Ansel Elgort jouera le rôle principal, ce qui me ravit tant il était excellent dans Baby Driver!

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      7. En plus, une série, top !
        Je viens de regarder sa filmo et c’est vrai que le monsieur a participé à plein de chouettes films dont certains sur ma wishlist. Je sens que tu viens d’orienter mes visio de la semaine prochaine lol
        Pas vu Baby Driver par contre, ça ne m’inspirait pas trop ><

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      8. Baby Driver c’est vraiment super pourtant ! C’est un film de braquage mais avec un petit truc en plus. Le perso principal a des acouphènes du coup il écoute tout le temps de la musique, et le réal a travaillé sur la musique pour chaque scène, parfois c’est vraiment particulièrement réussi en terme de montage et de scénographie le travail par rapport à la musique. Mais surtout, le personnage principal est tellement, tellement bien écrit ! Et puis il y a une romance mignonne au centre de l’histoire.
        Franchement, j’ai été conquis par ce film et même ma femme a bien aimé alors que c’est un film d’action.

        En tout cas si tu plonge un peu dans la filmo de Michael Mann, je compte sur toi pour me faire un retour ! C’est un de mes cinéastes américains préférés.

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      9. Une fois de plus, tu le vends très bien. Je m’étais arrêté au film de braquage, ce qui m’attirait peu. Je vais devoir regarder aussi.
        Je te dirai ça, le premier sera sûrement Le dernier des Mohicans que je n’ai jamais vu honte à moi 😅

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      10. Ah yes !
        Je sais pas si tu sais mais il y a deux versions du film. La version ciné qui fait 1h40 (la seule que j’ai vu, très bien par ailleurs) et une directors cut qui fait un peu plus de 2h, et qui est apparemment bien meilleure. Si jamais tu as le choix entre les deux 😉

        J’aime beaucoup Le Dernier des Mohicans, ça a un souffle très romanesque, des musiques magnifiques et Daniel Day Lewis… quel acteur d’exception ! (Madeleine Stowe est aussi très bien)

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